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SYRIE. Du nouveau sur le front kurde

PARIS – Le journaliste Chris den Hond, qui se dit optimiste pour l’avenir du Rojava et pour les Kurdes en Syrie, nous donne quatre « bonnes nouvelles » concernant les Kurdes syriens. Nous les partageons avec vous ci-dessous.
 
 
En manque de bonnes nouvelles? Voici quatre :
 
1. Il y a un cessez-le-feu entre la Turquie et les Forces démocratiques syriennes [FDS] autour de Kobané. Ce qui permet la réparation du barrage de Tishrin, depuis la chute d’Assad, bombardé tous les jours par de drones et F-16 turcs.

La Turquie avait voulu que ces milices avancent vers l’est de l’Euphrate pour encercler Kobanê et pour contrôler le barrage qui fournit de l’électricité et de l’eau pour une partie importante dans la région de Raqqa. Grâce à la résistance des FDS, les milices pro-turques n’ont pas pu prendre une seule centimètre et mieux encore, ils sont en train de reculer.
 
2. Les forces kurdes YPG-YPJ se sont retirées de deux quartiers d’Alep à majorité kurde (Cheikh Maksoud et Ashrafiye). La sécurité des habitants sera assurée par les Asayishs, une police kurde, qui va se coordonner avec Damas. Ceci implique une de facto reconnaissance par les autorités de Damas de la police kurde dans ces quartiers d’Alep. Le retrait s’est fait pour permettre un échange de prisonniers entre HTS et les FDS, tout en garantissant la sécurité des habitants kurdes d’Alep. Une situation de gagnant-gagnant.
 
3. La plus spectaculaire avancée sur le terrain est le retour des déplacés internes d’Afrin et de Tal Abyad – Serekeniye et le retrait des milices syriennes pro-turcs. Ces milices syriennes pro-turques équipées et payées par la Turquie ont une réputation de voleurs, violeurs et pilleurs de la région qu’ils occupent. Selon l’accord entre les autorités de Damas et les FDS, ces milices devront et sont en train de se retirer de la province d’Afrin et bientôt aussi de la bande entre Tal Abyad et Serekeniye. 7 000 des 300 000 Kurdes chassés d’Afrin lors de l’invasion turque de mars 2018 sont revenus sur leurs terres. 250 000 autres attendent également leur retour.

Un commandant des YPG nous avait déjà dit en 2019 que, si on impose un no fly zone à la Turquie, les Forces démocratiques syriennes (FDS), chasseraient ces milices en trois semaines. Les FDS sont une alliance entre Kurdes, Arabes et Syriaques, qui ont obtenu une autonomie politique et militaire dans le nord et l’est de la Syrie. Aujourd’hui c’est encore mieux : la Turquie et ses milices de « bandits » comme on les appelle là-bas vont devoir quitter ces zones pendant que les habitants originaux vont revenir. La sécurité d’Afrin et après de la zone Tal Abyad-Serekeniye sera de nouveau assurée par les Asayish, une police kurde, en coordination avec Damas. Par contre, la province d’Afrin n’est pas encore sécurisé, il y a des milices pro-turques qui traînent et qui continuent à terroriser la population. La mise en place des Asayish, la police kurde, devrait se faire rapidement, pour que le retour et la réinstallation des déplacés internes se fasse sans exactions. Il n’est pas encore clair quelle force va sécuriser Tal Abyad-Serekeniye, mais cette force devrait se coordonner avec l’administration autonome du nord et l’est de la Syrie. Une conséquence secondaire mais primordiale d’un retrait des milices pro-turques de Serekeniye devrait être que le station de pompage contrôlé par ces milices et dont la région de Hasaké dépend, devrait de nouveau fonctionner. Depuis l’occupation de 2019 ce station de pompage était manipulé par ces milices qui détournaient l’eau, mettant la région de Hasaké en grandes difficultés.

 
4. Le ministre de l’éducation nationale est Kurde. Il ne représente pas les Kurdes, ni l’Administration autonome, mais il était vice-recteur de l’université de Damas sous le régime Assad. Il vient de décider (c’est pas encore 100% officiel) que les diplômes, obtenus par les élèves dans les universités du Nord et l’Est de la Syrie (Qamishli, Raqqa, Kobanê, jusqu’ici reconnus par personne) seront reconnus par les autorités de Damas. C’est très important pour les élèves, puisque jusqu’à aujourd’hui, les élèves qui terminaient leurs études aux universités du Rojava ne pouvaient pas continuer, ou devaient parallèlement terminer un cours officiel avec le régime de Damas.
 
La raison de ces avancées? Ahmad Al Chara est sorti très affaibli des massacres des alaouites et a besoin d’une Syrie pacifiée. Il ne veut pas non plus être le simple exécuteur des ordres d’Ankara, même si la Turquie garde une influence (trop) importante dans la mise en place de la nouvelle Syrie. Les Druzes et les alaouites regardent avec beaucoup d’intérêt ces évolutions, puisqu’ils ont envie de conclure le même type d’accords pour arriver vraiment à une Syrie « inclusive ». Le fait que les Forces démocratiques syriennes FDS et l’Administration autonome ont acquis, en dix ans, une expertise politique et militaire et qu’ils sont très déterminés à ne rien abandonner de leurs acquis, notamment en matière de démocratie et de droits des femmes, joue certainement en faveur de cet accord entre FDS/AANES [Administration autonome de la Syrie du Nord-Est] et les nouvelles autorités de Damas.
 
Voilà. Bientôt d’autres bonnes nouvelles, Inch’Allah…
 
Chris den Hond, 10 avril 2025