PARIS – Les procureurs soupçonnent le groupe Lafarge d’avoir versé au total environ cinq millions d’euros à des groupes terroristes, dont l’EI et Al-Qaîda, en 2013 et 2014 par l’intermédiaire de sa filiale syrienne, rapporte l’agence kurde ANF.
L’ONG yézidie Free Yezidi Foundation s’est constituée partie civile dans le procès pénal visant le cimentier Lafarge poursuivi en tant que « personne morale » pour « complicité de crimes contre l’humanité » qui incluent, mais sans s’y limiter, l’esclavage et le génocide – liés aux paiements versés au groupe État islamique (EI / DAECH / ISIS) en Syrie.
Le tribunal correctionnel de Paris juge à partir d’aujourd’hui le géant français des matériaux de construction Lafarge et ses principaux dirigeants.
Le procès de l’entreprise française Lafarge et de ses anciens dirigeants, accusés de « soutien financier à des organisations terroristes » en Syrie, s’ouvre à Paris. Les audiences de ce procès historique se poursuivront jusqu’au 16 décembre.
L’entreprise et ses dirigeants sont accusés d’avoir apporté un soutien financier à des groupes djihadistes, dont l’EI, afin de maintenir en activité son usine de ciment dans le nord de la Syrie.
Selon l’AFP, outre Lafarge, racheté par le groupe suisse Holcim en 2015, les personnes suivantes seront jugées dans cette affaire :
L’ancien PDG de Lafarge, Bruno Lafont, cinq anciens cadres impliqués dans la chaîne opérationnelle et de sécurité de l’entreprise, et deux intermédiaires syriens, dont l’un est recherché en vertu d’un mandat d’arrêt international.
Les accusés sont poursuivis pour « soutien financier à une organisation terroriste » et « non-respect des sanctions financières internationales imposées à la Syrie à la suite de la révolution de 2011 ».
Dans l’acte d’accusation annoncé par les juges français en octobre 2024, la société et huit accusés ont été requis de comparaître pour des accusations de « financement d’organisations terroristes et de violation de sanctions financières ».
L’acte d’accusation stipulait que tous les accusés « ont organisé, approuvé, facilité ou mis en œuvre une politique consistant à fournir un soutien financier à des organisations terroristes opérant à proximité de la cimenterie de la région de Chalabiya en Syrie, dans le but de générer des profits pour l’entité économique qu’ils servaient ou, pour certains, d’obtenir directement un gain personnel. »
Les procureurs français soupçonnent le groupe Lafarge d’avoir versé au total environ cinq millions d’euros à des groupes qualifiés de « terroristes » en 2013 et 2014 par l’intermédiaire de sa filiale Lafarge Cement Syria, notamment l’État islamique et le Front al-Nosra, lié à Al-Qaïda.
En outre, il est allégué que des paiements ont été effectués à des intermédiaires pour protéger la cimenterie de Chalabiya, dans le nord de la Syrie, pendant les années de conflit qui ont débuté en 2011.
L’entreprise a investi 680 millions d’euros dans cette usine, construite en 2010. Alors que d’autres multinationales ont quitté la Syrie en 2012, Lafarge s’est contentée d’évacuer ses employés étrangers à cette époque et a continué d’employer du personnel syrien jusqu’en septembre 2014, date à laquelle l’État islamique s’est emparé de l’usine.
La procédure judiciaire à Paris a débuté en 2017 suite à des articles de presse et à deux plaintes distinctes. La première plainte a été déposée par les associations de la branche syrienne de l’entreprise et onze anciens employés pour « financement du terrorisme », tandis que la seconde a été déposée par le ministère de l’Économie pour « violation de l’embargo financier imposé à la Syrie ».
Cette affaire est perçue comme une occasion unique pour la justice française d’aborder la question de la responsabilité assumée par les entreprises multinationales opérant dans des zones de conflit.