L’enseignant, écrivain et cofondateur du PEN Kurde en Allemagne, Haydar Işık, est décédé à l’âge de 84 ans à son domicile de Munich des suites d’une grave maladie. Il était un rescapé du génocide kurde de Dersim.
Haydar Işık est né en 1937 dans un village du Dersim. Son enfance a été marquée par des histoires sur le génocide des Kurdes alévis de Dersim, qui a commencé cette année-là. Işık était lui-même un survivant des massacres qui ont coûté la vie à plus de 70 000 Kurdes alévis. Sa mère a sauvé son fils unique dans les bois, où elle l’a allaité en permanence afin que les soldats ne soient pas alarmés par les cris du bébé.
Işık a d’abord travaillé comme instituteur pendant plusieurs années dans les villages de Dersim et Muş. Après avoir obtenu un diplôme en pharmacie à Izmir, il a été envoyé en Allemagne en 1974 par le gouvernement turc en tant que professeur de turc pour les enfants de travailleurs migrants. Il s’est installé à Munich, où il a enseigné dans une école secondaire. En 1980, peu de temps après la prise du pouvoir par l’armée turque le 12 septembre, l’État lui a demandé de retourner en Turquie. Parce que Haydar Işık n’a pas répondu à cette demande, il a été déchu de la nationalité turque et tous ses biens ont été confisqués par l’Etat turc.
Haydar Işık était citoyen allemand depuis 1984. Après avoir abandonné son travail d’enseignant, il a travaillé comme écrivain et chroniqueur. Il est l’un des co-fondateurs du Pen Kurde en Allemagne et a lui-même écrit de nombreux livres, dont « Le Agha de Dersim » et « La Destruction de Dersim ».
Les œuvres d’Işık traitent principalement de l’oppression de l’État dans sa patrie et du génocide. Sur un fond authentique et dans un langage poétique simple, Haydar Işık a parlé de son peuple, de la résistance, des peurs et des espoirs, des difficultés, de la privation des droits et de l’humiliation qui continuent à ce jour. Il a également écrit un roman historique sur le « Sultan Saladin » [Saladin le Kurde], fondateur de la dynastie ayyoubide et adversaire de Richard Cœur de Lion au XIIe siècle.
En juillet 2007, Haydar Işık a été arrêté dans des circonstances spectaculaires à Munich et a dû passer près de deux semaines en détention provisoire. Les ordinateurs, les documents et les dossiers personnels ont été confisqués pendant des mois. L’homme alors âgé de presque 70 ans devait se présenter régulièrement à la police. Il a également été interdit de contact avec plus de 100 personnes. Il a été accusé de soutien au PKK. À l’époque, sa défense a fait valoir que les accusations contre Haydar Işık étaient basées sur « des spéculations sans fondement réel » et des insinuations dues à des enquêtes bâclées.
Des personnalités respectées dans le pays et à l’étranger ainsi que le syndicat GEW, auquel il appartenait en tant qu’enseignant à la retraite, ont fait campagne pour sa libération et sa réhabilitation. Ce n’est qu’au bout de trois ans que l’enquête a pris fin sans gloire. Le tribunal correctionnel compétent a refusé d’admettre l’acte d’accusation car, contrairement au parquet, il n’y voyait pas suffisamment de soupçons. L’enquête n’a trouvé aucune preuve qu’Işık avait mobilisé et collecté des dons pour le PKK. Işık avait effectivement collecté des fonds qui ont été utilisés pour des projets sociaux pour les femmes et les jeunes de Dersim.
La journaliste kurde Ferda Çetin décrit Haydar Işık comme un « combattant visionnaire courageux et déterminé contre ceux qui tentent de faire oublier l’histoire du Kurdistan. Avec ses écrits et ses œuvres, il s’est brillamment opposé à l’effacement de la mémoire recherché par le colonialisme et a eu pour effet de maintenir vivante l’histoire et d’organiser la mémoire collective. »