PARIS – Cela fait 9 ans que Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez, trois militantes kurdes ont été assassinées par un espion turc sur le sol français et cela fait 9 ans que les familles des victimes exhortent la justice française à juger les commanditaires de ce triple féminicides qui sont liés aux services secrets turcs. Depuis, l’assassin présumé est mort en prison et une deuxième enquête judiciaire a été ouverte en 2019, mais on ne sait pas si la justice leur sera enfin rendue…
Retour sur un crime d’État commis sur le sol français
Le 9 janvier 2013, les militantes kurdes Sakine Cansiz ((Sara, fondatrice du PKK), Fidan Dogan (Rojbin), représentante de KNK à Paris, et membre du mouvement de jeunesse kurde, Leyla Saylemez (Ronahi) ont été abattues de plusieurs balles dans la tête par un espion turc dans les locaux du Centre d’Information du Kurdistan, à Paris.
Le 23 janvier 2017 devait débuter le procès aux Assises d’Ömer Güney, le présumé coupable. Le suspect, qui était lié aux services de sécurité turcs à Ankara selon les informations obtenues par les avocats des familles des victimes, est décédé subitement en prison le 17 décembre, un mois avant le début du procès.
Bien que la justice française s’est empressée de classer aussitôt l’affaire, les avocats des familles des victimes sont intervenus, rappelant que, même si celui qui tué les 3 femmes est décédé, les commanditaires de ce triple meurtre ne le sont pas et qu’ils sont étroitement liés aux services secrets turcs.
Ainsi, les familles des trois victimes se sont constituées partie civile en 2018 et ont réussi à ce qu’en mai 2019, l’affaire soit relancée « pour les faits de complicité d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste et d’association de malfaiteurs terroriste criminelle ». « L’enquête judiciaire a mis en évidence que l’un des mobiles les plus plausibles de ce triple assassinat pouvait être mis en relation avec les activités supposées d’Ömer Güney en France au sein des services secrets turcs [MIT], » écrivait d’ailleurs la juge d’instruction chargée du dossier.
Qui sont Sakine, Fidan et Leyla ?
Cofondatrice du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan), Sakine Cansız est née dans la province de Dersim en 1957. Après plusieurs années d’activité dans le mouvement de la jeunesse étudiante à Elazıg, elle rejoint en 1976 le mouvement révolutionnaire kurde.
Suite à sa participation au congrès du PKK, le 27 novembre 1978, la jeune femme est arrêtée à Elazıg et envoyée en prison avec un groupe d’amis. Soumise à de lourdes tortures dans la période ayant suivi le coup d’Etat militaire du 12 septembre 1980, elle n’est libérée qu’en 1991. Un fois libre, elle poursuit ses activités militantes dans l’ouest et le sud du Kurdistan.
Après de longues années de lutte dans les montagnes du Kurdistan, Sakine Cansız va en Europe où elle prend la direction du mouvement des femmes kurdes. Figure pionnière du mouvement de libération kurde, elle a grandement contribué au renforcement des organisations kurdes au sein de la diaspora.
Fidan Doğan est née en 1982, à Elbistan, dans la province de Maraş. Fille d’une famille d’immigrés, elle grandit en France.
Dès son enfance, elle se met en quête de son identité kurde. À partir de 1999, elle s’engage dans les organisations kurdes en Europe. À partir de 2002, elle travaille activement dans le domaine de la diplomatie. Elle devient représentante à Paris du Congrès national du Kurdistan (KNK).
Fille d’une famille originaire de Lice, dans la province de Diyarbakir, Leyla Soylemez est née dans la ville turque de Mersin où elle passe son enfance jusqu’à ce que sa famille s’exile en Allemagne, dans les années 90. Après un an d’études d’architecture, elle rejoint la lutte pour la liberté au Kurdistan et s’engage particulièrement dans les activités de la jeunesse kurde.