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ROJAVA. La Turquie a transformé l’eau en une arme de guerre

SYRIE / ROJAVA – L’accès à l’eau est exploité pour exercer une pression sur les populations et détruire leurs moyens de subsistance, souligne une responsable kurde qui travaille sur un projet d’approvisionnement en eau potable à Hassaké. Elle exhorte la communauté internationale a y mettre fin.

La crise de l’eau potable continue de s’aggraver dans la région autonome du nord et de l’est de la Syrie. Les attaques contre les infrastructures hydrauliques, les blocages ciblés de rivières et le manque de contrôle des barrages et des puits dans la zone occupée par la Turquie privent de plus en plus de personnes d’accès à l’eau potable. La région autour de la ville de Hesekê, où l’on estime à un million le nombre de personnes vivant dans cette zone, est particulièrement touchée.

L’escalade de la situation a été au cœur du deuxième Forum de l’eau de Mésopotamie, qui s’est tenu le week-end dernier dans la métropole kurde d’Amed (Diyarbakır), au nord du pays. La militante Gulistan Issa, coordinatrice de l’organisation humanitaire italienne Un Ponte Per, qui travaille sur un important projet d’approvisionnement en eau potable à Hesekê en collaboration avec le gouvernement local et d’autres organisations humanitaires, a évoqué une « catastrophe humanitaire aux dimensions politiques ».

Débit d’eau interrompu, infrastructures ciblées

Les causes de la pénurie d’eau sont diverses, mais d’ordre politique : après des années de guerre civile et les ravages causés par Daech, qui ont détruit de nombreuses infrastructures, la Turquie a considérablement réduit le débit de l’Euphrate. Parallèlement, les stations de pompage et les canalisations d’eau sont la cible d’attaques répétées, notamment de milices djihadistes sous commandement turc.

« Autrefois, les fleuves nous approvisionnaient en eau ; aujourd’hui, l’eau ne vient ni du Tigre ni de l’Euphrate », explique Issa. Les sources alternatives, comme les puits, ne sont plus accessibles dans de nombreux endroits : « Ces ressources sont désormais largement contrôlées par des groupes armés. »

Conséquences : migration, maladie, soins d’urgence

L’impact sur la population civile est grave. À Hesekê, de nombreuses personnes vivent dans des conditions précaires, sans approvisionnement fiable en eau, depuis des années. Les structures municipales sont débordées et les solutions d’urgence, comme le transport par eau, sont souvent insuffisantes. « Nombreux sont ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter de l’eau potable », explique Issa. « Les gens boivent de l’eau contaminée, tombent malades et quittent leurs villages. » La pénurie d’eau est désormais considérée comme l’une des principales causes de déplacements internes dans la région.

Critique : Les droits humains sont délibérément bafoués

Issa souligne qu’il ne s’agit pas d’une catastrophe naturelle, mais d’un problème délibérément créé. « L’eau est un droit humain, mais aujourd’hui, elle est utilisée comme une arme contre la population. » L’accès à l’eau est exploité pour exercer une pression sur les populations et détruire leurs moyens de subsistance.

Demande : attention internationale et solution politique

Lors du forum, le militant a appelé la communauté internationale à cesser d’ignorer la crise. « Nous sommes ici pour sensibiliser le monde à notre situation. L’eau appartient à tous ; personne ne devrait être exclu. »

Parallèlement, il est clair que la crise de l’eau n’est plus un problème purement local, mais s’inscrit dans un conflit géopolitique. Une solution durable ne peut être trouvée qu’au niveau politique, a déclaré Issa. (ANF)