SYRIE – Le directeur exécutif de l’association Syrians for Truth and Justice, Bassam Al-Ahmad, a déclaré que les massacres ciblant les Alaouites de la région côtière et à Soueïda n’étaient pas des « excès individuels » mais le résultat d’une « coordination au plus haut niveau », rapporte l’agence kurde ANHA.
« La justice en Syrie est confrontée à un dilemme fondamental. Un gouvernement accusé d’avoir commis des massacres peut-il réellement se demander des comptes ? Est-il logique d’attendre d’un gouvernement impliqué dans de tels crimes qu’il soit l’autorité chargée de veiller à la justice ? » (Bassam Al-Ahmad)
Depuis la chute du régime autoritaire le 8 décembre 2024, et surtout après la formation d’un gouvernement de transition début 2025, des violences ont éclaté dans les zones sous son contrôle, notamment dans les provinces côtières de Lattaquié et de Tartous, à Hama, ainsi qu’à Soueïda et dans ses environs. Des groupes de défense des droits de l’homme et des observateurs locaux ont documenté des massacres généralisés et des assassinats de civils. Ce rapport met en lumière ces événements et leurs implications actuelles.
Entre le 6 et le 9 mars, des massacres ont ravagé les zones côtières syriennes. Des vidéos ont montré des membres des forces gouvernementales de transition et des milices alliées se livrant à des exécutions, des pillages, des mutilations de corps et abandonnant des dépouilles devant les habitations des victimes. Des maisons entières ont été incendiées et des biens civils volés.
Plus de 1 479 personnes ont été tuées, en majorité des Alaouites, selon plusieurs organisations de défense des droits de l’homme. Parmi les décès recensés, on compte 872 à Lattaquié, 525 à Tartous et 272 à Hama. L’Observatoire syrien des droits de l’homme a indiqué que le nombre total de victimes civiles identifiées s’élevait à 1 682 entre le 6 mars et le 28 avril.
Au moins 1 200 personnes ont été arrêtées sans mandat ni procédure légale, sans aucune information sur leur lieu de détention.
Des atrocités similaires ont été commises à Sweida et dans sa campagne, dans le sud de la Syrie, à partir du 13 juillet, lorsque les forces des ministères de la Défense et de l’Intérieur du gouvernement de transition ont lancé des attaques. De violents affrontements ont éclaté dans la ville et ses environs, accompagnés de tirs d’artillerie et de barrages routiers.
Les violences ont fait plus de 2 048 morts, dont 1 592 à Soueida, dont 817 civils druzes exécutés sommairement. Au moins 20 membres du personnel médical de l’hôpital national de Soueida ont également été tués. Le nombre de Druzes disparus ou enlevés s’est élevé à 516, dont 103 femmes.
Dans un rapport conjoint publié le 23 septembre, Human Rights Watch, Syrians for Truth and Justice et Syrian Archive ont constaté que les violations se sont répandues dans au moins 24 villes, villages et quartiers, notamment Homs, la zone rurale de Hama et Sweida.
Le rapport s’appuie sur plus de 100 entretiens avec des victimes, des témoins, des acteurs armés et des journalistes, ainsi que sur des preuves audiovisuelles et des images satellite vérifiées. Les exactions documentées incluent des exécutions arbitraires, des perquisitions domiciliaires, des incendies criminels, des pillages et des attaques ciblées basées sur l’identité.
Les groupes de défense des droits humains ont souligné que le ministère de la Défense du gouvernement de transition avait joué un rôle central dans la mobilisation et le déploiement de dizaines de milliers de combattants dans les zones d’opérations conjointes. Les chefs militaires, ont-ils noté, ont continué de coordonner les déploiements même après avoir eu connaissance des massacres.
S’adressant à l’agence ANHA, Bassam Al-Ahmad a réaffirmé que les atrocités commises dans la région côtière, à Soueïda, et ailleurs sont la responsabilité directe du gouvernement de transition syrien.
Bassam Al-Ahmad a souligné qu’il ne s’agit pas simplement de quelques combattants désobéissant aux ordres : les atrocités sont le résultat d’une coordination au plus haut niveau, faisant du gouvernement de transition un partenaire principal dans les violations et les massacres.
Al-Ahmad a ajouté : « La justice en Syrie est confrontée à un dilemme fondamental. Un gouvernement accusé d’avoir commis des massacres peut-il réellement se demander des comptes ? Est-il logique d’attendre d’un gouvernement impliqué dans de tels crimes qu’il soit l’autorité chargée de veiller à la justice ? »
Il a souligné la nécessité de consulter les familles des victimes pour définir les voies vers la justice, que ce soit en poursuivant les dirigeants militaires et civils impliqués, ou en faisant appel à des commissions internationales et à des tribunaux spécialisés.
S’exprimant sur le rapport publié par Human Rights Watch, Syrians for Truth and Justice et les Archives syriennes, Al-Ahmad a expliqué que les violations généralisées s’inscrivaient dans le cadre d’une opération militaire coordonnée. Il a ajouté que la responsabilité incombait aux dirigeants civils et militaires.
En conclusion, le directeur exécutif de Syrians for Truth and Justice a souligné que les massacres n’étaient pas le résultat de combattants voyous ou de violations isolées des ordres, mais plutôt le résultat d’une coordination organisée de haut niveau, plaçant le gouvernement syrien de transition directement responsable des crimes. (ANHA)