AccueilFemmesRendre à Mahsa Amini son vrai prénom et aux femmes kurdes la...

Rendre à Mahsa Amini son vrai prénom et aux femmes kurdes la maternité du slogan « Femme, Vie, Liberté »

Gulîstan, une jeune femme kurde nous a contactées récemment pour transmettre un message destiné à une page Facebook dont elle apprécie par ailleurs la ligne politique.

Gulîstan voulait attirer l’attention de cette page en particulier et des médias grand-public en général, sur le traitement de l’actualité concernant la révolte populaire en Iran suite au meurtre de Jina Mahsa Amini par la police des mœurs à Téhéran mi-septembre dernier. Gulîstan demande à ce que les médias clarifient deux points importants concernant la lutte des femmes en Iran et le vrai prénom de Mahsa:

1) Mahsa Amini s’appelle en réalité Jina Amini, mais comme l’état civil iranien refuse d’enregistrer les prénoms kurdes, la famille a dû choisir un prénom persan pour tout ce qui est administratif. Mais presque personne dans l’entourage proche ne connaissait le prénom « Mahsa » qui était destiné au régime iranien. D’ailleurs, sur sa tombe, sa mère ne pleurait-t-elle pas « Jina » au lieu de « Mahsa »?

2) Le deuxième point également très important à clarifier est le slogan « Femme, Vie, Liberté » (en kurde: Jin, Jiyan, Azadî), un slogan fruit de la lutte de libération du mouvement kurde, pour ne pas le nommer, le PKK (organisation classée terroriste par l’Occident à la demande de la Turquie qui colonise une très grande partie du Kurdistan). Un slogan qu’on a entendu au moins dès 2003, lors du rassemblement des femmes à Ankara le 29 juin 2003 où elles exigeaient « la paix, maintenant », à l’appel de la Plate-forme permanente des femmes pour la paix tenu à Ankara, dans le parc Abdi İpekçi.

 

Par ailleurs, un activiste kurde, Polla Garmiany déclare que, bien que le slogan « Jin, Jiyan, Azadi » ait été inventé par le PKK dans les années 2000, ses racines sont un peu plus anciennes. Le slogan initial était « Jin, Xebat, Jiyan » (Femmes, Lutte, Vie), et c’est la devise de l’Union des femmes du Kurdistan, l’organisation féminine de l’Union Patriotique du Kurdistan (UPK), parti historique de Jalal Talabanî.

Alors, il faut rendre à César ce qui est à César et à Jina juste son prénom tandis qu’aux femmes kurdes la maternité du slogan « Femme, Vie, Liberté », fruit de décennies de lutte contre le colonialisme et le patriarcat au Kurdistan.

Maintenant, place au message de Gulîstan:

 

« En tant que membre de la communauté kurde, je suis particulièrement touchée par l’actualité en Iran et de manière générale au Proche ainsi qu’au Moyen-Orient. Dès lors, dans les lectures d’articles, de posts que j’ai effectué, quasi nulle part, il n’est fait mention du vrai prénom de la victime du gouvernement iranien et sa politique de « moralité » à savoir Jîna Amini plus connue sous le prénom Mahsa.  

Comme vous êtes une page engagée, il me semblait essentiel de vous faire part de cela. Mahsa est son prénom issu du racisme étatique car les prénoms kurdes sont interdits, l’identité kurde est réprimée en Iran. Sur sa tombe, il est écrit Jîna pas Mahsa, sa mère ne la pleure pas comme telle… Respecter sa mémoire et celles de toutes les victimes reviendrait à la nommer réellement avec le prénom que ses parents lui ont donné à la naissance, ce prénom qui, de par son origine, fait tant peur à l’Iran. 

L’appeler Mahsa revient à jouer le jeu de l’Iran à l’égard des «minorités » que je nommerais même minorisées.  

En outre, il faut savoir que la révolte a commencé au Rojhilat, la région kurde d’Iran et s’est étendue à Téhéran et d’autres parties de l’Iran. Il n’est jamais fait mention qu’elle était originaire de Saqqez, la Province du Kurdistan et pourtant, cela est raison supplémentaire de son arrestation. Cela ne vous concerne pas exclusivement évidemment, la plupart des médias ne l’ont pas abordé. 

Enfin, il me semble indispensable de resituer d’où provient le slogan qui est désormais connu mondialement :  « Femmes, Vie, Liberté », en kurde « Jin, Jîyan, Azadî ». Il n’est pas issu du mouvement de protestation pour les droits des femmes en Iran mais plutôt du mouvement de libération des femmes kurdes et ce, depuis de nombreuses années (plus de 20 ans).  

Ce qu’il se passe en Iran concerne les Iranien·ne·s mais aussi tous les peuples d’Iran (Kurdes, Baloutches, Arabes, Azéris) et toutes les femmes du monde car elle met en exergue que, qu’importe où l’on est dans le monde, le patriarcat fait des dégâts et il faut que ce système soit stoppé/détruit.   

Mon but ici en vous écrivant n’est pas de vous jeter la pierre mais ça se veut être dans un esprit de bienveillance et de reconnaissance. Je lutte pour que le peuple kurde cesse d’être invisibilisé aux yeux du monde. Malheureusement, l’Histoire nous a montré que ce fut sans cesse le cas.

(…) »