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La Turquie reconnaitra-t-elle un jour le génocide de Sayfo commis par les Ottomans il y a 108 ans?

Entre 1914 et 1915, les Ottomans ont massacré plus de 500 000 Chaldéens, Syriaques, Assyriens et Araméens (en plus du génocide des Grecs Pontiques et celui des Arméniens qui a été reconnu par certains États récemment). Les descendants de ces peuples massacrés demandent à la communauté internationale de reconnaitre le génocide de Seyfo (ou Sayfo) 108 ans après les faits.

Les politiques discriminatoires, racistes et génocidaires de la fin de l’Empire ottoman persistent jusqu’à nos jours, déclare Elber Shleymun Rhawi, membre de l’Union syriaque européenne.

Ce 15 juin marque le 108e anniversaire du massacre de Sayfo, le massacre et l’expulsion massive des chrétiens assyriens et syriaques pendant la Première Guerre mondiale dans le sud-est de l’Anatolie et la région d’Azerbaïdjan en Iran.

Sayfo, qui signifie « épée » en syriaque, a été reconnu comme un génocide dans des résolutions adoptées par la Suède, l’Arménie, les Pays-Bas et l’Allemagne.

Bianet a interviewé Elber Shleymun Rhawi, membre de l’Union syriaque européenne (ESU), sur les événements qui ont conduit à Sayfo, de ses conséquences et des revendications actuelles des communautés assyriennes et syriaques.

Qu’est-ce qui a conduit au massacre de Sayfo, qui a perpétré le massacre et dans quel climat politique ?

Le Comité Union et Progrès (CUP), dans un esprit génocidaire, a formé une politique raciste basée sur une synthèse turco-islamique, dans les territoires occupés par l’Empire ottoman. À partir des années 1910, l’anéantissement des peuples chrétiens devient un objectif primordial.

Le 24 avril 1915, le plan d’éradication des communautés chrétiennes est largement mis en œuvre. Les dirigeants du comité Union et progrès (İttihad ve Terakki Cemiyeti, parti politique nationaliste turc créé à la fin du XIXe siècle regroupant les Jeunes-Turcs), Cemal, Talat et Enver, les régiments Hamidiye, Teşkilatı Mahsusa [l’organisation spéciale] et des tribus kurdes complices ont brutalement massacré tout le monde, femmes, hommes, jeunes, vieux et enfants.

Quel a été le nombre de morts qui en a résulté ?

Environ un million et demi d’Arméniens, plus d’un demi-million d’Assyriens, de Syriaques et de Chaldéens ont été sauvagement tués lors du génocide. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées de force et des dizaines de milliers ont été contraintes de se convertir à l’Islam ou de nier leur identité.

Les valeurs historiques et culturelles des peuples chrétiens ont été interdites et détruites, leurs propriétés et biens ont été saisis et des efforts ont été faits pour effacer tout vestige de leur existence. Les survivants ont été condamnés à une vie de graves traumatismes et de peur.

Que pouvez-vous dire de la situation actuelle des Assyriens et des Syriaques vivant en Turquie ?

En Turquie, on estime qu’il y a environ 25 000 à 30 000 Assyriens non musulmans. Cela exclut les Assyriens islamisés. Nous n’avons actuellement pas de chiffres ou de données concrets.

Les Assyriens et les Syriaques, tant en Turquie qu’au Moyen-Orient, ont été contraints de devenir des réfugiés et dispersés à travers le monde.

Aujourd’hui, nos peuples assyrien et syriaque se trouvent dans une situation très alarmante d’assimilation, d’apatridie et d’effacement de leur identité. Ils courent le risque de disparaître entièrement des annales de l’histoire.

Différents crimes contre l’humanité ont été commis sur ces terres à des moments différents. Que faut-il faire pour mettre fin aux massacres de Sayfo ?

Tout d’abord, il faut dire que les politiques discriminatoires, racistes et génocidaires du CUP se poursuivent jusqu’à nos jours. Le génocide commis contre les peuples chrétiens au Moyen-Orient est l’un des plus grands crimes contre l’humanité.

Pour condamner ceux qui ont commis ce crime impardonnable qui ne peut être ni oublié ni nié et pour prévenir de nouveaux génocides, la communauté internationale et les puissances internationales doivent agir.

À l’occasion du 108e anniversaire du massacre de Sayfo, quelles sont vos revendications ?

En tant qu’Union syriaque européenne, nous invitons le gouvernement turc à le reconnaître comme un génocide, à abandonner la dissimulation de la vérité et à affronter sa propre histoire.

Nous réaffirmons que nous continuerons notre lutte chaque jour, en nous souvenant et en vivant nos douleurs partagées avec le peuple arménien jusqu’à ce que justice soit rendue, et nous renforcerons notre solidarité.

Nous commémorons respectueusement les Arméniens, les Assyriens, les Grecs pontiques et les autres victimes d’identités ethniques différentes qui ont perdu la vie dans le génocide.

Bianet