TURQUIE / KURDISTAN – L’athlète kurde Cumali Arslan a été interdit de voyager pour propagande terroriste tandis que la police turque a tenté de le faire chanter en lui disant « Si tu portes le drapeau turc, nous lèverons l’interdiction de voyager. »
Cumali Arslan, athlète kurde originaire de Van, pratique la marche athlétique de longue distance au niveau professionnel depuis 2017 et compte à son actif de nombreux succès. Arslan a remporté plusieurs championnats, d’abord en Turquie, puis en France et en Allemagne.
Lorsqu’on lui proposa de concourir pour l’équipe nationale turque, il refusa, déclarant : « Je ne veux pas concourir pour des colonisateurs. » Il s’installa ensuite en Allemagne et y poursuivit sa carrière sportive. Il remporta une médaille d’or au 20 kilomètres de Nancy, en France ; une médaille d’argent au 35 kilomètres de Zittau, en Allemagne ; et une autre médaille d’or en terminant premier du 5 kilomètres à Erfurt. Il se classa également deuxième en marche athlétique aux championnats de Berlin-Brandebourg.
Plus récemment, après avoir remporté la première place lors d’une compétition organisée à Erfurt le 11 janvier, Cumali Arslan a fait la déclaration suivante à la presse : « Je n’ai jamais concouru sous le drapeau turc car je veux représenter les Kurdes et le Kurdistan. Je dédie la médaille que j’ai remportée à mon peuple. »
Victime de discrimination à Antalya
À la suite de cette compétition, l’athlète kurde Cumali Arslan s’est rendu à Antalya pour participer au Championnat turc de marche Ünal Aytaç Sports Toto et à la compétition internationale de marche de niveau bronze qui s’est tenue le 23 février.
Interrogé par notre agence à ce sujet, Arslan a déclaré : « Je pratiquais le sport en Turquie et j’ai subi de nombreuses discriminations. J’ai déménagé en Allemagne pour y échapper. Pour pouvoir me rendre aux Jeux olympiques de Tokyo, je devais participer à cette course à Antalya. Je m’y suis inscrit un mois à l’avance avec mes amis allemands. Leurs inscriptions ont été acceptées, mais pas la mienne. »
Bien qu’il n’y ait pas eu de quota pour la compétition organisée à Antalya, la participation de Cumali Arslan a été bloquée au motif d’un prétendu « quota ».
Une enquête a été ouverte contre Arslan
Parallèlement, un acte d’accusation n° 2025/1360 a été dressé contre Arslan par le parquet de Gaziantep pour « propagande en faveur d’une organisation terroriste ». Dans cet acte d’accusation, retenu par la Haute Cour pénale de Gaziantep, les photographies de Cumali Arslan brandissant le drapeau du gouvernement régional du Kurdistan et celui du TEV-DEM après des compétitions où il avait remporté des médailles d’or, ainsi que ses déclarations dédiant ses médailles à son peuple, ont été considérés comme des actes criminels.
Concernant l’acte d’accusation, Arslan a déclaré : « Quelques semaines plus tard, j’ai vu qu’ils avaient préparé un acte d’accusation contre moi. En Allemagne, chaque fois que je remportais des médailles lors de compétitions, je brandissais le drapeau du Kurdistan ou je disais : +Je dédie cette médaille à mon peuple+. Ils se sont servis de ces gestes pour préparer l’acte d’accusation. »
Arslan a ensuite été placé en détention suite à l’acte d’accusation établi contre lui et a été libéré par le tribunal sous contrôle judiciaire, avec interdiction de quitter le pays.
Puni pour avoir dédié une médaille au peuple kurde
Il y a deux semaines, l’athlète kurde a comparu devant le tribunal dans le cadre des poursuites engagées contre lui et a été condamné par la Haute Cour pénale de Gaziantep à un an et six mois de prison. Cependant, le tribunal a décidé de surseoir à la prononciation du verdict. Cumali Arslan a réagi à cette décision en déclarant : « Si je dédie à nouveau ma médaille au peuple kurde et au Kurdistan, j’irai en prison. Si je commets à nouveau ce prétendu crime, ils me condamneront directement à une peine de prison. »
Chantage policier
Cumali Arslan a déclaré que, pendant la procédure judiciaire, deux policiers du commissariat d’Antalya ont exercé des pressions sur lui et ont tenté de le contraindre à devenir informateur. Arslan a décrit les agissements de la police comme suit : « Alors que j’étais à Antalya, deux policiers du commissariat d’Antalya m’ont constamment harcelé. Ils m’ont dit : “Si tu acceptes de rejoindre l’équipe nationale turque, nous lèverons l’interdiction de voyager.” Ils ont posé des conditions et m’ont même proposé de l’argent. »
L’IHD suit l’affaire.
Cumali Arslan a déposé une plainte auprès de la branche d’Antalya de l’Association des droits de l’homme (IHD) concernant la conduite de la police. Dans une déclaration à notre agence, les responsables de l’association ont indiqué : « Le tribunal correctionnel de Gaziantep a rendu une décision concernant Cumali Arslan, et ses avocats suivent l’affaire. Notre association traite actuellement sa demande d’indemnisation pour tentative de la part d’agents de police du commissariat d’Antalya de le contraindre à devenir informateur. Nous suivrons scrupuleusement la procédure légale. »
Discrimination de la part de nombreux clubs
L’athlète kurde Cumali Arslan a déclaré que pour participer à des compétitions sportives, il devait être affilié à un club. Cependant, face à l’attitude des clubs sportifs du Kurdistan à son égard, il a déclaré : « En général, où que j’aille, ils regardent mes interviews. Ils voient que je dédie ma médaille soit au Kurdistan, soit aux dirigeants. Quand ils voient cela sur mon CV, ils prennent leurs distances. C’est comme si tous les clubs m’avaient fermé leurs portes. »

(ANF)