SYRIE / ROJAVA – Les Syriens, principalement les Kurdes, accusent l’envoyé américain en Syrie, Thomas Barrack d’avoir outrepassé son rôle d’émissaire neutre. Ils le considèrent comme « complice et partial », servant les intérêts régionaux [notamment de la Turquie] au détriment des ententes internes syriennes.
Des militants syriens et des observateurs de la situation syrienne ont condamné les récentes déclarations de Thomas Barrack, l’Ambassadeur des États-Unis en Turquie et envoyé spécial du président américain Donald Trump en Syrie. Ce dernier affirme que le fédéralisme est impossible en Syrie, que le nord-est de la Syrie tarde à négocier avec le gouvernement de transition et que les Forces démocratiques syriennes n’ont qu’une seule voie : Damas. Ils estiment que ces déclarations outrepassent le rôle de médiateur neutre de l’envoyé et le placent dans une position partiale, voire complice, au détriment des efforts de rapprochement et de consensus entre les Syriens.
Dans ce contexte, Rami Abdul Rahman, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, a déclaré : « L’expérience de Paul Bremer est irréprochable en Syrie. Si vous êtes véritablement attaché à la stabilité et à l’unité du pays, votre rôle doit être celui d’un médiateur honnête, et non celui d’un acteur faisant obstacle aux accords entre Syriens. »
S’adressant à l’envoyé américain, il a ajouté : « Les choses évoluaient vers une véritable entente, jusqu’à vos récentes déclarations, qui ont brouillé la situation et nous ont peut-être ramenés à la première étape. »
De son côté, l’écrivain et analyste kurde Shorsh Darwish estime que la déclaration de Barak n’est pas nouvelle, mais plutôt une réitération de ce que les Kurdes eux-mêmes disent depuis des décennies, concernant l’idée que la solution à la question kurde passe par Damas.
Darwish a déclaré : « Les propos de Tom Barrack sont évidents pour les Kurdes de Syrie, qui affirment depuis les années 1950 que leur problème serait résolu à Damas et avec Damas. Mais imaginons un homme d’apparence digne et sage émettant une fatwa sur la politique américaine et déclarant : les élections sont la seule option pour les Américains pour choisir leur président ! »
En réponse directe, l’analyste politique et ancien conseiller américain, Walid Phares, a tweeté : « Le fédéralisme fonctionne en Amérique, au Canada, en Suisse, en Belgique, en Irak et aux Émirats… et il fonctionnera également en Syrie et au Liban. »
L’activiste Delbarin Kobani a posé une question pertinente : « Un envoyé américain ? Ou un porte-parole de l’occupation turque ? » Il a souligné que les déclarations de Barrack contre le projet fédéral dans le nord et l’est de la Syrie « ne reflètent rien d’autre qu’une mentalité coloniale malsaine ».
Il a poursuivi : « Monsieur l’Envoyé, les peuples de la région ont décidé de leur sort de leur plein gré. Ils n’ont besoin ni de l’autorisation de votre ambassade ni du visa de votre ministère. Le fédéralisme est un projet né du sang et du sacrifice, et non un accord négocié par des voies diplomatiques corrompues. »
Dans le même contexte, l’activiste de la société civile Kabar Judy a détaillé les positions de Barak, écrivant : « Non, Thomas Barak ne montre aucun amour sincère pour la cause kurde ou les FDS. Au contraire, ses positions indiquent un rejet du fédéralisme kurde, une volonté d’intégration forcée et une adoption d’une vision turque : du fait qu’il est également ambassadeur en Turquie, il s’efforce de plaire à Ankara au détriment de la cause kurde, ignorant les sacrifices des FDS. »
Elle a poursuivi : « Barak ne soutient pas un avenir politique indépendant pour les Kurdes en Syrie, et ne reconnaît pas les Forces démocratiques syriennes comme une force indépendante légitime. Ses actions servent les intérêts du gouvernement de transition et de la Turquie, et contredisent les aspirations d’un peuple qui a fait des sacrifices pour protéger son territoire et construire son projet politique. »
Ainsi, les observateurs estiment que l’envoyé américain a outrepassé son rôle supposé de pont de dialogue entre les Syriens, devenant davantage un « entrepreneur politique », redessinant la carte du conflit pour servir les intérêts régionaux, et non les intérêts d’un peuple las de la guerre qui cherche à construire une paix stable qui garantisse ses droits et son identité. (ANHA)