TURQUIE / KURDISTAN – Abdurrahman Gök, journaliste kurde et rédacteur en chef de l’agence Mezopotamya (MA), est poursuivi par la justice turque à cause d’un témoin qu’il n’a jamais rencontré et de la traduction d’un ouvrage de vulgarisation géographique d’Elisée Reclus écrit au XIXe siècle.
. Gök, détenu depuis plus de sept mois, est accusé d’« appartenance à une organisation terroriste » et de « propagande pour une organisation terroriste ».
Gök, journaliste avec plus de 20 ans d’expérience, a couvert des événements importants, notamment la crise yézidie à Sinjar (Shengal), le Kurdistan irakien, le siège de Kobanê, dans le nord de la Syrie, en 2014, et le meurtre du jeune kurde Kemal Kurkut par la police turque pendant le Newroz de 2017. Son travail comprend également des reportages sur les protestations déclenchée en Iran et au Rojhilat suite u meurtre de Jîna Amini (Jina Mahsa Amini) et les conséquences des séismes de février 2023 dans les provinces kurdes de Turquie.
Malgré de multiples arrestations et accusations tout au long de sa carrière, Gök reste un fervent défenseur de la liberté de la presse. Sa détention actuelle fait suite à une vaste opération menée par le parquet général de Diyarbakır en avril, impliquant 126 personnes, pour la plupart issues de la presse kurde.
Les principales preuves contre Gök comprennent le témoignage d’Ümit Akbıyık, un témoin affirmant que Gök travaillait pour Pel Production et suivait les instructions des membres d’une organisation terroriste. Gök a réfuté ces allégations, affirmant qu’il n’avait jamais travaillé pour Pel Production et qu’il était poursuivi sur la base de fausses déclarations.
L’acte d’accusation de 14 pages contre Gök se concentre également sur un documentaire YouTube intitulé « Kobanê ; ne film e ne belgefîlm e » (Kobanê n’est pas un film, ni un documentaire), qui, selon l’accusation, propage l’idéologie d’une organisation terroriste. Gök défend le documentaire comme un portrait réaliste de Kobanê, soulignant l’importance de la ville dans la lutte contre l’Etat islamique.
Une autre accusation particulière dans l’acte d’accusation concerne la couverture par Gök du livre « L’histoire d’une montagne », écrit par Élisée Reclus, géographe et anarchiste français, en 1876 et traduit en turc en 2021. Gök soutient qu’il s’agit d’une tentative de criminaliser le mot « montagne » utilisé dans ses reportages.
Des accusations supplémentaires découlent des appels téléphoniques de Gök avec des collègues et des livres saisis lors d’une perquisition à domicile. L’affaire comprend également une lettre adressée au ministre de la Justice par la famille Kısa à Elbistan, rapportée par Gök.
Le procès de Gök est considéré comme faisant partie d’un ensemble plus large d’efforts du gouvernement visant à réprimer le journalisme indépendant en Turquie, ciblant particulièrement les médias kurdes. Il reste combatif, déclarant : « Une fois de plus, je serai amené dans la salle d’audience avec des menottes aux poignées, mais ma conscience sera libre. » Le procès reprendra le 5 décembre devant la 5e Cour pénale de Diyarbakır.