« Les Loups gris trucs, qui ont mené cette semaine une série d’attaques brutales contre des familles kurdes en Belgique, sont un groupe paramilitaire extrémiste islamiste interdit en France. Mais des élus belges et européens ont apporté à plusieurs reprises leur soutien politique à l’organisation turque « néofasciste » », écrit le journaliste Matt Broomfield dans son article « Les politiques européens au lit avec les paramilitaires islamistes d’extrême droite turque ».
Voici la suite de son article:
Cette semaine a été marquée par une flambée de violences brutales et racistes d’extrême droite, alors que des bandes armées d’hommes turcs terrorisaient les familles kurdes, dont des enfants et des personnes âgées, à Louvain, en Belgique. La « chasse à l’homme » recherchant et frappant des Kurdes, qui a laissé deux d’entre eux dans un état critique, n’était pas l’œuvre de nationalistes turcs individuels, mais était menée par un groupe paramilitaire organisé. Les « loups gris » [« Foyers idéalistes », en turc: Ülkü Ocakları], un groupe diversement caractérisé comme néo-fasciste, ultra-nationaliste et islamiste, ont historiquement fonctionné comme un « escadron de la mort » menant des massacres de minorités non turques, notamment les Kurdes, les Alévis et les Arméniens.
Le groupe a été imputé à la plupart des milliers de morts en Turquie au cours des années 1970, notamment les meurtres de 694 militants et intellectuels de gauche identifiés. Il a même combattu aux côtés des milices islamistes en Syrie, participé à une tentative de coup d’État en Azerbaïdjan et a été impliqué dans l’assassinat manqué du pape Jean-Paul II. C’est tout un record.
Le fait qu’une organisation avec une histoire aussi sanglante et un engagement actuel en faveur de la violence ultranationaliste puisse opérer librement dans les rues d’Europe est un scandale en soi. La France a interdit les Loups gris en 2020 en raison de leurs « actions extrêmement violentes », notamment la profanation d’un mémorial aux victimes du génocide arménien au cours duquel des nationalistes turcs ont massacré plus d’un million de membres de la minorité chrétienne. (Les Loups gris étaient déjà allés plus loin en bombardant un mémorial dédié au génocide dans le même pays, alors qu’ils avaient également ciblé un mémorial à Bruxelles.) Le Parlement européen a également exhorté ses organisations membres à interdire un groupe décrit par le gouvernement fédéral. autorités comme « la plus grande organisation d’extrême droite » en Allemagne – tout un exploit dans ce pays, il faut le dire.
Mais l’Europe n’est pas unie contre ce groupe brutal d’extrême droite. Au contraire, les violences en Belgique ont démontré que certains élus européens sympathisent, voire soutiennent directement, les Loups gris et leur idéologie nationaliste virulente.
Yasin Gül, l’adjoint au maire de la région belge marqué par les attaques racistes lors du festival kurde de Newroz, a notamment été expulsé du Parti chrétien-démocrate et flamand de Belgique après la diffusion d’images le montrant jurant de « se battre jusqu’à ce que le drapeau turc flotte partout dans le monde ». Mais Gül reste au pouvoir et, suite aux violences, il est apparu à la télévision turque pour accuser de manière absurde les victimes kurdes qui saignaient à terre ou étaient terrorisées dans leurs maisons. (En fait, il est apparu sur CNN Türk, la filiale locale du réseau d’information américain en Turquie qui fonctionne comme un porte-parole du gouvernement. CNN a ses propres questions auxquelles répondre sur l’autorisation que son nom soit utilisé pour colporter de la propagande nationaliste 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.)
Et Gül n’est pas seul non plus. En 2019, un bourgmestre bruxellois, Emir Kir, a été condamné pour s’être rendu en Turquie pour rencontrer le parti parent des Loups Gris, le MHP. En 2016, le ministre suédois du Logement du Parti vert, Mehmet Kaplan, a assisté à une réception aux côtés des principaux loups gris. Le groupe a également établi des réseaux et des contacts au sein d’organisations politiques établies en Allemagne et en Autriche.
Il se trouve que le concept d’un cordon sanitaire, par lequel les hommes politiques refusent de dialoguer avec les représentants d’un parti considéré comme inacceptablement radical, a gagné du terrain politiquement en faisant référence au parti nationaliste flamand d’extrême droite Vlaams Blok. Cette organisation nationaliste et anti-immigration a depuis été interdite de la vie publique en Belgique. Mais le racisme reste du racisme, même s’il s’agit du racisme turc contre les minorités kurde, alévie ou arménienne. Les autorités belges feraient bien de suivre l’exemple d’autres autorités européennes et d’interdire les loups gris, envoyant ainsi un message à la Turquie selon lequel la violence paramilitaire d’extrême droite est inacceptable dans le pays comme à l’étranger.