« Tout en étant une constante géopolitique depuis le début du XIXe siècle, l’intérêt russe pour les Kurdes ne s’est jamais concrétisé en une doctrine politique ou un arrangement institutionnel. Cet article interroge les raisons de l’échec de la politique russe vis-à-vis des Kurdes à travers le prisme des subjectivités impériales impliquées dans l’instrumentalisation des populations kurdes durant la Grande Guerre. En nous penchant sur les différences institutionnelles et les changements des conjectures stratégiques, nous allons mettre en exergue leur impact sur la formulation de la question kurde. Il s’agit notamment de la présentation des Kurdes comme une « nation martiale » ; du discours du « danger existentiel » sur l’influence régionale arménienne ; de la vision classique orientaliste des périphéries tribales. Tandis que les deux premiers discours étaient fortement impactés par les subjectivités impériales de l’administration tsariste, la thèse orientaliste servait généralement de lien discursif dans la communication interinstitutionnelle. L’article conclut que ce furent l’hétérogénéité institutionnelle des avocats du rapprochement russo-kurde ainsi que leur imaginaire orientaliste qui empêchèrent les autorités tsaristes d’exploiter efficacement la naissante conscience nationale kurde. »
Par Alisa SHABLOVSKAIA, de l’Institut d’études politiques de Paris (Campus du Havre)
Article à lire sur le site Études Kurdes Les « bons sauvages » au service de l’Empire : les Kurdes dans l’imaginaire russe à l’époque de la Première Guerre mondiale, 1914-1917