TURQUIE / KURDISTAN DU NORD – Il y a 30 ans, des islamistes ont commis un massacre dans la province kurde de Sivas en brûlant vive 35 personnes, essentiellement des Alévis réunis pour le festival Pir Sultan Abdal, en mettant le feu à l’hôtel Madimak. Le jeune musicien kurde, Hasret Gultekin, 22 ans, était parmi les victimes de ce crime haineux.
Le 2 juillet 1993, après la prière du vendredi, plus de 15 000 islamistes appelant à la charia et à la mort d’infidèles se sont réunis autour de l’hôtel Madımak, dans la ville de Sivas, en Turquie, où les participants du festival alévi Pir Sultan Abdal étaient logés.
Les islamistes protestaient au début contre la présence dans l’hôtel de l’écrivain Aziz Nesin, qui a traduit et publié les « Versets sataniques » de Salman Rushdie et critiqué l’Islam. Mais la protestation s’est transformée en une attaque violente et finalement, ils ont mis le feu à l’Hôtel Madimak.
Aziz Nesin a été sauvé par les forces de sécurité, mais 33 autres intellectuels et 2 hôteliers ont été tués (Deux assaillants sont également morts lors de l’attaque, ce qui porte à 37 le nombre de morts total). Les forces de sécurité ont été critiquées pour ne pas avoir arrêté la foule.
Le massacre de Sivas a visé non seulement Aziz Nesin et les versets sataniques, mais aussi la minorité alévie qui est la deuxième plus grande communauté religieuse en Turquie persécutée depuis des décennies.
Quelque 85 suspects ont été condamnés à des peines allant de deux à quinze ans de prison, tandis que 37 autres suspects ont été acquittés en décembre 1994, pour « tentative d’établir un Etat théocratique en renversant l’ordre constitutionnel laïque. »
La Cour d’appel a infirmé cette décision en déclarant que le massacre était dirigé contre « la république, la laïcité et la démocratie ». Le 13 mars 2012, la Cour pénale d’Ankara a abandonné l’affaire du massacre de Sivas pour cause de prescription.
Chaque année, des mesures de sécurité spéciales sont prises à la date anniversaire du massacre de l’hôtel Madimak alors que des milliers de personnes arrivent à Sivas pour rendre hommage aux victimes sur les lieux du crime.
Les Kurdes alévis persécutés depuis des siècles
Les Kurdes alévis de Turquie sont persécutés depuis des siècles à cause de leurs croyances et leur identité ethnique car pour les Ottomans hier et le régime turc aujourd’hui, il était difficile de les assimiler ni sur le plan ethnique, ni sur le plan religieux. Alors que les autorités turco-ottomanes pouvaient manipuler certains Kurdes sunnites en exploitant la religion musulmane pour espérer les éloigner de leurs revendications nationalistes, ils se sentaient démunis face aux Kurdes alévis qui ethniquement et religieusement étaient hermétiques à l’idéologie turco-sunnite et dons indomptables. C’est pourquoi, ils ont été massacrés en masse, déportés de leurs terres vers d’autres régions turques mais également vers Khorasan, en Iran, il y a des siècles.
Depuis le massacre de Dersim entre 1937-38, de nombreux Kurdes alévis ont été assimilés de force et une partie de leurs descendants se disent Turcs et/ou sunnites aujourd’hui. Certains ont même une haine noire vis-à-vis des Kurdes non assimilés, qu’ils soient sunnites ou alévis. Ceci est une des conséquences des politiques d’assimilation centenaires mises en place au Kurdistan par le régime colonialiste turc.