Partie I : Comment la Turquie a occupé Iskenderun ?
Iskenderun, territoire de la nouvelle Syrie, occupé et conquis par l’Etat turc, après l’accord Sykes-Picot, et dans un jeu international en faveur de la Turquie, est devenue une province turque.
« Iskenderun volé », comme l’appelait Hafez al-Assad, sous domination turque s’est appelée « Hatay » au lieu du canton d’Antakya, ou Iskenderun. Puis a été officiellement abandonné par la Syrie après l’intervention égypto-iranienne de 1998 dans l’accord d’Adana (en Turquie).
Le même scénario est mis en place par la Turquie aujourd’hui à Shehba, Afrin et Idlib, dans le nord de la Syrie, à la face du régime syrien et des organisations qui s’appellent l’opposition syrienne, sans qu’aucune démarche pour mettre fin aux ambitions turques ne soit adoptée.
Comment la Turquie a occupé Iskenderun ?
Après la défaite des Ottomans lors de la Première Guerre mondiale, Iskenderun a été la victime de l’accord de partition Sykes-Picot, secrètement menée entre la France et la Grande-Bretagne en 1916 : c’était la part des Français, comme le reste des régions du Rojava en Syrie. L’empire Ottoman a reconnu et admis qu’Iskenderun faisait partie de la Syrie dans le traité de Sèvres du 10 août 1920, signé avec les forces alliées.
Dans le Traité de Lausanne en 1923, la Turquie a abandonné les régions du nord de la Syrie, dont Iskenderun, mais les ambitions turques n’en demeuraient pas moins vivaces. Ce qui était administrativement indépendant a été appelé « Iskenderun » jusqu’à l’annonce de la loi sur les organisations administratives le 10 Janvier 1936, devenant la province syrienne n °15. La même année, la France signait avec la Syrie un accord garantissant la liberté et l’indépendance de la Syrie, y compris Iskenderun et l’entrée de la Syrie dans la Société des Nations.
En 1937, la Turquie a refusé le maintien d’Iskenderun au sein de l’État syrien et a exigé qu’il soit transformé en un État indépendant comme les États syrien et libanais, avec la création d’une fédération soulevant la question auprès de la Société des Nations.
La France ayant violé le mandat, l’État délégué a été empêché d’abandonner une partie quelconque de son territoire. Puis, les autorités turques ont commencé à faire entrer des dizaines de milliers d’électeurs de Turquie à Iskenderun avec la création de fausses identités.
Le 18 juillet 1938, la Turquie et la France ont formé un comité mixte pour superviser les élections. Les listes électorales ont été révisées et les restrictions imposées à des milliers d’électeurs syriens ont été abolies. Les Syriens ont boycotté les élections et la Turquie a remporté les listes haut la main.
Le 2 septembre 1938, le Conseil d’Iskenderun, élu après le boycott des élections syriennes, a tenu sa première session et a été élu président et ministre des Turcs. Puis l’étape de la turquisation a commencé par le changement du nom Iskenderun qui est devenu Hatay, par le déplacement de la population syrienne d’origine, en changeant l’identité de la population d’Iskenderun, en imposant la langue turque et en adoptant la lire turque comme monnaie officielle en violation de la Société des Nations.
Les pressions et manipulations turques se sont poursuivies à Iskenderun jusqu’au 23 juin 1938, date à laquelle la France et la Turquie ont accepté d’introduire 2 500 soldats turcs à Iskenderun sous prétexte de participer au maintien de la sécurité avec les forces françaises.
La Turquie a exploité le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en 1939 et la situation en Europe – et la nécessité pour les alliés d’y adhérer ou de rester neutres- et, en particulier, après que le Traité de Montreux, le 20 juillet 1939, annonçant l’annexion définitive d’Iskenderun.
La Syrie a maintenu sa demande de reprendre Iskenderun
Les cartes syriennes imprimées par la Syrie indiquaient qu’Iskenderun était syrien et se trouvait sur le territoire syrien. Iskenderun a fait l’objet de divers conflits depuis l’accession de la Syrie à l’indépendance.
Lorsque le président Hafez al-Assad a confié à son ambassadeur Adnan Omran la tâche de négocier avec le président turc et le commandant de l’armée, Kanaan Efrin, il a recommandé de ne pas signer de renonciation à « Iskenderun ».
Ainsi, les négociations se sont poursuivies pendant longtemps sans parvenir à une solution. Les gouvernements syriens successifs n’ont pas reconnu la légitimité de l’appartenance d’Iskenderun à la Turquie, à l’exception d’une référence croisée faite par Bachar al-Assad en 2004.
Accord d’Adana
On parle beaucoup de la concession officielle de la Syrie à la Turquie de la part d’Iskenderun dans l’Accord d’Adana en 1998. Au cours de recherches sur cette question, ce qui a été diffusé est plus proche de la vérité.
La Syrie a renoncé à Iskenderun dans l’accord d’Adana. Officiellement, les cartes syriennes ont été imprimées sans Iskenderun.
L’Égypte et l’Iran sont intervenus lors de la crise politique entre la Syrie et la Turquie en 1998. Ce mouvement a culminé avec la visite de Moubarak à Ankara le 4 octobre 1998, à la tête d’une importante délégation politique pour rencontrer le président turc Suleiman Demirel et le premier ministre Bülent Ecevit avec comme conclusion : « la Syrie, y compris avec l’approbation par le régime syrien de toutes les demandes turques, y compris la renonciation de Damas à sa revendication sur Iskenderun« .
Demain Partie II : les zones « Shehba »…. vont-elles être un autre Iskenderun ?