L’écrivaine Mehtap Teke a fait siens les rêves inachevés de son père immigré kurde de Turquie. Dans son roman « Petite, je disais que je voulais me marier avec toi » , Mehtap Teke écrit qu’elle vouait un amour inconditionnel à ce père héros qui a souffert toute sa vie de sa condition de pauvre et d’autre : paria sur ses terres colonisées (Kurdistan de Turquie), paria dans un pays européen où il est l’autre, l’immigré basané sur lequel crache le premier raciste venu…
Héritages kurdes…
Petit, poussé par son propre père, le papa de Mehtap Teke voulait étudier pour échapper à la pauvreté endémique de sa région où les familles entières travaillent dans des champs de coton de la plaine fertile où on nourrit les gosses avec l’eau sucrée dans laquelle on trempe du pain sec… Pourtant, ce rêve hérité du père est écrasé par le même homme car la famille manque cruellement d’argent pour payer les études du fils ainé, tandis que les deux filles de la famille sont mariés à des hommes qu’elles ne connaissent pas et que l’ « honneur » de la famille leur interdit de mettre fin à ces mariages arrangés, même si elles doivent en mourir…
Après le service militaire obligatoire où le père de Mehtap Teke est torturé à cause de ses origines kurdes (et alévies?) et ses opinions politiques de gauche, il arrive en Europe sur les conseils de son père malade qui lui dit d’échapper à cette vie d’enfer.
En Europe, il subit le racisme, sans broncher, se marie et a quatre filles, dont la plus jeune (Mehtap) lui voue un amour œdipien qu’il fera voler en éclats en lui rappelant que les papas ne peuvent pas se marier avec leurs filles. Mais, d’amoureux, il devient son héros, celui dont il faut réaliser les rêves inachevés et échapper à la misère en travaillant dur à l’école.
Mehtap (et ses sœurs) travaille si dur dès l’école primaire qu’elle excelle, surtout en français pour lequel elle obtient un Prix d’excellence dans la langue de Molière et finit par avoir la vie rêvée de papa et avoue qu’elle n’aime finalement pas cette vie (rêve réalisé) où l’argent domine tout…
Pas de noms ou presque…
Dans le roman Petite, je disais que je voulais me marier avec toi, Mehtap Teke ne cite aucuns noms propres (de lieux ou de personnes), ni nomme quand elle parle de langues qu’elle ne connait pas (l’arabe ou le kurde…) à l’exception de Cuba et du révolutionnaire Ernesto Guevara. Est-ce car c’était le rêve ultime du papa qu’elle n’a pas pu réaliser en ne l’emmenant pas voir le mausolée du grand Che à Cuba?
Un roman tout en douceur dans lequel Mehtap Teke rend un hommage vibrant à son père qui a été écrasé par la vie… A lire.
Infos pratiques:
Roman: Petite, je disais que je voulais me marier avec toi – Mehtap Teke
Éditions Viviane Hamy
EAN : 9782381400242
247 pages
18,90 €