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TURQUIE. Décès d’Anter Anter, fils d’« Apê Musa »

TURQUIE / KURDISTAN – Anter Anter a perdu la vie le jour du 32ème anniversaire du meurtre de son père Musa Anter, journaliste et écrivain kurde assassiné par des paramilitaires turcs (JITEM) à Diyarbakir le 20 septembre 1992 et dont le crime est resté impuni.

Anter Anter, fils du journaliste et écrivain Musa Anter (Apê Musa) assassiné par des paramilitaires turc il y a 32 ans, est décédé ce matin. L’homme de 79 ans a été retrouvé sans vie vendredi dans la salle de bains de sa maison du village d’Akarsu (Sitîlîlê), dans le district de Nusaybin à Mardin. Un médecin urgentiste appelé par des proches n’a pu que constater son décès, ont rapporté les médias locaux. Une enquête a été ouverte pour déterminer la cause exacte du décès d’Anter. 

Il décède le jour anniversaire du meurtre de son père

La mort d’Anter Anter a eu lieu le 32e anniversaire de la mort de son père, Musa Anter. L’intellectuel kurde a été assassiné par la contre-guérilla turque (JITEM) à Amed (Diyarbakır) le 20 septembre 1992. Une cérémonie commémorative a eu lieu aujourd’hui sur le lieu du crime, dans le district de Seyrantepe, en présence de nombreuses personnalités du monde politique, de la presse et de la société civile. Le soir, une commémoration aura lieu sur la tombe d’Apê Mûsa dans le quartier rural de Sitîlîlê.

Qui était Musa Anter
 
Musa Anter, né en 1920 à Nusaybin, était un écrivain, poète, journaliste et activiste kurde persécuté pendant des décennies par le régime fasciste turc pour avoir milité contre le colonialisme turc au Kurdistan. Une des ses phrases les plus célèbres « Si ma langue maternelle secoue les fondations de votre État, cela signifie probablement que vous avez construit votre État sur mes terres », dénonçait l’interdiction de la langue kurde par l’État turc. 
 
Musa Anter, alias Apê Musa (littéralement «oncle Musa» en kurde), qui a écrit des articles dans le quotidien Ozgur Gundem et l’hebdomadaire Yeni Ulke, a été tué par balle à Diyarbakir (Amed). 
 

Attirés hors de leur hôtel par un appel téléphonique qui lui demandait de l’aider à régler un litige foncier, Anter et un ami sont partis en taxi avec un inconnu, décrit comme âgé de 25 à 30 ans. Lorsqu’ils ont commencé à soupçonner qu’un piège leur était tendu, ils ont exigé de sortir du taxi. L’homme qui les accompagnait est également sorti et, les ayant précédés, a commencé à leur tirer dessus avec une arme à feu.

Anter a été touché par quatre balles et est décédé peu après. Son ami, touché par deux balles, a été grièvement blessé. Amnesty International a indiqué qu’un pistolet de 9 mm à 14 coups a été utilisé lors de l’attaque, qui s’est produite, selon l’organisation, à la périphérie de la ville, près d’un commissariat de police et d’un poste de contrôle routier.

Anter, qui ne vivait pas à Diyarbakır, était de passage dans la ville pour signer des livres lors d’un festival culturel. Un groupe jusqu’alors inconnu, Boz-Ok, a revendiqué la responsabilité du meurtre, mais les rédacteurs de Yeni Ülke et Özgür Gündem ont démenti cette accusation, accusant l’État et les contre-guérilleros.

Né en 1920 dans le village de Zivingê, dans la province de Nusaybin, Anter a vécu au cours de sa vie de nombreuses expériences que d’autres ne connaissent que par ouï-dire. Il a vécu les années de fondation de la République turque, le soulèvement de Cheikh Saïd et le génocide de Dersim alors qu’il était écolier, et la Seconde Guerre mondiale alors qu’il était étudiant.

Il fut l’un des protagonistes du bref printemps du mouvement national kurde à la fin des années 1950 ; lors du « Procès des 49 », il fut accusé de propagande kurde et de séparatisme. Le fond de son œuvre était son poème Qimil (Charançon), qu’il avait publié en kurde dans la revue Ileri Yurt en août 1959. La revue, basée à Amed (Diyarbakir), était à nouveau la première revue depuis des décennies à traiter de la question kurde. Musa Anter en était le rédacteur en chef.

Abdülkadir Aygan, un ancien militant du PKK devenu informateur et recruté par le JITEM (le service de renseignement et de lutte contre le terrorisme de la gendarmerie turque), a déclaré avoir fait partie d’une unité du JITEM, avec un « Hamit » de Şırnak, qui avait assassiné Musa Anter.

La Turquie a été reconnue coupable du meurtre d’Anter en 2006 par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et condamnée à une amende de 28 500 euros.

En 2009, 17 ans après le meurtre, les procureurs turcs ont rouvert le dossier après l’interrogatoire de Aygan en 2004, au cours duquel il avait avoué avoir été impliqué dans le meurtre d’Anter. En 2010, l’affaire a été fusionnée avec deux autres  procès  impliquant  plusieurs membres présumés du JITEM, dont Aygan, comme accusés. Le procès fusionné a commencé à être connu sous le nom de « procès JITEM principal » (car il y en avait d’autres). L’armée turque a confirmé l’existence officieuse du JITEM en tant qu’unité de renseignement temporaire de 1988 à 1990, qui a été officialisée avant d’être dissoute en 2001, selon un mémo du procès.

Hamit Yıldırım, qu’Aygan accusait d’être le tireur, a été arrêté en Turquie en 2012 mais libéré en 2017, lorsque la limite légale pour qu’une personne soit détenue sans condamnation  a été atteinte.

 

Le procès a été transféré de Diyarbakır à Ankara en 2015 pour des raisons de sécurité.

 

L’affaire du meurtre d’Anter, ou le « procès principal JİTEM », a été abandonnée par le sixième tribunal des crimes graves d’Ankara le 21 septembre 2022, en raison du délai de prescription.