TURQUIE – ISTANBUL – Lors de leur 1072e veillée hebdomadaire à Istanbul-Galatasaray, les Mères du Samedi ont réclamé justice et vérité pour Cemil Kırbayır, étudiant kurde de 26 ans porté disparu après avoir arrêté par la police à Kars en septembre 1980.
Cemil Kırbayır est le premier cas connu de disparition forcée en Turquie après le coup d’État militaire de 12 septembre 1980.
Kırbayır, étudiant à l’Institut d’enseignement de Kars, a été enlevé de son domicile dans le village d’Okçu par les forces de sécurité le 13 septembre 1980, un jour après le coup d’État.
Cemil Kırbayır a d’abord été amené au 247e régiment d’infanterie à Göle, où il est resté environ une semaine, avant d’être transféré au département de police de Kars, puis à l’institut d’enseignement de Kars, qui avait été transformé en centre de détention.
Durant sa détention, la famille de Kırbayır se rendait régulièrement dans les centres de détention, subvenant à ses besoins et recevant de lui des messages écrits indiquant : « Je vais bien, j’ai reçu ce que vous m’avez envoyé. »
Cependant, le 8 octobre, lorsque la famille est revenue, on lui a dit que leur fils s’était échappé.
Les plaintes déposées par son père, İsmail Kırbayır, et le barreau turc n’ont donné aucun résultat et Kırbayır n’a plus jamais été revu.
Le 5 février 2011, les Mères du Samedi, dont Berfo Kırbayır, 103 ans, ont rencontré le Premier ministre de l’époque, Recep Tayyip Erdoğan, au palais de Dolmabahçe. Berfo Kırbayır a raconté son histoire à Erdoğan : « Trouvez mon fils avant que je meure. »
À la suite de cette réunion, Erdoğan a ordonné la création d’une commission parlementaire, présidée par le député Zafer Üskül, pour enquêter sur l’affaire. La commission a exhumé des documents d’époque et interrogé de nombreux témoins ayant vu Kırbayır lors de son interrogatoire, ainsi que les policiers et les services de renseignement impliqués. Après un travail approfondi, la commission a rédigé un rapport de 350 pages.
Le rapport documentait que Cemil Kırbayır était mort sous la torture en détention et que son corps avait été éliminé par les autorités responsables de sa mort. Le rapport confirmait officiellement la disparition de Kırbayır en détention et une plainte pénale avait été déposée auprès du parquet de Kars.
Cependant, le gouvernement n’a pas eu le courage de s’attaquer à ce crime contre l’humanité. Après une décennie d’incertitude, l’affaire a été classée pour cause de prescription.
Les appels des avocats de l’Association des droits de l’homme demandant la réouverture du dossier et la traduction des suspects en justice ont été rejetés. Les responsables de la mort de Kırbayır n’ont été ni poursuivis ni punis.