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ROJAVA. Devenue esclave de l’EI à 9 ans, une Yézidie veut que le monde sache l’enfer jihadiste

SYRIE / ROJAVA – Une délégation d’associations franco-belges de victimes de terrorisme s’est rendue au Rojava où les Kurdes détiennent des milliers de terroristes de l’État Islamique (EI/DAECH), dont des ressortissants européens. La délégation a rencontré des responsables kurdes mais également des victimes de DAECH. Torture, viol, privation de nourriture… une jeune Yézidie de 18 ans a raconté à la délégation l’enfer qu’elle a vécu entre les mains des terroristes de DAECH qui l’ont capturée à l’âge de neuf ans.
 
« Ce que j’ai subi m’a appris à me battre. Je sais que je suis l’égale des hommes. Ils ne me font pas peur. Jamais plus je n’aurai peur des hommes. Je suis forte », Whata jeune rescapée yézidie qui a rencontré la délégation des victimes de terrorisme.

Georges Dallemagne, membre de la Chambre des députés belge qui dirige la délégation a publié le témoignage de la jeune yézidie qui a insisté pour sa publication.

Nous le partageons avec vous:
 
Whata est une toute jeune femme. Elle a dix-huit ans. Elle est membre d’une association de survivantes de Daech. Son sourire éclaire un visage d’une grande beauté. Elle est soulagée de nous rencontrer, de se confier à ces Belges du bout du monde qui ont reconnu le crime de génocide commis sur son peuple et cherchent des preuves de l’implication de leurs ressortissants. Elle insiste pour que son témoignage soit publié.
 
Nous prenons place dans les locaux de la Shengal Charities Organisation qui procure aide et réconfort aux réfugiés Yézidis. Dès ses premiers mots les yeux de Whata se voilent, son regard se perd dans les terreurs du passé, sa voix se fait sourde. Malgré la douleur des souvenirs elle veut que le monde sache, que chacun puisse mettre un nom et un visage sur les atrocités subies, que justice soit rendue.
 
Elle nous confie à mi-voix : « Lorsque j’ai été capturée en 2014, trois hommes m’ont achetée. J’avais neuf ans. Ils m’ont revendue à un Saoudien. Il avait l’âge de mon père. Lui et sa femme ont décidé de me violer ensemble. Cette femme était sauvage et brutale et faisait tout pour que ce viol soit violent. Pour eux je n’étais qu’une poupée de chiffon. J’essayais de percevoir s’ils ressentaient la moindre compassion pour moi, mais il n’y avait rien. Ils me traitaient comme si j’étais un robot. Alors, pour survivre, je suis devenue un robot. Je suis devenue folle de douleur. Ils m’ont revendue à un autre Saoudien qui m’a prêtée à un Belge, quelqu’un d’important. Ce Belge se faisait appeler Abou Hamza ».
 
Philippe Vansteenkiste, responsable de V-Europe*, interrompt doucement Whata et, avec sa permission, lui présente des photos de terroristes belges.
 
Son regard se fige sur l’une d’elles. Whata reconnaît formellement Sammy Djedou, – qui se faisait appeler Abou Hamza -, un Laekenois proche d’Oussama Atar, le cerveau des attentats de Paris et Bruxelles.
 
Elle reprend lentement son récit : « Sa femme était enceinte. Je suis restée six mois chez eux. J’avais été tellement frappée et violée par le couple saoudien que je ne pouvais plus marcher, j’étais physiquement et mentalement cassée. Malgré cela, ce couple belge m’a forcée à travailler comme servante. C’était terrible. Ils me battaient. Ils prenaient plaisir à me battre. Il y avait beaucoup d’autres Belges. Je me souviens notamment d’une femme plus âgée, une blonde aux yeux bleus, de type européen qui se faisait appeler Oum Ibrahim al Belgiki. Ces Belges venaient me voir comme une bête curieuse. Ils s’amusaient de voir une fille yezidie, comme si je venais d’une autre planète. »
 
Whata nous explique qu’elle est ensuite revendue à un saoudien qui, enfin, la prend sous sa protection et lui offre un répit inespéré.

« Il s’appelait Abou Khatab. Il a été comme un père pour moi. Il a voulu me mettre avec d’autres filles pour que je ne sois pas seule. Il m’a dit : « Ne me considère pas comme un Daech. Je sais que tu as été violée. Ne pense pas que je vais te violer ».
 
Grâce à lui j’ai survécu. Il voyait que je réclamais mes sœurs, que j’étais malheureuse. Il a entamé des recherches. Il m’a demandé pardon de m’avoir achetée. C’était le seul être humain là-bas. Un jour il a trouvé un passeur pour fuir vers le Kurdistan irakien. Mais il a été assassiné. Il savait qu’il allait être assassiné pour trahison. Je l’ai pleuré deux jours. C’était mon seul espoir.
 
Daech m’a ramenée à Raqqa. Abou Khatab mon regretté protecteur, avait demandé à un ami saoudien qui avait déjà une esclave yézidie, de s’occuper de moi s’il était assassiné. « Si je meurs il faut libérer cette fille » lui avait-il dit. Je suis resté un an chez lui. Il n’a pas respecté sa promesse. Il ne m’a pas libérée. Au contraire, il me torturait, il me privait de nourriture. Et puis il m’a revendue à un Kurde de Turquie. Cet homme m’a demandé de choisir : « Ou tu te maries, ou je te vends à trois hommes en même temps ».

Je me suis résolue à me marier. Mais c’était si dur…j’étais si jeune, j’avais douze ans…il en avait quarante. Je n’ai jamais connu un homme aussi brutal et pervers. Il frappait comme une machine.(…)

Nous avons finalement été capturés par les Forces Démocratiques syriennes**. Ils n’ont pas cru que j’étais yézidie. Ils pensaient que j’étais un membre de Daech. J’ai passé deux ans dans une de leurs prisons. Finalement, grâce à la Croix Rouge, j’ai été libérée…
 
Le récit de ce calvaire sans fin s’arrête dans un long silence.
 
Whata reprend finalement la parole, le regard dans le nôtre, avec plus d’assurance :
 
« Ce que j’ai subi m’a appris à me battre. Je sais que je suis l’égale des hommes. Ils ne me font pas peur. Jamais plus je n’aurai peur des hommes. Je suis forte ».
 
J’ai préféré masquer son visage.
 
* Association belge des victimes de terrorisme.
** la coalition kurde et arabe qui s’est battue aux côtés de la coalition internationale contre Daech.
 

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