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SÉISME. L’aide collectée par les Kurdes confisquée par les autorités turques

TURQUIE / KURDISTAN – On dénombre déjà plus de 7000 morts et 40000 blessés après le séisme dévastateur de lundi qui a frappé le nord de la Syrie et le sud-est de la Turquie, zones habitées principalement par les Kurdes. Depuis, la communauté kurde et les organisations kurdes sont mobilisées pour venir en aide aux sinistrés tandis que les secours restent insuffisants, voire inexistants, dans de nombreuses localités coupées du monde au milieu des températures glaciales. Mais on signale que les autorités turques confisquent la nourriture, médicaments, couvertures… destinés aux localités kurdes au motif que c’est l’État qui gérera la distribution d’aide. Le séisme actuel a réouvert les blessures kurdes.

Hier, le compte Twitter du parti HDP signalait qu’une collecte de dons organisée par la municipalité kurde d’Agri/Patnos avait été confisquée par le gouverneur turc de la ville. D’autres témoignages similaires viennent d’un peu partout alors que ni les rescapés kurdes du séisme, ni leurs proches qui collectent l’aide ne font confiance à l’État turc qui n’a cessé de les persécuter depuis des siècles.

 

L’aide collectée par la municipalité Ağrı Patnos du HDP confisquée par le gouverneur turc de Patnos

Aujourd’hui, tandis que des millions de sinistrés kurdes* du séisme en Turquie (mais aussi dans le nord de la Syrie) à Maraş (Gurgum), Antep (Dîlok), Adiyaman (Semsûr), Malatya (Meletî), Urfa (Riha) et Diyarbakir (Amed) sont piégés par le froid et regardent les décombres sous lesquels sont ensevelies leurs familles, ce drame a de nouveau a ouvert leurs blessures de colonisés qui ont survécu à tant de massacres (dont aux massacres des Kurdes alévis de Maras, Malatya** …) aux déportations et politiques d’assimilation forcée (interdiction de parler leur langue, etc.) depuis des siècles. Pour de nombreux Kurdes, c’est le fait d’être sans État qui les rend encore plus vulnérables face aux catastrophes dites « naturelles », car même dans ces moments d’extrême détresse, leurs colonisateurs turcs, arabes, perses, discriminent les Kurdes, peuple qu’ils veulent anéantir en les tuant ou assimilant de force. Ainsi, on se retrouve dans un cercle vicieux, quoiqu’on fasse, on revient au même point de départ: les méfaits du colonialisme au Kurdistan.

La chercheuse Evin Çiçek a écrit ce matin que « Les régimes occupants, coloniaux, fascistes ont également la capacité d’utiliser avec succès les catastrophes naturelles à leurs fins.
Les tremblement de terre et le froid meurtrier sont utilisés dans quel but ?
Le peuple déclare « il n’y a personne, pas d’aide » (…)
Pourquoi (…)? Le régime Ittihad***/Kemaliste qui utilise les guerres comme moyen de réduire la population utilise également les catastrophes naturelles dans le même but. On intervient pas ! Parce qu’on attend/veut que le nombre de morts augmente. (…)
L’administration de l’État, dont la religion officielle est l’islam, ne bouge pas pour tuer nos peuples de différentes religions et croyances dans la région. »

poste d’Evin çiçek concernant le séisme et l’approche de l’Etat turc

 

*Certes, il y a aussi des sinistrés turcs (et arabes à Hatay notamment) dans les zones touchées, mais ces derniers voient avant tout un État mal-organisé ou corrompu qui manque à ses obligations face à son peuple. Alors que les Turcs, Arabes et Kurdes… sont touchés par ce désastre apocalyptique, tous ne partagent pas les mêmes peurs: ces derniers craignent un nouveau prétexte qui les chasserait de leurs terres ou les obligeraient à vivre dans des camps de fortune.

 

**Parmi les principaux pogroms et massacres perpétrés en Turquie contre les Alevis / Kurdes alévis, on peut citer :

 
Le massacre de Kocgiri en 1921
 
Le massacre de Dersim entre 1937 et 1938
 
Le massacre d’Erzincan Zini Gedigi en 1938
 
Le massacre de Malatya en 1978
 
Le massacre de Maras en 1978
 
Le massacre de Çorum en 1980
 
Le massacre de Sivas en 1993
 
Le massacre d’Istanbul, dans le quartier Gazi en 1995

 

***Ittihad ve Terakki (Union et Progrès): Comité politique ottoman issu de la fusion, en septembre 1907, de la Société ottomane de liberté (fondée l’année précédente à Salonique) et du mouvement des Jeunes-Turcs, en exil.