En Occident, on parle volontiers des combattantes kurdes, de leur bravoure, de leur sens du sacrifice face à leurs ennemis sans foi ni loi, comme on l’a vu avec les soldats turcs ou les mercenaires islamistes qui les décapitaient, les torturaient, violaient, même après leur mort et, qui filmaient leurs actes barbares. Bien que moins médiatisées, les femmes kurdes se sont engagées également au sein de l’appareil politique kurde, malgré la répression étatique visant les partis politiques kurdes, d’où les arrestations des femmes politiciennes kurdes, y compris des députées et maires élues.
Les chercheuses Fatemeh Karimi et Somayeh Rostampour se sont penchées sur la présence des femmes au sein des partis politiques et armés kurdes qui sont le PKK et le Komala dans leur article intitulé « La présence des femmes kurdes au sein des organisations politiques kurdes : le Komala et le PKK »
Karimi et Rostampour concluent ainsi leur article : « Malgré la défaite du Komala sur les plans politique et armé et l’exil de nombreux·ses membres – notamment vers des pays européens au début des années 1990 –, la présence massive des femmes kurdes dans la vie politique et armée, à l’instar du cas des femmes du PKK, présente une rupture profonde dans le processus de la socialisation des femmes, confinées pour la grande majorité au statut d’épouse et de mères. Cela permet ainsi une reconfiguration dans la division sexuelle du travail au sein de la société kurde. La mort violente de centaines de femmes du Komala et du PKK tombées au combat (48 femmes pour le Komala et des centaines pour le PKK) ou assassinées en prison dans le cas de Komala (41 femmes) ou lors d’attaques-suicide parmi les combattantes du PKK (11 cas entre 1996 et 2013), prouvent que les femmes sont également capables de combattre et mourir pour leurs convictions politiques. En ce sens, elles constituent une rupture dans les normes de genre dominantes parmi la société kurde avant les années 1970. Dans les deux cas, loin des stéréotypes de genre considérant les femmes comme « vulnérables » ou « pacifiques », toutes les femmes peuvent choisir de participer à la branche armée. La volonté personnelle et les capacités physiques et mentales sont les seules conditions requises pour participer au domaine armé, marqué par la « masculinité » et la « non-mixité ». Les deux contribuent à modifier plusieurs normes de genre qui font du « sujet politique », « combattant », « peshmerga/guérilla », « martyr », des caractéristiques exclusivement « masculines ». Si les femmes peshmergas du Komala n’ont pas réussi, en une courte décennie marquée par un échec organisationnel, à remettre en question leur invisibilité dans leur organisation, c’est désormais chose faite pour les femmes du PKK. C’est avec la continuité/permanence de la lutte du PKK pendant plus de 40 ans, que le statut des femmes au fil du temps ainsi que leur visibilité ont pu évoluer en profondeur au sein de l’organisation. Si c’est au sein de Komala qu’émerge pour la première fois la figure d’une femme kurde combattante, c’est le PKK qui la popularise massivement comme un modèle pour les jeunes kurdes politisées, dans un idéal de style de vie lié à l’identité de genre. Le rôle des femmes au front est symboliquement reconnu et certains visages féminins sont progressivement héroïsés et iconisés à travers la lutte des femmes du PKK. »
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