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« L’inclusion du PKK dans les organisations terroristes de l’UE n’est pas assez motivée »

LUXEMBOURG – L’inscription sur la listes des organisations terroristes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et le gel de ses avoirs n’étaient pas suffisamment justifiés, selon une décision de la Cour de justice de l’Union européenne.
 
Selon le verdict, entre 2014 et 2017, le PKK a été inscrit à tort sur la liste des organisations terroristes de l’UE.
 
La Cour de justice de l’UE a donc déclaré nulles et non avenues les décisions sous-jacentes des États membres en raison d’erreurs de procédure. De l’avis de la Cour, le Conseil des États membres n’a pas suffisamment justifié pourquoi il a inscrit le PKK sur la liste.
 
Toutefois, le jugement n’a pas de conséquences concrètes, puisqu’il y a une nouvelle décision concernant la liste des organisations terroristes pour 2018, qui n’est pas remise en question par le jugement.
 

L’inscription du PKK sur la liste du terrorisme a été effectuée en 2002, ce qui a entraîné le gel de ses comptes et autres avoirs dans l’Union européenne.

Après l’établissement de la liste en février 2014, des plaintes ont été déposées contre l’inclusion du PKK dans les listes ultérieures renouvelées tous les six mois jusqu’en 2017. La Cour de justice a déclaré que les arguments n’avaient pas été correctement examinés.

En ce qui concerne les griefs contre les décisions prises au cours de ces quatre années, la Cour de justice a conclu que ces décisions étaient erronées.

La Cour a souligné qu’une série d’incidents et d’actes ont été cités comme raison de l’inscription sur la liste, mais que ces arguments n’étaient pas suffisamment étayés juridiquement par l’UE.

Constatant que la situation du PKK dans le nouveau scénario du Moyen-Orient n’a pas été prise en compte, l’arrêt conclut que les charges rapportées ne constituent pas des arguments suffisants pour l’inclusion sur la liste.

Le tribunal n’est pas sûr que les droits de la défense aient été respectés par les tribunaux turcs ou traités conformément à la jurisprudence en ce qui concerne les attaques attribuées au PKK.

Selon la Cour, il ressort également de la jurisprudence que le Conseil doit, avant de statuer sur la base d’une décision d’une autorité d’un État tiers, vérifier si cette décision a été adoptée conformément aux droits de la défense et au droit à une protection judiciaire effective. Le Conseil est donc tenu de fournir, dans les exposés des motifs relatifs à ces décisions, les éléments permettant de conclure qu’il s’est assuré que ces droits ont été respectés.

Les avocats représentant le PKK dans cette affaire ont notamment affirmé que le Conseil n’avait pas tenu compte des développements concernant la participation du PKK à la lutte contre Daesh.

La cour a souligné qu’une série d’incidents et d’actes avaient été invoqués pour justifier l’interdiction, mais que ces arguments n’étaient pas suffisamment étayés juridiquement par l’UE. Notant que la nouvelle situation du PKK au Moyen-Orient n’est pas prise en compte, la décision indique que les accusations portées contre le PKK ne constituent pas un argument suffisant pour justifier l’interdiction.

Remarquant que le PKK a déclaré unilatéralement un certain nombre de cessez-le-feu depuis 2009, la Cour a déclaré : « En outre, bien que l’exposé des motifs des règlements d’application n° 125/2014 et n° 790/2014 ne le mentionne pas, le requérant déclare à juste titre que les négociations de paix entre le PKK et le gouvernement turc ont eu lieu en 2012 et 2013. En particulier, le 21 mars 2013, M. Abdullah Öcalan a demandé le dépôt des armes. Dans un communiqué de presse daté du 21 mars 2013, la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Catherine Ashton, et le Commissaire à l’élargissement et à la politique européenne de voisinage, M. Štefan Füle, ont publié une déclaration commune dans laquelle ils ont salué l’appel de M. Öcalan au PKK à déposer les armes et à se retirer au-delà des frontières turques, encouragé toutes les parties à travailler sans relâche pour apporter paix et prospérité aux citoyens de la République de Turquie, et soutenu pleinement le processus de paix.

Le Conseil a donc affirmé qu’il était tenu de fonder le maintien du PKK sur les listes en cause sur des éléments plus récents démontrant qu’il existait toujours un risque que le PKK soit impliqué dans des activités terroristes.

