TURQUIE / BAKUR – Le 25 mai dernier, le monde découvrait avec effroi les images d’un policier américain tuant de sang froid George Floyd, un Afro-américain. Depuis, une vague indignation a secoué les Etats-Unis où la population noire du pays est descendue en masse dans la rue pour dire halte aux crimes racistes dont elle est victime.
Moins d’une semaine après le meurtre de Floyd, des policiers turcs ont partagé les images de la torture et de l’agression sexuelle de Muhammet Emir Cura, jeune Kurde qu’ils ont arrêté dans la ville kurde d’Amed (Diyarbakir). Des images que même des personnalités publiques turques ont diffusées sur les réseaux sociaux en félicitant les policiers turcs, auteurs de torture et de l’agression sexuelle contre un détenu kurde accusé d’avoir tué le policier turc Atakan Arslan, sans aucune preuve pour le moment… Mais qu’importe, en Turquie, les Kurdes sont considérés comme les responsables de tous les maux qui frappent le pays : la pauvreté, la guerre en Syrie et même de la pandémie du COVI-19…
Le soir même de la diffusion de ces images, dans la nuit de 31 mai, on apprenait qu’un jeune Kurde avait été tué à coups de couteau par trois fascistes turcs à Ankara pour avoir écouté de la musique kurde…
Dans les premières déclarations d’un cousin de Baris Cakan, le jeune Kurde de 20 ans tué à Ankara, on apprenait qu’il avait déjà été agressé par le passé pour avoir écouté de la musique kurde. Mais le lendemain matin, les médias turcs ont diffusé une vidéo du père de la victime, qui était à la maison alors que son fils était tué dans un parc du quartier après avoir demandé à ses agresseurs de baisser le son de leur musique car ce serait l’heure de l’appel à la prière du soir !
Ensuite, on a vu un oncle de la victime crier lors de la cérémonie mortuaire : « Il s’appelait Baris (la paix). (…) Vous ne comprenez pas cela? » et dénonçer un crime raciste. On apprenait également que Baris était membre du parti politique « pro-kurde » HDP et qu’il avait été également arrêté à cause de ses activités politiques…
Par ailleurs, des organisations de défense des droits humains dénoncent les intimidations répétées des autorités turques auprès de la famille de Barış Çakan pour les forcer à nier la raison de ce crime abject, pour le faire passer pour un crime intervenu suite à une dispute ordinaire.
Ces mêmes démarches ont été mises en oeuvre auprès d’une autre famille kurde dont l’enfant a été arrêté la semaine dernière à Amed, après le meurtre du policier turc Atakan Arslan. Ce jeune (A.Ç) a été présenté par les médias turcs comme le meurtrier d’Atakan Arslan mais a été libéré 7 heures plus tard. Mais plutôt que dénoncé les accusations infondées des médias turcs et le lynchage public dont la famille d’A.Ç a été victime, un oncle d’A.Ç a parlé de leur fidélité à la patrie (Turquie), dans une démarche désespérée de calmer la colère des millions de Kurdes de Turquie victimes sans fin du racisme et de crimes étatiques…
Comme on peut le voir clairement dans ces quelques exemples récents concernant les crimes racistes visant les Kurdes et les efforts de l’Etat turc pour forcer les Kurdes à accepter ces crimes, sans réagir, car sinon, ils mettraient en danger la « paix sociale » du pays, comme si la Turquie était un paradis, surtout pour les Kurdes !
Mais pourquoi les Kurdes ne descendent-ils pas en masse dans la rue comme on l’a vu aux USA après le meurtre raciste de George Floyd ?
Depuis l’hiver 2015/2016, en Turquie, chaque fois que les Kurdes ont essayé de défendre leurs droits, notamment, lors de la création des assemblées populaires dans les villes kurdes, ils ont été massacrés par centaines à Cizre, Sur, Nusaybin, Silopi… devant les yeux du monde entier, sans que des voix s’élèvent contre ses massacres. Le monde, dont les institutions internationales ont comme l’ONU et l’OTAN dont la Turquie est membre, ont dit aux Kurdes : « Vous pouvez être tués, torturés par milliers, vous villes peuvent être rasées, on ne fera rien pour vous. Ne compter pas sur nous pour dénoncer ce qui vous arrive. »
La communauté internationale a montré la même attitude au Rojava quand l’armée turque et ses alliés islamistes ont envahi le canton kurde d’Afrin en 2018, tuant des milliers de civils et chassant plus de 300 000 Kurdes de leurs terres…
Aujourd’hui, quand on voit la complicité de l’Occident dans le massacre des Kurdes, que ce soit en Turquie, en Syrie ou en Irak, et l’impunité dont jouit la Turquie pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité qu’elle commet dans sa guerre anti-kurde, on comprend le désespoir des Kurdes de la Turquie. La Turquie leur dit qu’elle les tuera comme elle l’a fait Cizre, Sur, Nusaybin, Silopi…, qu’elle n’a même pas besoin de donner une image d’un pays respectueux des droits humains. Que les forces armées turques y compris les milices seront lâchées contre les Kurdes sans défense avec toutes les armes modernes mises à la disposition de la Turquie par les pays de l’OTAN. Qu’on risque d’avoir une guerre civile en Turquie dont les victimes seront les Kurdes, les minorités ethniques et religieuses du pays ainsi que les opposants du régime turc… Alors, que doivent faire les pauvres Kurdes massacrés tous les quatre matins en Turquie ? On leur demande de sauver la « paix sociale » en Turquie, comme si ce pays était un paradis, surtout pour les Kurdes !