TURQUIE / KURDISTAN – La nuit dernière, des activistes kurdes ont accroché une banderole de six héros kurdes aux remparts historique de Diyarbakir (Amed).
Il y a quelques jours, la municipalité de Diyarbakir annonçait annonçait que le nouveau boulevard qui sera construit à Diyarbakır porterait le nom de Cheikh Saïd. De nombreux fascistes turcs, dont des membres des partis politiques de tout bord, ont insulté la mémoire du Cheikh Saïd, un dirigeant kurde pendu lors de la révolte kurde de 1925, et ont affirmé leur opposition à une telle proposition.
Au milieu de ces attaques fascistes ciblant Cheikh Saïd, la nuit dernière, des activistes kurdes ont accroché aux remparts historiques de Diyarbakir une banderole avec les photos de six Kurdes pendus ou tués pour avoir défendu les droits des Kurdes dans les 4 parties du Kurdistan : Cheikh Saïd, Qazi Muhamed, Leyla Qasim, Nurî Dersimî, Seyid Rıza et Musa Anter, accompagnée de la phrase « Ez Kurd im, nemir im (Je suis kurde, je suis immortel) » en kurde.
Cet acte fait suite aux récentes discussions et tensions politiques en Turquie. La polémique a commencé lorsque la municipalité métropolitaine de Diyarbakır, actuellement sous tutelle suite au limogeage des maires kurdes élus qui ont été remplacés par des administrateurs nommés par le gouvernement, a annoncé le début des travaux de construction du boulevard Cheikh Saïd et a montré les progrès sur les réseaux sociaux.
En réponse, certains critiques d’extrême droite, dont Ümit Özdağ, le chef du Parti de la Victoire, ont remis en question l’opportunité de donner à un boulevard le nom de Cheikh Saïd, qui a été exécuté pour avoir mené une rébellion contre l’État. Il a fait la remarque suivante : « Quel État, après avoir fait face à une rébellion au cours de laquelle des centaines d’officiers, de soldats et de responsables civils ont été tués et finalement condamné à mort un traître, donnerait son nom à un boulevard de la ville où il a été pendu ? Si vous vouliez construire le boulevard Cheikh Saïd, pourquoi nommeriez-vous un administrateur ? Le HDP (Parti démocratique des peuples) aurait pu le faire. »
En réponse à ces critiques, un responsable de la municipalité métropolitaine de Diyarbakır a déclaré que le nom Cheikh Saïd avait été donné au boulevard il y a 12 ou 13 ans par la municipalité dirigée par le Parti de la société démocratique (DBP), et non par le gouvernement actuel. Le responsable a insisté sur le fait que la construction du boulevard existant se poursuivrait, affirmant : « Nous nous concentrons sur le service, pas sur le nom… Les habitants de Diyarbakır le savent ainsi ».
Les documents ont révélé que c’était Osman Baydemir, alors maire de la municipalité métropolitaine de Diyarbakır, qui avait donné le nom de Cheikh Said au boulevard. En outre, une place de la province a reçu le nom de la place « Cheikh Saïd » en 2014 par décision du conseil. Les co-maires de l’époque étaient Gültan Kışanak et Fırat Anlı.
Cihan Aydın, ancien président du barreau de Diyarbakır, a révélé qu’à l’époque, les co-maires de la municipalité métropolitaine de Diyarbakır faisaient l’objet d’une enquête pour avoir utilisé le nom de Sheikh Said.
Aydın a condamné la politisation de la question et a déclaré : « C’est une situation honteuse d’exploiter cette question à des fins politiques avant les prochaines élections locales et de faire des déclarations immorales, agressives et infondées sur la mémoire de Cheikh Saïd. Le peuple kurde exprimera sa réaction démocratique le moment venu. Cette question est l’un des exemples les plus frappants du double standard du régime et de la justice à l’égard des communautés kurdes. Alors que les Kurdes sont jugés pour le nom de Cheikh Saïd, le régime tente d’en tirer un profit politique. »
Le gouvernement turc demande actuellement l’extradition de Baydemir, un homme politique kurde et défenseur des droits humains qui a été maire de Diyarbakır de 2004 à 2014 et qui vit actuellement en exil en Europe. En outre, les anciens co-maires Gültan Kışanak et Fırat Anlı ont été arrêtés en octobre 2016 pour tentative de sécession d’une partie du territoire sous souveraineté de l’État.
La rébellion de Cheikh Saïd
La rébellion de Cheikh Saïd (Serhildana Şêx Seîd) a marqué le premier soulèvement kurde significatif contre la République turque nouvellement formée après la signature du Traité de Lausanne en 1923. L’historien Robert W. Olson l’a décrit comme « la première rébellion nationaliste à grande échelle par les Kurdes ».
La rébellion a rencontré une réponse énergique de la part des autorités turques. Ils ont eu recours à des bombardements aériens continus et à des forces militaires concentrées pour réprimer la révolte. Par la suite, plus de 7 000 personnes ont été poursuivies devant les tribunaux de l’indépendance et plus de 600 personnes ont été exécutées.
Les six icones kurdes
Cheikh Saïd Piran est un chef religieux musulman et nationaliste kurde qui a mené en 1925 une révolte armée contre l’Etat colonialiste turc. Il fut pendu avec plusieurs de ses compagnons de lutte et son corps enterré dans un lieu tenu secret encore aujourd’hui.
Qazi Muhammad, né en 1893 et mort exécuté le 31 mars 1947, est un leader nationaliste et religieux kurde iranien de Mahabad. Il fut le chef de file du mouvement autonomiste kurde en Iran dans les années 1942-1947. Il était le président de la République de Mahabad.
Leyla Qasim est une militante kurde pendue le 12 mai 1974 par Saddam Hussein pour avoir défendu les droits des femmes et des Kurdes. Elle n’avait que 22 ans.
Mehmet Nuri Dersimi, né en 1893 à Dersim et mort en exile en 1973 à Alep, surnommé Baytar Nuri, était un intellectuel nationaliste kurde, de confession alévie.
Seyid Rıza était une figure religieuse des Kurdes alévis et le leader du mouvement kurde pendant la rébellion Dersim de 1937-1938. Le 15 novembre 1937, il fut pendu avec plusieurs compagnons d’armes par l’État turc.
Musa Anter, surnommé « Apê Mûsa (Oncle Musa) », était un écrivain et une des figures de proue du nationalisme kurde. Le 20 septembre 1992, il fut assassiné par des paramilitaires turcs à Diyarbakır.