AccueilMondeEuropeLa CIA a-t-elle fondé les dangereux Loups Gris turcs?

La CIA a-t-elle fondé les dangereux Loups Gris turcs?

Comment la CIA a lancé le groupe nationaliste le plus dangereux d’Europe, un documentaire des journalistes Lindsey Snell et Cory Popp, diffusé sur la chaîne YouTube « Things Aren’t Great » le 8 août, se penche sur l’histoire obscure des Loups Gris, révélant leurs racines dans les opérations de l’OTAN et de la CIA et leur influence continue sur la politique turque et européenne. Le film met en lumière les actions violentes du groupe contre les minorités ethniques (Kurdes, Arméniens, Alévis…) et met en évidence leur présence importante, mais souvent négligée, en Europe.

Le documentaire How the CIA Launched the Most Dangerous Nationalist Group in Europe s’ouvre sur une référence au salut controversé des Loups Gris du footballeur turc Merih Demiral lors de l’Euro 2024, qui a suscité une indignation générale. Ce geste a mis les Loups Gris sous les feux de la rampe internationale, mais peu de gens connaissent l’histoire de violence profondément ancrée du groupe et son rôle important dans la politique turque, explique Lindsey Snell dans le documentaire sorti le 8 août, qu’elle a réalisé avec Cory Popp. L’œuvre révèle les origines troublantes des Loups Gris, enracinées dans les opérations de l’OTAN et de la CIA, et leur influence continue en Turquie et en Europe.

« Il existe une forme particulière de haine envers les Arméniens », note Snell dans le film, soulignant l’intense animosité du groupe envers les minorités ethniques. Les Loups Gris, un groupe ultra-nationaliste, ont une longue histoire de violences contre les minorités ethniques et les gauchistes, en Turquie comme à l’étranger. Cette violence, comme le révèle le documentaire, n’est pas un événement isolé mais fait partie d’une campagne nationaliste plus vaste, cautionnée par l’État.

Origines dans la géopolitique de la guerre froide

Le documentaire retrace les origines des Loups gris, en remontant jusqu’à la guerre froide. La Turquie, malgré sa neutralité officielle pendant la Seconde Guerre mondiale, a maintenu des liens étroits avec l’Allemagne nazie. Alparslan Türkeş, un jeune officier turc et admirateur d’Hitler, a fondé les Loups gris et le Parti du mouvement nationaliste (MHP) en 1969. Ces organisations ont été soutenues par l’OTAN et la CIA dans le cadre de l’opération Gladio, une opération secrète destinée à contrer l’influence soviétique en Europe.

« Malgré la dissolution de l’opération Gladio dans les années 1990, les Loups gris sont restés une force puissante, poursuivant leur campagne de violence et d’endoctrinement », révèle le documentaire. Les activités du groupe pendant cette période comprenaient de nombreuses attaques contre des militants de gauche, des Kurdes et des Arméniens, qui ont culminé avec des événements tels que le massacre de la place Taksim en 1977 et le massacre des Kurdes alévis de Maraş (Mereş) en 1978, qui ont fait des centaines de morts et des milliers de blessés.

Les loups gris en Europe : une menace permanente

Si les activités des Loups Gris en Turquie sont bien documentées, Comment la CIA a lancé le groupe nationaliste le plus dangereux d’Europe met en lumière leur présence significative en Europe, notamment en Allemagne, où ils opèrent depuis les années 1960. Le documentaire montre comment le groupe, opérant sous divers noms tels que Türk Federasyonu, a réussi à contourner les interdictions dans des pays comme la France.

Cory Popp, qui a tenté d’interviewer des membres des Loups Gris pour le documentaire, a reçu une réponse glaçante. « Tout d’abord, notre vrai nom est Ülkü Ocakları [Foyers Idéalistes], pas les Loups Gris », a déclaré un représentant à Popp, indiquant la stratégie du groupe de changer de nom pour échapper aux répercussions juridiques en Europe.

