Le Parlement européen a adopté un rapport sur la Turquie à la majorité des voix. La résolution pointe du doigt les violations des droits humains commis en Turquie et déclare que cette dernière occupe le cinquième rang en termes de nombre de ressortissants demandant l’asile après des pays de l’UE.
STRASBOURG- La commission des affaires étrangères du Parlement européen a discuté le 21 février du projet de rapport 2018 sur la Turquie. La résolution, avec quelques amendements apportés par la commission, a été adoptée par 47 voix pour, 7 contre et 10 abstentions.
La résolution, rédigée par Kati Piri, rapporteuse de l’UE sur la Turquie, appelle à la suspension formelle des négociations d’adhésion à l’UE avec la Turquie et mentionne les violations des droits dans ce pays.
L’Assemblée générale du Parlement européen se prononcera sur le projet de rapport lors des sessions qui se tiendront du 11 au 14 mars. Les décisions du Parlement Européen sont consultatives et non contraignantes.
La résolution inclut la corruption, les violations des droits humains, la fermeture de 160 médias, la violation des droits des défenseurs des droits de l’homme, y compris les organisations LGBTI, l’emprisonnement d’Osman Kavala, homme d’affaires et défenseur des droits, et du politicien kurde Selahattin Demirtas, ancien coprésident du Parti démocratique des peuples (HDP), l’augmentation des demandes d’asile auprès des États membres de l’UE.
La résolution souligne également la construction du nouvel aéroport İstanbul, qui se poursuit depuis 2015. Soutenant que 38 travailleurs sont morts depuis le début de la construction, il critique l’emprisonnement des travailleurs qui protestent contre les mauvaises conditions de travail.
La résolution dit qu’une solution pacifique doit être trouvée pour les violations des droits dans le sud-est de la Turquie.
Que dit le rapport ?
. Union douanière : Si le rapport propose de suspendre les négociations d’adhésion, il laisse la porte ouverte au renouvellement de l’accord sur l’union douanière, car il pourrait ouvrir la voie à des réformes démocratiques.
. Libéralisation des visas : Affirmant que la libéralisation des visas revêt une grande importance pour les citoyens turcs, le rapport exige qu’Ankara respecte les 72 critères de l’UE.
. L’état d’urgence : Le rapport indique que l’état d’urgence est pratiquement maintenu bien qu’il ait été levé en juillet 2018. Il s’inquiète des revers subis par la liberté d’expression, la liberté de réunion et le droit à la propriété.
. Détention et arrestations : La résolution exprime la » profonde préoccupation « de plus de 150 000 personnes détenues et 78 000 personnes arrêtées en raison d’accusations liées au terrorisme et déclare que dans la plupart de ces procès se poursuivent sans preuves concrètes.
. Répression des dissidents : Les membres du Parlement sonnent également l’alarme au sujet des actions du gouvernement turc contre ses propres citoyens à l’étranger, y compris le harcèlement, les enlèvements, la surveillance secrète et la mise en place de lignes directes par lesquelles les gens sont encouragés à signaler d’autres citoyens aux autorités du pays.
Elle se déclare préoccupée par l’utilisation de la Direction des affaires religieuses en tant qu’agence de renseignement et déclare qu’Interpol ne peut être utilisée pour cibler des dissidents turcs, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes.
. Annulation de passeport : La résolution dit que l’annulation des passeports des proches des suspects et des détenus suscite des inquiétudes et exige que les annulations qui ne sont pas soutenues par une décision judiciaire soient levées.
. Licenciements : En ce qui concerne les révocations de fonctionnaires, la résolution indique que la Commission de l’état d’urgence n’a donné des réponses positives qu’à 7 demandes et 81 000 demandes sont toujours en attente. Il dit que les personnes qui sont licenciées font face à de graves conséquences économiques et autres et qu’elles sont stigmatisées dans la vie sociale et professionnelle.
. Pouvoir judiciaire : La résolution affirme que la révocation de plus de 4 000 juges et procureurs menace l’indépendance et l’objectivité du pouvoir judiciaire et que l’arrestation de 570 avocats entrave les droits à la défense et à un procès équitable.
. Demandes d’asile : Depuis le début de l’état d’urgence après la tentative de coup d’État de juillet 2016, les demandes d’asile des citoyens turcs ont considérablement augmenté, ce qui sous-tend la résolution. Selon le Bureau européen d’appui en matière d’asile, la Turquie occupe le cinquième rang en termes de nombre de demandes d’asile adressées aux pays de l’UE. Selon les chiffres de septembre 2018, plus de 16 000 demandes d’asile sont en attente d’une décision.
. Défenseurs des droits : La résolution dit que les pays membres de l’UE devraient accroître leur soutien aux défenseurs des droits humains, qui sont en danger. Elle appelle la Turquie à appliquer pleinement la réglementation de l’UE sur les défenseurs des droits de l’homme.
Turquie : La résolution est inacceptable
En réponse au vote au Parlement européen, le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Hami Aksoy, a déclaré : « L’appel lancé dans le projet de rapport, qui n’est pas juridiquement contraignant et n’a qu’un caractère consultatif, à suspendre officiellement les négociations d’adhésion de notre pays à l’UE est absolument inacceptable ».