Quelques mots sur la propagande turque pour justifier le massacre des Kurdes à l’occasion du 84e anniversaire de l’exécution de Seyid Riza, dignitaire kurde/alévi et chef de la rébellion de Dersim*, qui fut pendu le 15 novembre 1937, à l’âge de 74 ans avec un de ses fils mineur et de nombreux compagnons…
Comment faire accepter un crime contre l’humanité pour qu’on déteste tout un peuple car on veut le spolier de ses terres et l’assimiler de force mais que nous ne voulons pas que d’autres peuples, à commencer par le nôtre, ne soient pas horrifiés par les moyens qu’on utilisera pour y arriver ? La réponse turque concernant le massacre des Kurdes et la colonisation du Kurdistan a été très simple et « efficace ». Ataturk et ses collaborateurs ont préparé toute une propagande nauséabonde qu’ils ont servie pendant des décennies. Elle consistait à dire que les Kurdes qu’ils ont massacrés au début de la création de la Turquie – après les génocides et déportations des Arméniens, Grecs, Yézidis, Chaldéens… de leurs terres ancestrales – étaient des « arriérés », « barbares », « nuisibles », qui refusaient la « civilisation » à l’occidentale que l’État turc leur proposait sur un plateau en or et qu’ils avaient été tués car ils s’étaient révoltés contre l’État moderne turc. etc. Pour l’anecdote, même les vêtements traditionnels kurdes étaient considérés comme étant la preuve de la mentalité d’un peuple d’arriérés qui refusaient la « modernité » en refusant de s’habiller à l’occidentale…
Ainsi, le régime turc maquillait le génocide kurde comme étant un service que la Turquie rendait à l’humanité en la débarrassant des gens abjects dont l’existence même était une insulte à l’évolution naturelle du monde. Alors, comment s’étonner de voir qu’encore aujourd’hui des millions de Turcs et certains Kurdes assimilés applaudissent des deux mains ce génocide et ces crimes contre l’humanité commis par la Turquie?
*Le génocide de Dersim
Seyid Riza, son fils et ses compagnons avant leur exécution pour avoir exigé de vivre en liberté et en paix dans leur propre pays.
Le massacre de Dersim a eu lieu suite à la rébellion du Dersim (en turc: Dersim İsyanı), soulèvement des Kurdes zazas (dialecte kurde) alévis contre le gouvernement turc dans la région du Dersim. La rébellion a été dirigé par Seyid Riza, un notable kurde alévi. À la suite de la campagne militaire turque de 1937 et 1938 contre la rébellion, des dizaines de milliers de Kurdes zazas de confession alévie sont morts, leurs enfants ont été placés dans des familles turques pour les assimiler et de nombreux autres ont été déplacés à l’intérieur du pays.
Pour ne pas laisser de trace kurde dans la région, l’État turc a également changé les noms kurdes des localités et des régions kurdes en turc. Ainsi, Dersim est devenu Tunceli (main de bronze en turc) pour dire qu’ils ont écrasé Dersim d’un coup de poing en bronze. (Par ailleurs, la langue kurde a été interdite dans tout le Kurdistan. On disait que la langue kurde – de la famille indo-européenne, contrairement au turc qui fait partie de la famille des langues altaïques – était en réalité le turc déformé parlé par des « Turc des montagnes », pour ne pas dire les Kurdes…)
Au milieu des années 1930, Dersim était la dernière région du Kurdistan du Nord qui n’avait pas été efficacement placée sous le contrôle du gouvernement central turc du fait de sa zone géographique montagneuse qui la protégeait d’agressions extérieurs. Les tribus kurdes de Dersim n’avaient jamais été soumises par aucun gouvernement précédent. Elles ne s’opposaient pas au gouvernement en tant que tel, tant qu’il n’intervenait pas trop dans leurs affaires.
La campagne militaire contre Dersim a été montée en réponse à un incident relativement mineur, et il semblerait que l’armée ait attendu un prétexte direct pour mettre enfin à genou Dersim la rebelle perchée aux creux de ses montagnes verdoyantes. Un jour de mars 1937, un pont stratégique en bois a été incendié et des lignes téléphoniques ont été coupées. Seyyit Riza et les tribus alliées ont été accusés d’être derrière cet incident. Pour l’armée turque, c’était le début de la rébellion tant attendue.
Les premières troupes, envoyées pour arrêter les suspects, ont été arrêtées par des hommes armés. Les confrontations ont rapidement dégénéré. Lorsque les tribus refusèrent de livrer leurs chefs, une grande campagne fut lancée. Les opérations militaires pour soumettre la région ont duré tout au long de l’été 1937. En septembre, Seyyit Riza et ses plus proches associés se sont rendus à condition qu’on ne touche pas à la population, mais le printemps suivant les opérations ont été reprises avec encore plus de force. Ils ont été d’une violence et d’une brutalité sans précédent.
De 70 à 90 000 personnes seraient massacrées à Dersim selon les habitants. On rapporte que des cadavres des femmes mortes ont été violées par des soldats et des enfants ont été tués à coups de bûches de bois « pour ne pas gaspiller » les balles…
Plus de 10 000 Kurdes de Dersim ont été déportés vers des régions pauvres de Turquie, la plupart étant morts de faim et d’épuisement sur le chemin de la déportation. Des fillettes kurdes alévies ont été enlevées à leurs familles et données à des familles d’officiers turcs pour être assimilées de forces.
En 2008, le Parlement européen a organisé une conférence sur le génocide de Dersim. Et le comité de la conférence « Dersim 38 » s’est adressé à la Cour pénale internationale.
Des initiatives personnelles ont également été prises par des victimes du génocide de Dersim. Par exemple, Efo Bozkurt, qui a perdu toute sa famille dans le massacre, a déposé une plainte en justice pour «crimes contre l’humanité» en 2010, mais sa plainte a été rejetée.
Le procureur général d’Hozat a décidé d’abandonner les procédures le 18 février 2011. Il a été déclaré que « le droit pénal turc en vigueur au moment des incidents qui se seraient produits à Dersim en 1938 n’incluait pas le génocide et les crimes contre l’humanité imputés par la plaignante ». Il a en outre été dit dans la décision que les prétendus cas de décès devaient être qualifiés d’ « homicides » et relevaient donc du délai de prescription.
Dans les années 2010, un journal turc pro-gouvernemental Yeni Şafak a publié un document de renseignement top secret révélant que Mustafa Kemal (Atatürk) avait rencontré le leader de Dersim Seyit Riza la veille de son exécution, disant à Riza qu’il serait épargné s’il «demandait pardon». Seyit Riza a refusé et a été pendu avec 6 de ses camarades tôt le matin suivant. Le document prouve que les condamnations à mort ont été décidées à l’avance et que les potences ont été préparées. Le document mentionne que Mustafa Kemal a dit à Seyid Riza que les habitants de Dersim sont des « Turcs du Khorasan » et que les corps de Seyit Riza et de ses compagnons ont été brûlés après avoir été exposés en public.
On se garde bien de nous enseigner ces faits historiques en Europe. L’Histoire n’est pas enseignée et c’est ce qui permet à des régimes fascistes comme celui de Turquie de se maintenir en place.