TURQUIE / KURDISTAN – Un civil kurde a été condamné à 10 mois de prison pour avoir qualifié de « martyrs » Nazim Daşdan et Cihan Bilgi, journalistes tués par un drone turc au Rojava / Syrie du Nord et d’Est. Il est accusé d’avoir fait de la « propagande en faveur d’une organisation terroriste ».
Mithat Yılmaz, qui a assisté à la cérémonie de condoléances pour les journalistes Nazim Daşdan et Cihan Bilgin, qui ont été directement ciblés et tués par la Turquie avec un drone, et a scandé le slogan « Şehid Namirin » (le slogan kurde signifiant « Les martyrs sont immortels »), a été condamné à 10 mois de prison.
Mithat Yılmaz, qui a assisté à la cérémonie de condoléances pour les journalistes Nazim Daşdan et Cihan Bilgin, assassinés par un drone de la Turquie le 19 décembre 2024, alors qu’ils couvraient les événements du barrage de Tişrin, dans le nord et l’est de la Syrie, et scandé le slogan « Şehid Namirin », a été condamné à dix mois de prison. Un acte d’accusation a été dressé contre Mithat Yılmaz, ancien responsable provincial du Parti des régions démocratiques (DBP) à Mêrdîn, qui figurait parmi les personnes présentes à la cérémonie de condoléances, organisée dans le district de Mîdyad (Midyat) de Mêrdîn et visitée par des milliers de personnes pendant trois jours, pour « propagande en faveur d’une organisation terroriste ». L’acte d’accusation a utilisé les termes « membre d’une organisation terroriste séparatiste » pour les journalistes assassinés et « soi-disant condoléances » pour les condoléances.
L’acte d’accusation, qui interprétait la possession de photographies de journalistes comme étant des « membres de l’organisation PKK/KCK-PYD/YPG », précisait que le slogan « Şehid Namirin » avait été scandé contre Nazim Daştan et Cihan Bilgin, décrits comme « membres de l’organisation », et que Yılmaz avait également scandé ce slogan. L’acte d’accusation, qui estimait que Yılmaz avait « tenu des déclarations qualifiant des membres de l’organisation de martyrs lors d’une cérémonie de condoléances organisée en hommage aux membres de l’organisation tués (…) », citait la décision de la Cour d’appel, arguant que le slogan scandé « faisait l’éloge des membres de l’organisation [terroriste] » et constituait de la « propagande en sa faveur ».
Une plainte a été déposée contre Mithat Yılmaz, ancien administrateur provincial du Parti des régions démocratiques (DBP) à Mardin, en raison d’un slogan scandé lors d’une visite de condoléances à la mémoire des deux journalistes, à laquelle ont participé des milliers de personnes dans le district de Midyat. Yılmaz a été accusé de « diffusion de propagande en faveur d’une organisation illégale », à savoir le PKK.
L’acte d’accusation utilise les termes « membre de l’organisation » pour les journalistes et « soi-disant condoléances » pour les visites de condoléances.
Lors de l’audience qui s’est tenue mardi au 3e tribunal pénal de Mardin, Yılmaz n’était pas présent et était représenté par son avocat, Ferhat İbrahimoğlu.
L’avocat a rappelé que les journalistes avaient été tués par une attaque de drone alors qu’ils exerçaient leur profession dans le nord-est de la Syrie. Il a souligné qu’aucune décision de justice définitive n’avait été rendue concernant les journalistes assassinés et a demandé l’acquittement de son client.
Malgré la défense, le tribunal a condamné Yılmaz à dix mois de prison. La peine a été suspendue et le prononcé du jugement a été différé.
Arrière-plan
Alors que les familles des deux journalistes ont tenté à plusieurs reprises de récupérer leurs corps et de les enterrer dans leurs villes natales du Kurdistan du Nord, le gouvernement AKP-MHP a refusé d’autoriser le rapatriement de leurs restes.
Initialement, il avait été annoncé que les corps des deux journalistes seraient transférés de Qamishlo au district de Nusaybin, à Mardin, pour être remis à leurs familles. À leur arrivée à la frontière de Qamishlo, ces dernières ont été informées que les corps ne leur seraient pas remis. On leur a ensuite indiqué que les dépouilles seraient transférées du Rojava au Kurdistan du Sud (nord de l’Irak) via le poste-frontière de Sêmalka.
À la lumière des informations qui leur ont été fournies, une délégation, comprenant les familles de Daştan et de Bilgin, a pris des mesures pour traverser vers le Kurdistan du Sud via le poste frontière de Habur dans le district de Silopi à Şırnak.
Lorsque leur passage a été bloqué par les autorités turques, la délégation a entamé un sit-in de protestation. Malgré deux jours de manifestations, le gouvernement AKP-MHP a refusé le passage de la délégation pour récupérer les corps. Face à cette situation, les familles ont décidé que Nazim Daştan et Cihan Bilgin seraient inhumés à Qamishlo.
Les deux journalistes ont été inhumés au cimetière des martyrs Şehîd Delîl Saroxan à Qamishlo le 11 janvier.