Erol Unal, un ancien membre des Loups Gris qui a grandi en Allemagne, nous livre un récit troublant de son intégration dans le groupe alors qu’il était enfant. « J’ai été emmené aux réunions de jeunes des Loups Gris à 13 ans », raconte Unal, offrant un aperçu rare des méthodes utilisées par l’organisation pour inculquer l’idéologie ultra-nationaliste aux jeunes esprits. Son témoignage est un rappel brutal de l’influence insidieuse que les Loups Gris continuent d’exercer sur la jeunesse turque en Europe.

Comment le nationalisme imprègne la société turque

Le documentaire met également en scène Elif, une jeune femme turque qui, bien qu’elle n’ait pas été élevée dans une famille nationaliste, décrit la nature omniprésente de l’idéologie nationaliste en Turquie. « J’ai dû moi-même désapprendre une grande partie du nationalisme », dit Elif, racontant ses expériences d’enfance avec des camarades de classe kurdes qui étaient ostracisés par leurs pairs et leurs professeurs.

Le déni officiel du génocide arménien par la Turquie est un autre point central du documentaire. Un passage d’un manuel d’histoire turc de terminale, cité dans le film, dit : « Chaque année, le 24 avril, les Arméniens commémorent leurs arrestations et tentent de les présenter comme des massacres. » Ce déni est ancré dans l’éducation et la société turques, renforçant les discours nationalistes qui continuent d’alimenter la haine contre les Arméniens.

Le rôle des Loups gris dans la perpétuation de ce déni est mis en évidence par leur implication dans la guerre de 2020 entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie au sujet du Haut-Karabakh. Dans la foulée, les Loups gris en France ont attaqué des Arméniens et dégradé des monuments commémoratifs du génocide arménien dans ce pays, ce qui a conduit à une interdiction du groupe par la France. Cependant, comme le souligne le documentaire, cette interdiction est largement symbolique, car les Loups gris continuent d’opérer sous différents noms.

Une alliance dangereuse avec la politique turque

Le documentaire explore également les liens étroits des Loups gris avec le gouvernement turc actuel. Le MHP, branche politique des Loups gris, est allié au Parti de la justice et du développement (AKP) du président Recep Tayyip Erdoğan. Cette alliance a permis aux Loups gris de rester une force importante de la politique turque, leur influence s’étendant jusqu’aux médias et à l’armée.

Snell a elle-même été la cible des Loups Gris. Elle a déclaré avoir été prise pour cible à la fois par le groupe anti-nationaliste et par les médias contrôlés par l’État du pays. Après avoir fait un reportage sur les crimes de guerre présumés commis par la Turquie, la journaliste affirme que les Loups Gris l’ont harcelée de manière intensive, notamment en publiant son adresse personnelle et sa date de naissance sur Twitter. La journaliste a exprimé son inquiétude quant à l’influence du groupe en Allemagne, où ces informations, généralement privées, auraient été obtenues grâce à leur infiltration d’agences gouvernementales, notamment de la police.

« Les Loups gris ne sont pas un groupe marginal en Turquie ; ils font partie intégrante du gouvernement turc actuel », souligne Snell. Son expérience personnelle avec le groupe en Allemagne met en évidence l’influence de ce groupe et les dangers auxquels sont confrontés ceux qui s’y opposent.

Conclusion : un appel à la sensibilisation et à l’action

Le documentaire Comment la CIA a lancé le groupe nationaliste le plus dangereux d’Europe se termine par un rappel brutal de l’influence continue des Loups gris et de la menace qu’ils représentent, non seulement en Turquie mais dans toute l’Europe. Le documentaire appelle à une plus grande sensibilisation et à une action plus importante contre le groupe, exhortant les gouvernements européens à interdire les groupes et à adopter une position plus ferme contre la propagation des idéologies ultranationalistes.

Comme le montre clairement le documentaire, les Loups Gris ne sont pas seulement une relique de la géopolitique de la Guerre froide, mais une menace actuelle qui continue de perpétuer la violence et la haine sous le couvert du nationalisme. (Medya News)