BRUXELLES – Ce vendredi 11 mars 2022, a eu lieu la première audience du procès des 4 agents turcs accusé d’avoir tenté d’assassiner Remzi Kartal, co-président de Kongra-Gel, et Zübeyir Aydar, membre du conseil exécutif du KCK. Le verdict sera rendu le 22 avril prochain.
Les 4 accusés poursuivis pour « participation à une association de malfaiteurs et aux activités d’un groupe terroriste » auraient planifié une tentative d’assassinat en Belgique contre 2 personnalités kurdes : Remzi Kartal, le co-président de Kongra-Gel (Congrès du peuple du Kurdistan) et Zubeyir Aydar, membre du conseil exécutif du KCK (Union des communautés du Kurdistan).
À la suite de l’enquête sur la tentative d’assassinat, une plainte a été déposé le 18 juin 2021 contre les accusés Zekeriya Çelikbilek, Yakup Koç, Necati Demiroğulları et Hacı Akkulak.
L’affaire est jugée devant la 23e Chambre Correctionnelle du tribunal néerlandophone de 1ère instance.
Si le dossier compilé par l’avocat d’Aydar et Kartal, Jan Fermon, indique un vaste réseau d’assassinats et d’espionnage à travers l’Europe, il fournit également des informations sur le rôle de plusieurs participants au massacre de Paris, dont l’ancien ambassadeur de Turquie à Paris, İsmail Hakkı Musa. Le dossier contient des conclusions importantes selon lesquelles les individus impliqués dans la tentative d’assassinat de Bruxelles ont été coordonnés par İsmail Hakkı Musa.
En juin 2017, des membres de l’équipe d’assassinat ont été aperçus en train de rôder autour du bâtiment du Congrès national du Kurdistan (KNK) et ont été arrêtés par les autorités. Au cours de la perquisition, une carte d’identité de la police turque a été découverte sur Yakup Koç. Il a également été confirmé que Zekeriya Çelikbilek avait une formation militaire. Il est entendu que Necati Demiroğulları, qui vit en Belgique, est occupé par des travaux tels que la logistique et le recrutement de plus de personnel dans l’équipe.
Après avoir été utilisé comme espion, Hacı Akkulak, d’origine kurde, a appris que l’il s’agit d’espionnage en vu d’assassinat et se confie aux autorités belges. Demiroğulları, un homme d’affaires, aurait présenté Akkulak à l’équipe de tueurs à gage.
Alors que Yakup Koç s’est enfui en Turquie, Zekeriya Çelikbilek est resté en France. Les comploteurs de l’assassinat sont Çelikbilek et Yakup Koç, qui se présentent comme des électriciens.
Des liens directs entre les personnes impliquées dans l’équipe de tueurs et Ankara, ainsi que le palais présidentiel turc, ont été établis. Les surveillances techniques, les appels téléphoniques, les photos et les aveux obtenus, notamment en France, démontrent qu’un vaste réseau d’assassinats, allant de la tuerie de Paris au plan d’assassinat de Bruxelles, opère dans toute l’Europe sous le commandement d’Ankara.
Les accusés n’ont pas assisté à l’audience
Seul l’avocat de Demiroğulları a assisté à l’audience. Les plaignants Zübeyir Aydar et Remzi Kartal, ainsi que leurs avocats Jan Fermon, étaient également présents à l’audience.
Jan Fermon a démontré les liens de l’équipe de tueurs à gage, les communications entre eux, le chef de SADAT Adnan Tanrıverdi et Seyit Sertçelik, l’un des proches conseillers du président turc Recep Tayyip Erdoğan, dont les photos ont été prises à la fois à Paris et au Palais présidentiel d’Erdogan.
Le procureur a accusé les plaignants
Il est à noter que le procureur qui est arrivé dans la salle d’audience n’était pas le même que celui qui avait préparé le dossier. Alors que le procureur précédent a contesté toutes les accusations, affirmant qu’il n’existait aucune place pour une action en justice, le nouveau procureur a convenu que la plainte pénale était « réelle » . Cependant, le procureur a déclaré que les circonstances n’étaient pas « assez claires » et qu’Akkulak a peut-être influencé d’autres membres de l’équipe à commettre l’assassinat.
S’adressant à l’ANF, Jan Fermon a déclaré: « Toutes les données du dossier réfutent cette idée. Yakup Koç a contacté Akkullak par l’intermédiaire de Demiroğulları. Tous les entretiens enregistrés montrent que le plan a été élaboré par Çelikbilek et Koç. (…)L’expression ’bain de sang’ a même été utilisée dans une conversation téléphonique, mise sur écoute. On ne peut être plus explicite. (…) Dans le cadre juridique, l’opinion du procureur est incompréhensible. »
En réponse au ton presque accusateur du procureur, Zübeyir Aydar a déclaré que, guidé par un cas de conscience, Akkulak avait refusé d’être impliqué dans le plan d’assassinat et l’avait signalé à la police.
Aydar: Toutes des voix dissidentes sont visées
Aydar a déclaré que l’équipe d’assassinat avait conçu un plan pour les assassiner et que les autorités turques ne les visaient pas seulement, mais toutes les voix dissidentes. Aydar a déclaré : « Nous estimons que la décision de ce tribunal est nécessaire pour que de telles tentatives et assassinats ne se reproduisent plus » , tout en citant des exemples de tentatives d’assassinat des escadrons de la mort liés à la Turquie à travers l’Europe.
Kartal : Ils ont aussi avoué le massacre de Paris
Remzi Kartal aurait mentionné une conversation entre Akkulak et Çelikbilek dans laquelle Çelikbilek a encouragé Akkulak en disant: « Nous l’avons fait à Paris, écoutez, rien ne s’est passé. »
La cofondatrice du PKK Sakine Cansız, la représentante du KNK à Paris Fidan Doğan et la membre du mouvement de jeunesse kurde Leyla Şaylemez ont été assassinées à Paris en 2013.
Le verdict sera rendu en avril
Fermon a noté que, si divers facteurs peuvent jouer un rôle dans le jugement du tribunal, il peut y avoir un impact politique sur l’affaire, notamment en raison des relations avec la Turquie.
Alors que l’avocat de Demiroğulları a réfuté les allégations, Jan Fermon a déclaré qu’en dépit d’avoir un « rôle secondaire », Demiroğulları savait ce qu’il faisait, aidait à la logistique et au recrutement, et devrait être accusé « d’être membre d’une organisation terroriste. »
Le conseil du tribunal rendra son verdict le 22 avril prochain.