Le 15 novembre 1937, une figure religieuse des Kurdes alévis et le leader du mouvement kurde pendant la rébellion Dersim de 1937-1938, Seyid Riza fut pendu à l’âge de 74 par l’État turc.
Au début de la création de l’Etat turc, le pouvoir a essayé d’assimiler les Kurdes en les opprimant, en interdisant les publications en kurde, en persécutant ceux qui parlaient kurde, en expulsant de force les gens des régions fertiles du Kurdistan pour les régions non cultivées d’Anatolie où beaucoup ont péri. Les prisons étaient pleines de non-combattants, les intellectuels étaient fusillés, pendus ou exilés dans des endroits reculés.
L’Union des communautés du Kurdistan (KCK) a publié un communiqué à l’occasion du 82e anniversaire de l’exécution de Pir Seyit Rıza, son fils et de nombreux chefs tribaux de Dersim.
Seyid Riza et la révolte de Dersim
Le massacre de Dersim a eu lieu suite à la rébellion de Dersim, soulèvement des Kurdes alévis contre le gouvernement turc dans la région du Dersim. La rébellion a été dirigé par Seyid Riza, un notable kurde alévi. À la suite de la campagne militaire turque de 1937 et 1938 contre la rébellion, des dizaines de milliers de Kurdes alévis ont été tués et de nombreux autres ont été déplacés à l’intérieur du pays.
Seyit Riza (1863-1937) était un dirigeant politique de la région de Dersim, au Kurdistan du Nord. Il est reconnu par le Mouvement de libération kurde comme le chef de la rébellion de Dersim, un soulèvement armé qui a eu lieu pendant les années 1937 et 1938 pour protester contre l’oppression du peuple kurde par l’Etat turc. Cette révolte fut le 27ème soulèvement kurde depuis la création de l’Etat turc en 1923 et le dernier du 20ème siècle jusqu’à l’apparition du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et le début de sa lutte armée en 1984.
La révolte de Dersim s’inscrit dans la continuité des multiples soulèvements kurdes qui ont suivi le processus de formation de l’Etat-nation turc après la chute de l’empire ottoman. Tous ces soulèvements ont été causés par la turcification du pays par son premier président Mustafa Kemal Ataturk. En effet, de son accession au pouvoir en 1923 jusqu’à sa mort en 1928, ce dernier a poursuivi une politique répressive d’homogénéisation du pays en imposant l’identité ethnique turque dans tous les aspects de la vie sociale : de la langue que les gens parlent dans la rue à la langue à enseigner à l’école, de l’éducation à la vie industrielle, du commerce aux cadres des fonctionnaires, du droit civil à l’installation des citoyens dans certaines régions. De nombreuses minorités ont contesté ces mesures, mais leurs révoltes ont toutes été noyées dans le sang.
Néanmoins, jusqu’en 1936, la région montagneuse de Dersim, connue pour son caractère rebelle (11 révoltes au cours des 40 dernières années) avait été peu affectée par les campagnes d’assimilation de l’Etat turc. Les tribus kurdes et zazas qui y vivent rejettent l’autorité turque et refusent également de payer des impôts. Leur ingérence était telle qu’Atatürk considérait Dersim comme le problème intérieur le plus important du pays.
Pour mettre fin à la résistance de Dersim, Atatürk nomme le général Abdullah Alpdoğan responsable de la région en lui donnant le pouvoir d’exiler les gens si quelqu’un refuse l’assimilation. Pour ce faire, plusieurs postes d’observation militaire ont été construits autour de Dersim et de plus en plus de soldats turcs ont été amenés dans la région. On dit que des avions survolaient Dersim tous les jours.
Alors que la tension entre les soldats turcs et la population augmentait de plus en plus, Seyit Reza a décidé d’envoyer un de ses fils négocier avec le général Alpdoğan afin d’éviter une guerre et de protéger la population et ses droits. Mais ce dernier a tué l’émissaire. En réponse à la mort de son fils, Seyit Reza décida d’appeler les chefs du clan Dersim et, au début de 1937, ils unirent leurs forces pour contrer l’attaque turque. La première action a été l’attaque d’un convoi de police.
L’armée turque, sous l’ordre direct d’Atatürk, essaya de briser les rebelles par la force et envoya plus de 25.000 soldats soutenus par des bombardements aériens. Mais les combattants de Seyit Riza ont résisté farouchement et ont refusé de se rendre. Ils se sont battus si farouchement que l’armée turque a dû les tromper pour mettre fin à la résistance.
À l’automne 1937, le général Alpdoğan invite Seyit Riza à discuter d’un accord de paix. Lorsque Seyit Riza s’y rendit, il fut fait prisonnier avec son fils de 16 ans et 8 de ses hommes. Un tel acte de trahison était si inconcevable dans les règles d’honneur et la tradition de l’époque qu’il est dit que Seyit Riza n’a fait que cracher les mots suivants :
« Gouvernement sans honneur et trompeur ! »
Après huit jours, ils ont tous été pendus. Avant sa pendaison, les derniers mots de Seyit Riza étaient :
« J’ai maintenant 75 ans. Je vais tomber martyr et rejoindre les martyrs du Kurdistan. Dersim a perdu, mais les Kurdes et le Kurdistan vont gagner. La jeunesse kurde se vengera pour moi. Ainsi mourront des hommes cruels, ainsi mourront des hommes infâmes et trompeurs. »
Après sa mort, la résistance s’est poursuivie pendant un an. Mais l’atrocité de la répression qui a frappé Dersim, où des hommes, des femmes et des enfants ont été massacrés par des soldats turcs, a mis fin aux troupes rebelles. Selon les rapports officiels, plus de 10 000 civils ont été massacrés et plus de 11 000 ont été contraints à l’exil, dépeuplant la province. De nombreux rebelles qui se sont rendus ont été exécutés et des femmes et des enfants ont été brûlés vifs. Au total, 40 000 Kurdes ont été tués.