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SYRIE. Mazloum Abdi : Les FDS rejoindront l’armée syrienne

SYRIE / ROJAVA – Le commandant général des forces arabo-kurdes du Rojava, Mazloum Abdi a déclaré qu’ils allaient engager des pourparlers en vue de l’intégration de leurs leurs combattants à l’armée syrienne. 

Dans l’un des développements politiques et militaires les plus significatifs depuis la signature de l’accord du 10 mars, le commandant en chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), Mazloum Abdi, a annoncé vendredi soir que ses forces « feront partie de l’armée syrienne », signalant le début d’une nouvelle phase de négociations entre l’Administration autonome de la région du nord et de l’est de la Syrie (AANES) et le gouvernement syrien nouvellement formé, après des mois de tension et de manœuvres.

L’annonce a été faite lors d’une cérémonie officielle marquant le 10e anniversaire de la fondation des FDS, où Abdi a déclaré : « Notre comité militaire se rendra bientôt à Damas pour discuter de l’intégration des FDS. » Il a ajouté : « Dans le cadre de cette coordination, nous continuerons de lutter contre Daech sur tout le territoire syrien. »

Les observateurs ont décrit les remarques d’Abdi comme la déclaration la plus claire depuis le début des contacts ouverts entre les deux parties, reflétant un changement progressif dans l’approche des deux parties quant à l’avenir des relations entre les FDS et l’armée syrienne, en particulier dans un contexte d’évolution politique et sur le terrain dans le pays.

La déclaration d’Abdi a coïncidé avec une initiative officielle syrienne notable. Mardi, le ministre syrien de la Défense, Marhaf Abu Qasra, a annoncé un cessez-le-feu et l’arrêt immédiat des hostilités le long de toutes les lignes de contact entre l’armée syrienne et les FDS dans les régions du nord et du nord-est de la Syrie – un accord que les forces gouvernementales syriennes ont violé avant même que l’encre ne sèche.

L’annonce est intervenue peu de temps après une réunion entre Abou Qasra et Abdi à Daramsuq, dans le cadre d’une série de séances intensives organisées par les comités conjoints de coordination des deux parties depuis la signature de l’accord du 10 mars entre le président syrien Ahmad al-Sharaa et Mazloum Abdi, en présence de hautes personnalités militaires et politiques des deux côtés, dont le ministre syrien des Affaires étrangères Asaad al-Shaybani.

L’accord, considéré comme un tournant dans les relations entre Daramsuq et la AANES, prévoyait l’intégration des institutions civiles et militaires du nord et de l’est de la Syrie à la structure de l’État syrien, tout en garantissant des droits constitutionnels aux seuls Kurdes, excluant les autres peuples syriens comme les Syriaques (Chaldéens, Assyriens et Araméens) et omettant des dispositions claires sur le retour des personnes déplacées et la participation de tous les Syriens au processus de transition, que le président al-Sharaa avait fixé à cinq ans. L’accord réaffirmait également le rejet des plans de partage et l’engagement à combattre ce qu’al-Sharaa appelait les « vestiges de l’ancien régime » et les « organisations terroristes ».

Après l’accord de mars, les négociations entre les deux parties ont débuté publiquement pour la première fois. Cependant, de profonds désaccords sont rapidement apparus, notamment sur deux points clés.

Le statut des FDS Le AANES a insisté pour que les FDS conservent leur caractère militaire distinct au sein de l’armée syrienne, semblable aux forces Peshmergas dans la structure fédérale irakienne, un arrangement fermement rejeté par Daramsuq (Damas), qui exigeait une intégration complète sous un commandement centralisé unique.

La forme de gouvernance AANES a appelé à un système décentralisé accordant aux régions de larges pouvoirs administratifs, tandis que le gouvernement syrien continue de maintenir une politique stricte de centralisation.

Ces différends ont bloqué les cycles de négociations précédents, malgré les canaux de communication en cours, d’autant plus que les pressions régionales et internationales des deux côtés se sont intensifiées pour parvenir à un accord national avant qu’un règlement politique plus large ne prenne forme.

Le moment choisi par Abdi pour cette annonce – à l’occasion du 10e anniversaire de la fondation des FDS – était porteur d’une forte symbolique pour les forces qui ont émergé au milieu du chaos du conflit syrien en 2015 et ont ensuite évolué vers une alliance multiethnique, parmi lesquelles le Conseil militaire syriaque, qui a joué un rôle de premier plan dans la défaite de l’organisation terroriste DAECH avec le soutien de la Coalition mondiale dirigée par les États-Unis.