Montrant une décision concernant le Centre culturel kurde Ahmet Kaya en France, utilisée pour motiver l’inscription du PKK sur la liste, la Cour a déclaré qu’une telle formulation était ambiguë, faisant valoir qu’en fait le Centre culturel kurde Ahmet Kaya et le PKK doivent être considérés comme deux entités distinctes. « En conséquence, le Conseil n’a pas motivé, dans les formes juridiques requises, pourquoi il a considéré que ces décisions judiciaires françaises constituaient des décisions d’une autorité compétente « à l’égard des personnes, groupes et entités concernés. »

Certaines parties soulignées dans le rapport sont les suivantes :

« En ce qui concerne les incidents sur lesquels le ministre britannique de l’intérieur s’est fondé dans sa décision du 3 décembre 2014 de rejeter la demande de mettre fin à l’interdiction du PKK, il est clair que, dans sa déclaration de modification du 26 mai 2015, le requérant conteste expressément l’attribution au PKK de la responsabilité de ces incidents et le caractère adéquat des informations fournies pour conclure que ces incidents répondent aux objectifs énoncés à l’article 1er de la position commune 2001/931 et aux actes de violence visés à l’article 1er.

En conséquence, il y a lieu de conclure que le fait que l’ordre (…) du Royaume-Uni ait été confirmé, en décembre 2014, sur la base d’incidents qui auraient été commis par le PKK en mai et août 2014, ne suffit pas à remédier au défaut de motivation visé au point 97.

En ce qui concerne les incidents sur lesquels les autorités des États-Unis se sont fondées pour adopter ou maintenir les désignations FTO (Foreign Terrorist Organizations – Organisations terroristes étrangères) et SDGT (Specially Designated Global Terrorist – Organisations mondialement désignées terroristes), il est clair que, dans sa déclaration de modification du 26 mai 2015, la requérante conteste expressément le caractère adéquat des informations fournies à l’appui de la conclusion selon laquelle ces incidents correspondent aux objectifs énoncés à l’article 1er, paragraphe 3, sous i) à iii) de la position commune 2001/931 et aux violences visées aux points iii), a) à k) de son article premier paragraphe 31.

Il convient à nouveau de préciser que l’exposé des motifs des actes attaqués précisés au paragraphe 81 ci-dessus ne fournit pas la moindre indication que le Conseil a effectivement examiné et tenté d’établir si les faits allégués étaient bien fondés. En outre, au cours de la présente procédure, le Conseil n’a pas non plus réussi à établir le bien-fondé de ces faits. Au contraire, le Conseil n’est pas en mesure de préciser avec certitude les raisons réelles et spécifiques sur lesquelles se fondent les désignations FTO et SDGT. En particulier, en ce qui concerne les rapports annuels du Département d’État des États-Unis sur le terrorisme, le Conseil déclare expressément dans sa duplique : « Bien que ces rapports puissent effectivement refléter des informations sur lesquelles les[États-Unis] ont fondé[une] désignation FTO ou leur décision de maintenir une désignation », ils « ne le font pas nécessairement » (duplique, paragraphe 115).

A la lumière de la jurisprudence citée dans le rapport, le Conseil ne peut, comme en l’espèce, que répéter les motifs d’une décision d’une autorité compétente sans examiner lui-même si ces motifs sont bien fondés. Cela s’applique a fortiori lorsque la décision en question n’a pas été prise par une autorité compétente d’un État membre. La motivation des actes attaqués précisée au paragraphe 81 ci-dessus est telle qu’il est impossible de savoir si le Conseil a rempli son obligation de vérification à cet égard et que la Cour ne peut exercer son pouvoir de contrôle pour déterminer si les faits allégués sont établis.

En ce qui concerne l’absence d’éléments à l’appui de la radiation de la requérante des listes en cause, il convient d’indiquer que la requérante a soumis au Conseil certaines informations qui, à son avis, pourraient justifier la radiation du PKK des listes en cause, notamment dans sa lettre du 6 mars 2015 en réponse à la lettre du Conseil informant la requérante de son intention de maintenir son inscription dans les listes en question.

Selon la jurisprudence, lorsque des observations sont formulées par la personne concernée sur l’exposé des motifs, l’autorité compétente de l’Union européenne est tenue d’examiner, avec soin et impartialité, si les motifs allégués sont fondés, à la lumière de ces observations et de tout élément à décharge fourni avec ces observations.

Le Tribunal conclut qu’il y a lieu de conclure que le Conseil n’a pas indiqué, dans l’exposé des motifs accompagnant les actes attaqués précisés dans le rapport, les raisons réelles et spécifiques du maintien de l’inscription de la requérante sur les listes en cause, conformément au critère requis. »