AccueilDroits de l'HommeJeu toxique des autorités françaises qui livrent les Kurdes à Erdogan

Jeu toxique des autorités françaises qui livrent les Kurdes à Erdogan

PARIS – En l’espace de deux semaines, la France a livré à la Turquie 3 militants kurdes qui ont été immédiatement emprisonnés pour terrorisme, et ce, malgré de nombreuses mises en garde et de manifestations. Plusieurs partis de gauche et écologistes français ont condamné l’attitude des autorités françaises qui jettent en pâture les Kurdes à Erdogan, tout en fermant les yeux sur la présence d’agents turcs sur le sol français où ils ont commis des assassinats de militants kurdes, notamment en janvier 2013. Le parti politique « Mouvement Ensemble pour une Alternative de Gauche Écologiste et Solidaire » dénonce « jeu toxique des autorités françaises » et les exhorte à reprendre les « procédures judiciaires pour que la vérité soit enfin établie dans ces assassinats » [de Kurdes en France].

Voici le communiqué d’Ensemble!:

 

La France – « patrie des droits de l’homme » – vient de prononcer l’expulsions de plusieurs militants kurdes. Les autorités françaises savent pourtant les conséquences inhumaines et les longues années d’emprisonnement qui attendent ces militants.

 

Face aux militant·es kurdes réfugié·es en France, à quel jeu toxique jouent les autorités françaises ?

Le 28 mars 2024, les autorités françaises ont expulsé Firaz Korkmaz, jeune militant kurde de 24 ans qui avait demandé l’asile politique en France. Menotté, il a été embarqué dans un avion pour la Turquie, malgré un rassemblement à Roissy dénonçant l’opération. Il a été incarcéré immédiatement à Istanbul où de longues années d’emprisonnement (voire de tortures) l’attendent comme c’est la tradition de ce régime répressif !

Le 9 avril dernier, un autre militant kurde, Mehmet Kopal, a été à son tour expulsé. Partout, en Turquie, son arrestation a été applaudie, alors qu’il était recherché pour appartenance au PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan), considéré comme terroriste par Ankara. De nombreuses organisations en France – dont ENSEMBLE! – demandent sa sortie des listes des organisations terroristes.

Enfin, le 12 avril, Serhat Gultekin a été, lui aussi, expulsé (bien que ses avocats aient publié un communiqué indiquant qu’il souffrait du syndrome de Marfan, une maladie génétique rare). Ils ont précisé que « cette décision a été prise en dépit de nombreux recours juridiques et maints appels aux autorités françaises ». Serhat Gültekin a été envoyé à la prison de Metris pour l’exécution d’une peine définitive de six ans et trois mois.

Le Conseil démocratique kurde en France a dénoncé « un comportement contraire aux valeurs humaines fondamentales » de la France, « pays connu pour sa défense des droits de l’homme ».

Les médias turcs, pour leur part, se félicitent pour la coopération étroite et préparée de longue date entre la France et la Turquie, ce qui soulève de grandes inquiétudes.

Ces expulsions sont d’autant plus scandaleuses que les autorités françaises savent pertinemment le sort qui est réservé à ses victimes !

Ces atteintes aux droits humains et aux libertés démocratiques sont inacceptables.

ENSEMBLE! a publié un communiqué « Non aux expulsions de militants kurdes ! » exigeant que cessent de telles pratiques de collaboration avec un régime antidémocratique (dont les résultats des élections du 31 mars ont d’ailleurs largement montré le désaveu qu’il suscite dans le pays).

Mais d’autres questions se posent quant à l’attitude des autorités françaises vis-à-vis de la police et des « forces spéciales » du régime d’Erdoğan.

N’oublions pas que le 9 janvier 2013, trois militantes kurdes ont été assassinées à Paris : Sakine Cansiz, Leyla Soylemez et Fidan Dogan, responsable du Centre d’Information du Kurdistan à Paris, au siège du Centre 147 rue Lafayette. Un suspect, Ömer Güney a été arrêté. Engagé comme chauffeur par le Centre, son procès montrera qu’il se réclamait des « Loups Gris ». Cet organisme paramilitaire turc d’extrême droite collabore avec les services secrets turcs, le MIT. Ömer Güney en était très probablement membre. Malheureusement, il est décédé d’un cancer en prison. Dans son réquisitoire, le Procureur de la République déclara : « de nombreux éléments de la procédure permettent de suspecter l’implication du MIT dans l’instigation et la préparation des assassinats ».

Et depuis ? Depuis : rien ! Le procès est au point mort ! Depuis 11 ans, les représentants des autorités kurdes demandent en vain la levée du « secret défense » dont les autorités françaises se réclament pour ne pas reprendre l’affaire !

Poursuivons avec les affaires nauséabondes : le 23 décembre 2022, trois responsables kurdes sont, à leur tour, assassinés en France au siège du Conseil Démocratique Kurde en France, rue d’Enghien. Parmi les victimes, Emine Kara, responsable du Mouvement des Femmes Kurdes en France. Elle avait combattu les armes à la main à Rakka contre l’État Islamique, puis demandé l’asile politique en France : l’OFPRA lui avait refusé le statut de réfugiée ! Ce qui n’a pas empêché notre hypocrite président de la République de dénoncer une « odieuse attaque contre les Kurdes de France » !

Faut-il préciser que, dans cette affaire-là également, l’enquête est au point mort ?

Mais il y a encore mieux ! Un certain Zekeriya Çelikbilek, ancien militaire turc – et probablement lui aussi membre du MIT – a été condamné par contumace en Belgique à cinq ans de prison pour des projets d’assassinat de deux militants kurdes. Il est par ailleurs soupçonné d’avoir participé à l’assassinat des trois Kurdes en janvier 2013 à Paris. Il avait d’ailleurs été entendu comme témoin.

Un article, publié le 9 avril dernier par l’hebdomadaire le Point – peu susceptible de sympathie avec le « terrorisme » kurde ! – « La France couvre-t-elle les crimes des services turcs ? », a révélé que cet individu vit tout à fait tranquillement… à Reims, en France !

À qui fera-t-on croire que les autorités françaises l’ignoraient ? D’autant que les éléments dévoilés montrent que cet agent aurait été envoyé en France en 2017 pour préparer les attentats de 2013… mais que depuis, il a acquis la citoyenneté française. Une photo le montre d’ailleurs dans les locaux de l’ambassade de Turquie à Paris, aux côtés de l’ancien ambassadeur Ismaïl Hakki Mussa.

Il est grand temps que les autorités françaises répondent aux nombreuses questions qui lui sont posées :
  • Pour quand la levée du secret défense ?
  • Pour quand la reprise des procédures judiciaires pour que la vérité soit enfin établie dans ces assassinats ?
  • Quels sont les intérêts des autorités françaises à coopérer ainsi avec les forces [turques] de répression ?
  • Et lesquelles sont à la manœuvre ?

En France, les Kurdes se sentent sacrifiés par l’État dans lequel ils ont trouvé refuge, au profit d’un régime répressif, antidémocratique et qui commet des crimes de guerre dans plusieurs parties du Kurdistan (Rojava, Bashur- Kurdistan d’Irak, Sinjar, etc.).

Il est plus que temps que la lumière soit faite et que nos questions trouvent réponse !