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« La liberté des peuples en Syrie dépend de l’égalité de statut devant la loi »

SYRIE – « En Syrie, la force et le statut ne peuvent être acquis que par la coopération entre tous les groupes ethniques, religions et confessions. Les Alaouites luttent pour être reconnus comme une identité distincte, tandis que les Druzes cherchent à obtenir l’autonomie au sein d’une union fédérale. Les Kurdes, qui ont une base solide, continuent de réclamer une représentation aux niveaux régional et international », écrit le journaliste Suphi Aksoy dans l’article suivant dans lequel il rappelle que « La liberté des peuples en Syrie dépend de l’égalité de statut devant la loi ». 

La liberté des peuples en Syrie dépend de l’égalité de statut devant la loi

Avec l’effondrement de la dictature baasiste en Syrie, la confusion qui a suivi dans la mise en place d’un nouveau système politique a ouvert la voie au chaos. Al-Qaïda, une variante des mouvements islamistes du Moyen-Orient, a facilité la montée en puissance des organisations affiliées à l’État islamique (EI) à Daramsuq (Damas) en se rassemblant sous la bannière de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), se déguisant sous une nouvelle apparence. À partir de ce moment, il est irréaliste d’attendre justice et démocratie de la part des organisations djihadistes qui tentent de se rebaptiser pour être acceptées dans le monde entier. Pour que les droits et l’État de droit prévalent, il est essentiel d’adopter comme fondement les principes internationaux contemporains, chaque nation affirmant sa volonté par l’unité. Les groupes nationaux et sociaux qui n’agissent pas à l’unisson risquent d’être exclus du nouveau système, car l’histoire nous enseigne de précieuses leçons des transformations sociales passées.

Après l’effondrement de l’Empire ottoman après la Première Guerre mondiale, le Moyen-Orient a connu une restructuration importante, en grande partie façonnée par le traité de Lausanne. Les peuples syriaque (araméen-assyrien-chaldéen) et kurde, non représentés et divisés lors de la conférence, ont été exclus du nouvel ordre. Des personnalités comme Agha Petros, Mor Ephrem Barsoum et Surma Khanum ont dû faire face à des difficultés car leurs voix n’étaient pas suffisamment entendues à Londres, Paris et Lausanne. Ce manque de représentation a persisté pendant des générations, entraînant d’immenses pertes. Dans le même temps, les représentants kurdes, dont Hassan Khairy, ont affirmé que la délégation turque à Lausanne représentait également les intérêts kurdes. En cédant leur pouvoir à leurs dirigeants, les Kurdes ont subi de graves dévastations sans obtenir aucun statut.

En 2003, lorsque la dictature de Saddam Hussein s’est effondrée en Irak, les Kurdes, ayant tiré les leçons de Lausanne, ont défendu leurs droits en s’unissant. En revanche, les Syriaques (Araméens, Assyriens et Chaldéens), qui se sont comportés en groupes fragmentés, ont été inclus dans la nouvelle constitution irakienne en tant que deux ethnies distinctes – Assyrien et Chaldéen. Cette division a été inscrite dans la constitution, officialisant leur manque de statut politique nécessaire à l’autonomie. L’absence de soutien international a encore affaibli leur lutte pour l’autonomie, érodant la confiance de la population et laissant la communauté sans défense. Sans institutionnalisation de leur volonté nationale, de leurs valeurs historiques et de leurs droits, les Syriaques (Araméens, Assyriens et Chaldéens) sont devenus de plus en plus vulnérables, avec des migrations à grande échelle réduisant progressivement leur population dans la région.

La guerre civile en Syrie et les interventions internationales visant à renverser le régime Assad ont abouti à la fuite de Bachar el-Assad et à l’effondrement de l’État le 8 décembre 2024. Au cours de cette période, les factions de l’opposition sont tombées sous l’influence de diverses puissances internationales, ce qui a aggravé les conflits internes et a aggravé la situation. Les peuples syriaque (Araméen-Assyrien-Chaldéen) et kurde, isolés plutôt qu’unis, n’ont pas réussi à se rallier autour de leurs identités nationales. Les divisions au sein de la communauté syriaque (Araméen-Assyrien-Chaldéen) – divisée entre le régime et l’opposition – les ont empêchés de présenter une voix unifiée sur la scène internationale. Les institutions patriarcales, fragmentées par des différences confessionnelles, ont affaibli leur impact collectif. L’absence d’un programme national unifié a encore alimenté la confusion, laissant une impression négative sur l’opinion publique.

Le Parti de l’Union syriaque (SUP) a participé à la création de l’Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie (AANES), tandis que l’Organisation démocratique assyrienne (ADO) a rejoint la Coalition nationale des forces révolutionnaires et d’opposition syriennes (SNRC). Pendant ce temps, le Parti démocratique assyrien (ADP) est resté neutre avant de s’aligner sur la AANES. Cette multiplicité de dirigeants a non seulement fait perdre un temps précieux, mais a également créé la confusion en raison de messages contradictoires.

Alors qu’une nouvelle ère s’ouvre après le 8 décembre 2024, il est essentiel que toutes les institutions – y compris les hiérarchies ecclésiastiques, les organisations non gouvernementales, les intellectuels et les leaders d’opinion – s’unissent sous un programme national cohérent pour garantir un statut politique. Alors que de nombreux partis et institutions kurdes sont affiliés au AANES, d’autres s’alignent sur le SNRC et le Conseil national kurde (KNC), certains se positionnant comme une force tierce. Cette division interne favorise les accusations mutuelles et les rend vulnérables aux manipulations extérieures. La lutte de pouvoir en cours entre les factions alignées sur le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et le Parti démocratique du Kurdistan (KDP) met en péril le statut national potentiel des Kurdes.

En Syrie, la force et le statut ne peuvent être acquis que par la coopération entre tous les groupes ethniques, religions et confessions. Les Alaouites luttent pour être reconnus comme une identité distincte, tandis que les Druzes cherchent à obtenir l’autonomie au sein d’une union fédérale. Les Kurdes, qui ont une base solide, continuent de réclamer une représentation aux niveaux régional et international. Cependant, l’unité et les revendications politiques des peuples syriaques (araméen-assyrien-chaldéen) restent sous-développées. Il est impératif de combler le fossé entre les dirigeants de l’Église et les organisations politiques pour remédier à ces lacunes.

L’avenir des communautés chrétiennes de Syrie sera redéfini au cours de ce processus. Le peuple syriaque (Araméen-Assyrien-Chaldéen), toutes confessions et confessions confondues, doit consolider son identité nationale et sociale, affirmer son rôle de membre fondateur de la Syrie et garantir ses droits constitutionnels. La reconstruction de la Syrie ne doit pas favoriser une religion, une confession ou une identité nationale en particulier. Une représentation égale de tous les groupes permettra de résoudre les injustices historiques, de démanteler la mentalité bien ancrée du déni et d’ouvrir la voie à une société démocratique et pluraliste.

Article en anglais à lire sur le site Syriac Press: The Freedom of Peoples in Syria Depends on Equality of Status Under the Law