Extraits d’une lettre de Bakhtiar Ali* pour les étudiants kurdes en Europe
La défense du Rojava n’est pas seulement une défense politique ou humaine, c’est une défense qui révèle le vrai visage du monde politique actuel. La politique turque est soutenue par Trump et la Russie. Ça c’est le début de la fin du visage humaniste que le globalisme politique voulait montrer de lui-même. La férocité de l’armée turque qui appartient à une plus grande férocité éparpillée dans toute la région, c’est l’intersection de la férocité d’un état nationaliste, allié du capitalisme barbare, et du nouveau globalisme.
Là l’état nationaliste turc veut, avec toute sa puissance, démontrer son dynamisme et affirmer qu’il n’y a pas de valeur politique plus grande que le nationalisme.
Le globalisme est un système dans lequel le commerce libre des marchandises et de l’argent est le plus important que tout. Ce n’est pas que Trump qui ne respecte pas les valeurs humaines, en fait, tout le système du globalisme est appuyé sur le déni d’humanité. Toutes les illusions du néolibéralisme à propos du globalisme en prétendant qu’il va créer des nouvelles valeurs politiques et éthiques, s’arrêteront ici. Le globalisme va de pair avec la férocité de cet état nationaliste. Par cette guerre l’état turc veut traverser la crise intérieure de sa société éparpillée et brisée. En ce moment, la Turquie est profondément brisée : un côté qui regarde vers l’occident et l’autre côté qui penche vers l’époque de khalife et veut réinstaller un état islamiste. La Turquie est dans la crise à l’intérieur ainsi qu’à l’extérieur. Dans cette situation Erdogan veut refaire peur aux kurdes. Pour cela, il a besoin d’une guerre pour tenir l’équilibre à l’intérieur et créer une unité fasciste dans une société éparpillée en jouant son rôle en tant que défenseur de la Turquie. Cet Etat a fondé son histoire sur la guerre, la négation de l’identité d’autrui et le conflit. C’est aux kurdes d’utiliser toutes les façons légitimes d’auto-défense. Maintenant, nous n’avons qu’une seule solution : dévoiler le visage fasciste de cet Etat. Aujourd’hui, notre calvaire éclaire de plus en plus les paradoxes intérieurs du système globaliste et démontre le côté immoral de l’occident. Nous n’avons qu’une vraie force : notre volonté et notre capacité de résistance. Nous n’avons plus d’autre solution que la volonté, la culture et l’innovation, la défense de valeurs humaines, et que d’insister sur la paix et de ne pas utiliser la force armée. La seule langue dans laquelle on doit dialoguer c’est celle qui insiste sur les droits humains et les droits des nations. Les fascistes ne doivent pas nous rendre fascistes. Je préfère mourir comme un homme que vivre comme un sauvage. La beauté de la lutte du Rojava c’est une lutte et une résistance qui sont issues de tous les droits humains. La défense du Rojava est la défense d’un peuple dont le destin est de lutter contre toutes les méthodes de fascisme sans perdre son humanité.
* Bakhtiar Ali est Auteur de roman « Le dernier grenadier du monde » traduit en français par Sandrine Traïdia, éditions métalié, 2019.
Bakhtiar ALI est né à Sulaimaniya, dans le Kurdistan irakien, en 1966. Il est devenu un romancier important dans les années 90. Ses livres sont des best-sellers en Iran et en Irak, il a reçu de nombreux prix littéraires au Moyen-Orient. Il est un des auteurs kurdes contemporains les plus connus. Il vit à Cologne depuis 1998. Il est traduit en farsi, en anglais, en allemand, en italien et en arabe.