LYON – Alors que le procès principal visant des politiciens d’HDP dans l’affaire des manifestations de soutien à la ville kurde de Kobanê* d’octobre 2014 s’ouvre à Ankara le lundi 26 avril, la Coordination lyonnaise Solidarité Kurdistan exprime sa solidarité avec le parti HDP menacé de fermeture par le régime turc.
« Cher .es Ami.es du HDP
Au moment où s’ouvre à Ankara, le 26 avril 2021, un procès historique contre votre Parti, vos dirigeant.es et vos militant.es, nous tenons à vous faire part de notre solidarité pleine et entière face à la nouvelle agression dont vous êtes victime de la part du pouvoir turc.
La situation économique de votre pays est catastrophique comme l’a illustré le « dévissage » de la bourse il y a quelques jours. En conséquence, Recep Tayyip Erdogan voit sa cote de popularité baisser dans les sondages au point qu’il est réellement menacé de perdre sa majorité (déjà toute relative puisqu’il ne la doit qu’à une alliance avec le MHP) aux élections de 2023.
Il a donc décidé de hausser la répression d’un cran et d’aggraver encore un peu plus les atteintes à la démocratie : cette fois, c’est votre parti, le HDP, troisième parti du pays, qui est menacé purement et simplement d’interdiction !
Depuis des années, votre parti défend la cause kurde (parmi bien d’autres dont l’écologie, le féminisme, les droits de la communauté LGBT, les droits économiques et sociaux, pour ne citer que celles-ci). A ce titre, il est l’objet d’une répression incessante. Plus de dix de vos parlementaires sont en prison, soixante maires élu.es démocratiquement ont été destitué.es et remplacé.es par des « délégués » nommés par le pouvoir. Et plus de huit cents de vos militant.es ont été arrété.es. Vos locaux sont périodiquement saccagés, vos rassemblements attaqués. Le député HDP défenseur des Droits Humains Omer Faruk Gergertioglu vient d’être condamné à deux ans de prison et a perdu son siège au parlement. Selahattin Demirtaş fête son quarante huitième anniversaire dans la prison où il est illégalement détenu depuis novembre 2016 malgré une demande de libération de la C.E.D.J. (Cour Européenne de Justice). Il en va de même de Figen Yüksekdağ qui était la coprésidente avec Demirtaş et qui est elle aussi toujours en prison
Le 17 mars dernier, le Procureur de la Cour de Cassation en Turquie a demandé à la Cour Constitutionnelle de prononcer l’interdiction du HDP. En effet, Erdoğan n’a pas oublié qu’en 2015, le HDP est entré en nombre au Parlement, privant le Sultan de sa majorité. Ni que depuis, malgré toutes les intimidations et vexations, il a toujours dépassé les 10% nécessaires à sa présence à l’Assemblée…
Aujourd’hui il est question de priver de leur immunité parlementaire des députés qu’ensuite la prétendue « justice » de l’État turc pourra, selon un scénario aussi attendu que ridicule aux yeux des démocrates du monde entier, accuser de terrorisme et condamner.
En prononçant l’interdiction du HDP, Erdoğan veut tout simplement annuler l’obstacle à sa réélection.
Cette interdiction (qui s’inscrit dans la trop longue série d’interdictions des partis pro-kurde en Turquie) serait nier le droit absolu à des millions de citoyen.nes à être représenté.es selon leur souhait. Il s’agit donc d’une attaque intolérable à la démocratie.
Sachez que de notre côté, nous mettons tout en œuvre auprès des médias et de nos élu.es de la région Rhône-Alpes pour que pression soit faite auprès du gouvernement français pour qu’il intervienne auprès du gouvernement turc pour que soit mis fin à cette situation.
Face à cela, nous vous assurons de notre pleine et entière solidarité dans votre combat pour la justice, la démocratie, la paix et la liberté, en Turquie et partout dans le monde.
Très fraternellement. »
Lyon le 22 avril 2021
La Coordination lyonnaise Solidarité Kurdistan regroupe:
l’Association Culturelle Mésopotamie, l’Amitiés Kurdes de Lyon Rhône Alpes, l’Association France Kurdistan du Rhône, la Confédération nationale du travail, l’Ensemble Rhône, la Génération.s-Rhône, le Mouvement de la Paix-Rhône, le Nouveau Parti Anticapitaliste-Rhône, le Parti Communiste Français-Rhône, le Parti de Gauche-Rhône, Parti Socialiste du Rhône, la Presse fédéraliste, Union départementale CGT-Rhône, l’Union Syndicale Solidaires-Rhône
*L’affaire Kobanê
Dans la soirée du 6 octobre 2014, après 21 jours de résistance de la part du YPG/YPJ et du peuple, le groupe terroriste « État islamique » (DAECH / ISIS) a réussi à pénétrer au centre de la ville de Kobanê, dans le nord de la Syrie. Au vu de la situation critique, le HDP a appelé les populations du Kurdistan du Nord et de la Turquie à protester indéfiniment contre le gouvernement AKP, car il n’a pas mis fin à son soutien à DAECH. Au cours de cette manifestation, il y a eu des batailles de rue entre les forces de sécurité turques et les manifestants dans de nombreuses villes.
Des soldats, des policiers, des gardiens de village ainsi que des membres et des sympathisants du Hezbollah turc, islamiste radical, ont mené un combat commun contre les Kurdes qui participaient aux manifestations. Le nombre de personnes tuées, dont la plupart étaient des participants au soulèvement, a fluctué entre 46 et 53. Selon un rapport de l’Association des droits de l’homme (IHD), 682 personnes ont été blessées pendant les manifestations. Au moins 323 personnes ont été arrêtées. Au cours du soulèvement, il y a également eu des incendies criminels de magasins et d’installations publiques.