TURQUIE / KURDISTAN – Dans la ville kurde de Van, où Rojin Kabaiş est morte dans des circonstances suspectes, la population veut qu’il y aie une enquête approfondie pour lever le voile entourant la mort de la jeune femme. Ceux qui ne croient pas à la thèse du suicide craignent d’assister à d’avantage de meurtre de femmes, enfants et jeunes dans les régions kurdes où les criminels sont accusés de jouir de l’impunité.
Rojin Kabaiş, étudiante en première année à l’université Van Yüzüncü Yıl, a quitté son foyer d’étudiants après le dîner le soir du 27 septembre. Le 28 septembre, vers midi, ses amies du foyer ont prévenu la police qui a retrouvé son téléphone portable, ses écouteurs, le cake et la bouteille d’eau au bord du lac. Le 16 octobre, un riverain a découvert le corps de Kabaiş dans la localité de Mollakasım, à environ 24 kilomètres de la rive de l’Université Van Yüzüncü Yıl.
Depuis un an, l’affaire n’a pas progressé. La famille de Rojin, les défenseurs des droits humains et les organisations juridiques poursuivent leurs efforts pour faire la lumière sur cette mort qualifié de « meurtre déguisé en suicide ».
« C’est un meurtre, pas un suicide »
L’agence Mezopotamya a interrogé les habitants de Van au sujet de la mort suspecte de Rojin et du manque d’avancée dans le dossier. Sema Nur Gülce, soulignant la nécessité d’éclaircissements, a déclaré : « Je ne me sens plus en sécurité. Je ne suis pas la seule ; beaucoup de femmes comme moi ne le sont pas. Femmes, enfants ou hommes, nous pouvons tous mourir à tout moment. Dans presque toutes les villes, de nombreuses femmes perdent la vie ou sont assassinées dans des circonstances suspectes. Pourtant, aucune mesure n’a été prise. Rojin Kabaiş a été assassinée juste à côté de nous. Ce n’était pas un suicide ; c’était un meurtre caché. Il faut agir maintenant. »
Soulignant la nécessité pour l’ensemble de la société de dénoncer le féminicide et la violence, Sema Nur Gülce a déclaré : « Pourquoi tout le monde reste-t-il silencieux là où personne ne se sent en sécurité ? Nous en sommes arrivés au point où nous ne pouvons même plus sortir. Nous avons peur et sommes anxieux, même à l’école. Rojin Kabaiş ne s’est pas suicidée, elle ne s’est pas noyée. Des meurtriers rôdent parmi nous. Combien d’entre nous devront mourir pour que ces massacres cessent ? (…) »
Il faut des peines dissuasives
Fatma Deniz a déclaré : « Les femmes ne devraient plus mourir. Les meurtres de femmes doivent cesser immédiatement. Nous voulons que la mort de Rojin soit tiré au claire. Nous n’avons aucune sécurité de vie, et en Turquie, nous sommes constamment confrontés à la mort d’une femme. Elle est assassinée par son mari, dans la rue ou par son ami. Des enfants sont assassinés (…). Les femmes doivent être protégées par la loi. Les peines prononcées doivent être dissuasives. Les meurtriers ne devraient pas se promener librement parmi nous. Nous ne sommes pas en sécurité. La réduction des peines pour « bonne conduite » doit être abolie. Les meurtriers ne devraient pas être jugés sur la cravate qu’ils portent. »
Nous voulons vivre
Tant que les criminels seront protégés, il y aura d’autres meurtres
Abdullah Karadoğan, déclarant être contre la violence et les massacres, a déclaré : « Il y a une grande violence et des massacres contre les femmes. Rojin Kabaiş, comme tout jeune, est arrivée dans cette école avec le rêve d’étudier. La mort de Rojin est un meurtre. Nous voulons que cette affaire soit close maintenant. Que la justice et le droit prévalent, et que les coupables ne soient pas protégés. Tant que ces coupables seront protégés, les morts continueront. Nous aussi, nous doutons de notre propre vie. Le meurtrier est peut-être parmi nous en ce moment même. Comme pour tout féminicide, nous soutenons la famille de Rojin dans son affaire. Nous suivrons cette affaire de près. »