Au cours de la dernière décennie, les FDS sont devenues la puissance militaire dominante dans le nord et l’est de la Syrie, devenant une force d’équilibrage cruciale sur le terrain qui ne peut être ignorée dans aucun règlement futur, que ce soit par Daramsuq (Damas) ou par les acteurs régionaux et internationaux.

Cette ouverture mutuelle renouvelée intervient alors que la Syrie connaît depuis le début de l’année de profondes transformations politiques, marquées par un remaniement de l’influence régionale, une relative désescalade des confrontations directes et l’ouverture de canaux de négociation entre Daramsuq (Damas) et plusieurs acteurs locaux et internationaux.

Les analystes estiment que la visite prévue du comité militaire des FDS dans la capitale syrienne représente le début d’une phase de négociations plus pratique et clairement définie que les cycles précédents, d’autant plus que les deux parties ont compris que l’usure militaire et politique ne peut pas continuer indéfiniment.

Pendant ce temps, les puissances régionales, principalement la Turquie, observent ce rapprochement avec prudence, considérant toute intégration potentielle entre les FDS et l’armée syrienne comme un possible changement dans l’équilibre des pouvoirs dans le nord de la Syrie, en particulier dans les zones frontalières.

Les semaines à venir constitueront un véritable test pour évaluer la volonté du gouvernement syrien de parvenir à un cadre consensuel garantissant une intégration organisée des FDS dans l’armée syrienne tout en préservant une partie de leur spécificité organisationnelle et politique.

Dans un pays épuisé par la guerre et la division, ce processus – s’il réussit – pourrait représenter un tournant vers la reconstruction d’une institution militaire syrienne unifiée, capable d’accueillir diverses composantes et de mettre fin à la fragmentation militaire qui a défini le paysage syrien au cours de la dernière décennie.

Renforçant l’engagement continu de Washington dans le dossier syrien, le Sénat américain a adopté le National Defense Authorization Act (NDAA) pour l’exercice 2026, qui comprend une disposition claire allouant 130 millions de dollars pour soutenir les FDS et l’Armée syrienne libre, dans le cadre de sa stratégie de lutte contre le terrorisme et de renforcement de la stabilité dans le nord et l’est de la Syrie.

La législation, d’une valeur totale de 925 milliards de dollars, a reçu un large soutien au Sénat, adoptée avec 77 voix pour et 20 contre, reflétant un consensus politique rare au milieu des divisions internes aux États-Unis sur l’importance de maintenir des partenariats avec les forces locales qui ont combattu l’EI au cours de la dernière décennie.

Depuis leur engagement militaire en Syrie en 2014, les États-Unis comptent principalement sur les FDS, leur partenaire de confiance sur le terrain dans la lutte contre Daech. Malgré les changements d’administration américaine – d’Obama à Trump, puis Biden, et enfin Trump –, la relation avec les FDS est restée fondamentalement stable, même si la portée politique de l’engagement a fluctué.

Selon le texte de loi, les fonds serviront à couvrir les salaires, la formation, l’équipement et le soutien logistique des forces partenaires dans le cadre du programme antiterroriste du Département de la Défense américain. Ce soutien financier indique que Washington n’envisage pas un retrait immédiat ni un abandon de son partenariat à court terme, malgré un désintérêt général pour le dossier syrien aux États-Unis.

Les observateurs soulignent que l’obtention de ce financement envoie un message clair à de nombreux acteurs régionaux et internationaux. D’une part, elle réaffirme l’engagement continu de Washington à soutenir ses alliés locaux, d’autant plus que de plus en plus d’indices laissent présager la formation de nouveaux accords politiques et militaires entre Daramsuq et les FDS sous l’égide de la Russie.

D’autre part, le soutien américain agit comme un contrepoids aux efforts constants d’Ankara pour exercer une pression sur l’AANES, tant sur le plan militaire que politique. Il envoie également un signal indirect à Téhéran, Moscou et Ankara : Washington demeure un acteur présent sur la scène syrienne, même s’il ne domine plus la scène comme autrefois.

Sur le terrain, les FDS, avec le soutien de la coalition internationale, continuent de sécuriser de vastes zones à travers Dayro Zcuro (Deir ez-Zor), Raqqa et Hasakah, en se concentrant sur la poursuite des cellules dormantes de l’EI et en maintenant la stabilité locale grâce à la coordination avec l’AANES.

Bien que ce financement n’implique pas nécessairement un engagement militaire américain à long terme, il indique clairement que Washington considère toujours le nord et l’est de la Syrie comme un espace stratégique qui ne peut être laissé vacant.