AccueilFemmes"Le mouvement kurde est l'un des mouvements démocratiques les plus puissants d'Europe"

« Le mouvement kurde est l’un des mouvements démocratiques les plus puissants d’Europe »

A l’occasion de la deuxième conférence Conférence internationale des femmes qui s’est tenue à Berlin les 5 et 6 novembre, plus de 700 femmes venues de plus de 41 pays ont discuté de leurs luttes locales et internationales grâce aux efforts du réseau « Women weaving the future » (les femmes tissent l’avenir) qui a organisé l’événement.

Lors de la deuxième journée de la conférence, la sociologue et autrice kurde, Dilar Dirik a déclaré que le mouvement kurde était l’un des mouvements démocratiques les plus puissants d’Europe et c’est pourquoi il était criminalisé en Europe.

Concernant la situation socio-politique dans le monde, Dilar Dirik déclaré qu’on assistait à une fragmentation au niveau mondial. « Lors de la dernière conférence, on parlait de l’augmentation de l’organisation des femmes, mais en même temps, il y avait aussi une augmentation des mouvements racistes et fascistes. Les Trump, Erdoğan, Bolsonaro sont le résultat de mouvements fascistes, ils représentent la face nue du patriarcat capitaliste. (…)

Le libéralisme est imposé aux luttes émergentes des femmes et le « pinkwashing » [procédé mercatique utilisé par un État, organisation, parti politique ou entreprise dans le but de se donner une image progressiste et engagée pour les droits LGBT] a lieu face à la violence de l’OTAN. Même leurs propres mouvements sont appropriés par le néolibéralisme et transformés en un produit du capitalisme. Le système capitaliste lui-même utilise l’image des femmes en lutte et tente de s’emparer des mouvements féministes. Quel type de résistance est autorisé et lequel est criminalisé ? Le mouvement kurde en est un bon exemple. (…) »

 

En ce qui concerne la Coupe du monde au Qatar, Dirik a demandé « pourquoi personne ne parlait du fait que le Front islamiste Al-Nosra était cofinancé par le Qatar. Le Qatar est également à l’avant-garde du soutien aux talibans. »

Dilar Dirik a poursuivi en disant qu’il est nécessaire de sortir du discours selon lequel la Turquie est un État voyou et devrait être exclue de l’OTAN. « Au contraire, la Turquie fait partie intégrante de l’OTAN. La production de connaissances ne doit pas être laissée aux États. La ministre allemande des Affaires étrangères, qui se pare du slogan « Jin Jiyan Azadî » [slogan kurde signifiant « femme, vie, liberté »], soutient activement ces forces qui s’en prennent aux femmes. La propagande des États occidentaux est si puissante que beaucoup de gens ne savent même pas combien de crimes l’OTAN commet, quelles guerres elle finance et lesquelles sont menées en son nom. Bien sûr, il est toujours plus facile de critiquer des pays qui ne font pas partie de l’OTAN et de les déclarer ennemis. »

Dirik a expliqué que le mouvement kurde est également l’un des mouvements démocratiques les plus puissants d’Europe. Malgré une criminalisation massive, il est capable d’organiser des manifestations à travers l’Europe en très peu de temps.

Elle a déclaré que: « La criminalisation est directement connectée au fait que le mouvement kurde est un des mouvements révolutionnaires les mieux organisés en Europe, capable de mettre dans la rue des milliers de personnes de manière simultanée à travers le continent. »

Concernant la réappropriant des mouvements révolutionnaires par le libéralisme, Dirik a déclaré que : « Le libéralisme fonctionne de manière très subtile, c’est un système d’incitation, plein de récompenses et de confort. En promettant un chemin moins difficile, vers le progrès et l’égalité, le libéralisme nous transmet le message suivant : dans la mesure où vous abandonnez votre caractère révolutionnaire, votre langage systémique, vous serez récompensée, reconnue, vue. Les théories libérales du changement compartimentent, bureaucratisent et fragmentent la théorie et l’action, nous empêchent de voir comment s’enchevêtrent les systèmes de domination.

Critiquer ces tendances revient à reconnaître des formes d’assimilation idéologique qui pacifient les mouvements plutôt que de transformer le système. Ce n’est pas le rôle des luttes révolutionnaires des femmes d’aider le système à se réformer. »

Concernant le soutien étatique aux organisations fascistes, Dirik a affirmé qu’ « Il n’est pas possible de comprendre la fragmentation des protestations si les mouvements fascistes ne sont analysés que localement. Les mouvements de femmes du monde entier ne doivent pas seulement s’occuper des problèmes culturels de leurs propres nations. Il faut plutôt se demander comment le gouvernement de son propre pays est impliqué dans la création, le financement et la construction d’organisations islamistes et fascistes dans le monde. La conférence est un bon exemple que les femmes peuvent s’organiser sans l’État – librement et de manière autonome. »

En conclusion, Dirik a exigé que le mouvement se radicalise et dépasse le féminisme libéral:

« Le féminisme libéral est une grande menace. Lorsque nous voyons une femme issue de mouvements populaires écoutée dans les médias, nous devons nous demander quel est l’intérêt politique. Nous pouvons penser que tout le monde est pour le féminisme et la liberté, mais ce n’est pas le cas. Nous devons voir comment nous pouvons nous radicaliser. »