AccueilFemmesNewroz Ahmed : L'objectif des YPJ est la révolution sociale

Newroz Ahmed : L’objectif des YPJ est la révolution sociale

SYRIE / ROJAVA – La commandante des Unités de protection des femmes (en kurde : Yekîneyên Parastina Jin, YPJ), Newroz Ahmed, a déclaré : « Notre combat au sein des Unités de protection des femmes ne vise pas seulement à intégrer l’armée en tant que force officielle, mais à créer une révolution sociale. Que l’intégration ait lieu ou non, les YPJ auront toujours pour objectif d’atteindre toutes les femmes syriennes, d’établir l’autodéfense et de parvenir à une organisation solide. »

L’agence ANHA a mené une interview avec Newroz Ahmed, commandante des YPJ, sur la violence à l’égard des femmes, l’autodéfense, les organisations féminines, la situation des femmes en Syrie et le rôle des YPJ dans la protection des femmes.

• Du point de vue des Unités de protection des femmes, comment évaluez-vous la situation des femmes dans le monde en matière de protection et d’organisation ?

 

Le progrès scientifique était censé bénéficier à la société et aux femmes. Or, c’est l’inverse qui s’est produit, car le savoir reste entre les mains des puissants. Tous prétendent publiquement lutter contre les guerres, mais ce n’est qu’une façade médiatique. En réalité, ils les attisent pour servir leurs propres intérêts. Le système exacerbe délibérément les conflits entre les peuples et les communautés, ce qui est contre nature.

Malheureusement, la situation des femmes se détériore de jour en jour. On dit qu’elles participent au marché du travail, y compris aux forces de défense nationale, mais cela ne sert pas nécessairement leurs intérêts. Malgré leur présence visible, les autorités n’ont pas réduit les violences dont elles sont victimes. Nous, les femmes, ne devons pas nous leurrer : les violences faites aux femmes sont en augmentation, qu’il s’agisse de violences physiques (agressions, suicides) ou de violences virtuelles sur les réseaux sociaux.

Parallèlement, la prise de conscience des femmes s’est développée. Elles comprennent désormais la nécessité de se protéger et de se défendre, et elles investissent tous les domaines de la vie. C’est un progrès, mais il ne peut rester isolé. Il faut s’organiser et s’unir. Les progrès et l’organisation des femmes ne sont pas encore à la hauteur des attentes, ce qui signifie qu’une lutte plus intense est nécessaire.

• Après le changement de pouvoir en Syrie le 27 novembre 2024, comment évaluez-vous la situation des femmes sous ce gouvernement ?

La lutte des femmes a progressé dans nos régions, mais c’est insuffisant. L’année dernière, le gouvernement s’est effondré et un nouveau a pris sa place. On attendait de lui qu’il résolve les problèmes du pays, mais nous avons été témoins des événements survenus sur la côte et à Soueïda. Et ces violences ne se sont pas limitées à ces zones : elles sont présentes dans toutes les villes syriennes.

Les femmes sont victimes d’enlèvements, de disparitions, de viols et de meurtres. Elles sont également attaquées sur les réseaux sociaux. Cette mentalité destructrice sévit aussi bien en Syrie qu’à l’étranger. Nous avons maintes fois insisté sur l’importance de l’autodéfense et de l’organisation. Les événements récents ont démontré que l’autodéfense et l’organisation sont indispensables pour tous. Sans organisation et sans mise en place d’un système d’autodéfense, il sera très difficile de changer cette mentalité qui détruit l’égalité.

• Quel rôle jouent les unités de protection des femmes dans tout cela, et que faites-vous actuellement ?

Nous avons déjà œuvré dans ce sens, mais il est désormais nécessaire de redoubler d’efforts pour renforcer notre organisation et notre lutte. Notre combat au sein des Unités de Protection des Femmes ne se limite pas à l’intégration dans l’armée en tant que force officielle ou à l’obtention d’une reconnaissance formelle. Nous avons besoin d’une lutte sociale. La liberté et l’égalité ne peuvent être atteintes sans la participation des femmes. La liberté des hommes est elle-même indissociable de celle des femmes.

Des progrès ont été réalisés dans ce domaine, mais ils sont insuffisants ; il faut faire davantage. L’objectif principal est d’atteindre toutes les femmes. Nous devons mener un combat commun.

• Dans son dernier manifeste, le leader Abdullah Ocalan a qualifié la mentalité patriarcale de « tueur violet ». Selon vous, dans quelle mesure les femmes sont-elles conscientes de cette attaque idéologique ?

L’attaque du « tueur violet » se poursuit depuis des millénaires. Aujourd’hui, pourtant, l’accès au savoir, notamment à la connaissance de soi, est plus aisé. La société peut accéder à ces informations. Mais le système oppose une violente contre-attaque et empêche la société et les femmes de voir cette vérité. Il la déforme.

La violence est omniprésente au quotidien : publicités, émissions de télévision, documents écrits, médias, et même dans la rue. Les femmes ont été conditionnées à croire que c’est leur destin. Il faut briser ce schéma. Elles ont désormais compris qu’elles peuvent le surmonter grâce à la prise de conscience et au savoir.

Les femmes ont progressé dans une certaine mesure, mais cela reste insuffisant. Nombre de Syriennes avec lesquelles nous communiquons affirment ignorer l’existence de telles idées. Le système met tout en œuvre pour empêcher les femmes de voir et de comprendre la vérité. Pourtant, une femme informée peut transformer sa famille et son environnement.

• En Syrie, l’intégration des Forces démocratiques syriennes (FDS) fait l’objet de discussions. Quel rôle joueront les Unités de protection des femmes dans ce contexte, et organiserez-vous la participation des femmes syriennes ?

La question de l’intégration est toujours en discussion et n’a pas encore été clarifiée. Mais nous avons toujours affirmé que les femmes doivent s’organiser partout. Nous assumerons nos responsabilités où que nous soyons, et pas seulement en matière d’intégration.

Que l’intégration ait lieu ou non, l’autodéfense et l’organisation des femmes demeureront un objectif essentiel. C’est la raison d’être des Unités de protection des femmes. Il est indispensable de lutter pour changer la mentalité des « tueurs en uniforme », dans nos régions et dans toute la Syrie, afin de parvenir à la liberté et à l’égalité. (ANF)