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Shirin Alam-Houli, prisonnière kurde qui a accroché le slogan « Jin, Jiyan, Azadi » au mur de sa cellule en 2010

Alors que le meurtre de Jina Amini (plus connue en Occident sous le nom de Mahsa Amini) a fait connaître au monde le slogan kurde « Jin, Jiyan, Azadî » (« Femme, Vie, Liberté ») dont la « paternité » est volé au mouvement de libération kurde, le journaliste Behrouz Boochani rappelle un anecdote intéressant. En effet, Boochani écrit qu’en 2010, Shirin Alam-Houli*, prisonnière kurde condamnée et exécutée par le régime iranien, avait fait écrire le slogan « Jin, Jiyan, Azadî » sur un papier qu’elle a accroché dans sa cellule de la prison d’Evin, à Téhéran.

Par ailleurs, un autre activiste kurde, Polla Garmiany déclare que, bien que le slogan « Jin, Jiyan, Azadi » ait été inventé par le PKK dans les années 2000, ses racines sont un peu plus anciennes. Le slogan initial était « Jin, Xebat, Jiyan » (Femmes, Lutte, Vie), et c’est la devise de l’Union des femmes du Kurdistan, l’organisation féminine de l’Union Patriotique du Kurdistan (UPK), parti historique de Jalal Talabanî.

Qui était Shirin Alam-Houli*

Shirin Alam-Houli est née le 3 juin 1981 dans le village de Daim Gheshlaq près de la ville de Maku, dans la province de l’Azerbaïdjan occidental, en Iran. Elle a été arrêtée en mai 2007 par les gardiens de la révolution à Téhéran. Elle a passé les 25 premiers jours de son emprisonnement dans un lieu inconnu sous une torture physique et psychologique brutale. Après cela, elle a été transférée à la section 209 de la prison d’Evin où elle subi des tortures brutales pendant six mois avant d’être transférée au quartier des femmes de la prison d’Evin.

Le 19 décembre 2009, elle a été condamnée à deux ans de prison pour sortie illégale d’Iran, et condamnée à mort pour être un « Mohareb » (ennemi de Dieu) pour son implication présumée dans le Parti de la vie libre du Kurdistan (PJAK), organisation politique et armée qui lutte contre le régime iranien au Kurdistan oriantal (Rojhilat). Son procès a eu lieu à la branche 15 du tribunal révolutionnaire de Téhéran, sous la direction du juge « Salavati ». Elle a été exécutée le 9 mai 2010, sans que sa famille ni ses avocats en soient informés.

Elle écrivait une lettre à l’attention de ses bourreaux le 3 mai 2010, une semaine avant son exécution.

Dans sa première lettre, Mme Alam Hooli écrivait sur la torture physique et psychologique brutale qu’elle a subie pendant l’interrogatoire. À la suite de cette torture, Alam Hooli souffrait de nombreux problèmes de santé qu’elle signalait dans sa lettre mai 2010. Dans sa précédente lettre, Alam Hooli avait également déclaré que les interrogateurs s’étaient efforcés de briser sa grève de la faim. Dans sa deuxième lettre, elle racontait comment les interrogateurs tentaient de lui arracher des aveux télévisés, lui demandant de nier son appartenance ethnique kurde.

Voici la lettre de Shirin Alam Hooli datée de 3 mai 2010:

J’entame ma troisième année d’emprisonnement, trois ans dans les pires conditions derrière les barreaux de la prison d’Evin. J’ai passé les deux premières années de mon incarcération sans avocat et en détention provisoire. Toutes mes demandes de renseignements sur mon cas sont restées sans réponse jusqu’à ce que je sois injustement condamnée à mort.

Pourquoi ai-je été emprisonnée et pourquoi vais-je être exécutée ? Pour quel délit ? Est-ce parce que je suis kurde ? Si tel est le cas, je dois dire que je suis née kurde.

Ma langue est le kurde, la langue que j’utilise pour communiquer avec ma famille, mes amis et ma communauté, et la langue avec laquelle j’ai grandi. Mais je n’ai pas le droit de parler ma langue ni de la lire, je n’ai pas le droit d’aller à l’école dans ma propre langue et je n’ai pas le droit de l’écrire. Ils me disent de renier mon identité kurde, mais si je le fais, cela signifie que je dois renier qui je suis.

Monsieur le juge et l’interrogateur :

Lorsque vous m’interrogeiez, je ne parlais pas votre langue et je ne vous comprenais pas. J’ai appris le farsi au cours des deux dernières années dans la section des femmes de la prison grâce à mes amies. Mais vous m’avez interrogée, jugée et condamnée dans votre propre langue même si je ne la comprenais pas et ne pouvais pas me défendre.

La torture que vous m’avez fait subir est devenue mon cauchemar. Je souffre constamment à cause de la torture que j’ai subie. Les coups sur la tête pendant l’interrogatoire ont causé de gros problèmes à ma tête, et parfois je souffre de graves maux de tête, où je perds tout sens de moi-même, mon nez commence à saigner de la douleur et cela dure plusieurs heures jusqu’à ce que je commence à me sentir normal de nouveau.

Un autre « cadeau » que votre torture m’a laissé, ce sont les dommages à mes yeux qui s’aggravent chaque jour. Ma demande de lunettes est restée sans réponse. Quand je suis entrée dans cette prison mes cheveux étaient noirs, maintenant après trois (3) ans d’emprisonnement, mes cheveux ont commencé à blanchir.

Je sais que vous avez fait cela non seulement à moi mais à tous les Kurdes, y compris à Zeynab Jalaliyan et Ronak Safarzadeh… Les yeux des mères kurdes sont pleins de larmes, attendant de voir leurs enfants. Elles sont dans un état d’inquiétude permanente, craignant que chaque appel téléphonique n’apporte la nouvelle de l’exécution de leurs enfants.

Aujourd’hui, nous sommes le 2 mai 2010 et une fois de plus, ils m’ont emmené à la section 209 de la prison d’Evin pour un interrogatoire. Ils m’ont demandé de coopérer avec eux pour que je sois graciée et non exécutée. Je ne comprends pas ce qu’ils entendent par coopération, alors que je n’ai rien de plus à dire que ce que j’ai déjà dit. Ils veulent que je répète tout ce qu’ils disent, mais je refuse de le faire.

Les interrogateurs m’ont dit : « nous voulions te libérer l’année dernière, mais ta famille n’a pas voulu coopérer avec nous, alors les choses ont dû en arriver là. » Ils m’ont avoué que j’étais une otage et jusqu’à ce qu’ils atteignent leur objectif, ils me garderont prisonnier ou m’exécuteront mais ils ne me libéreront jamais.

Shirin Alam Hooli
3 mai 2010-05
Serkeftin

« Serkeftin » signifie « Victoire » en kurde.