PARIS – Ce samedi 27 septembre, à l’occasion du 3ᵉ anniversaire du meurtre de la journaliste et universitaire kurde Nagihan Akarsel, l’Académie de Jineologi et le Mouvement des femmes kurdes en France (TJK-F) ont organisé une journée d’échanges et d’actions créatives contre le féminicide à la Bourse du Travail, dans 10ᵉ le arrondissement de Paris. Des représentantes d’organisations de femmes venues des quatre coins du monde y ont discuté de féminisme, de mémoire, de compréhension des luttes des femmes et de l’élaboration de réponses collectives aux défis dont elles font face.

L’invitation à l’atelier, animé par Lison Noël, stipulait : « Partout dans le monde, des femmes sont prises pour cible, disparaissent et sont assassinées en raison de leur quête d’une vie libre, honorable et juste. À l’occasion du troisième anniversaire du meurtre de notre camarade Nagihan Akarsel, nous vous rendons hommage avec des tables rondes, des discussions et des événements artistiques contre le féminicide. Les féminicides sont un enjeu social et politique. Notre objectif est d’approfondir les raisons, les objectifs et les impacts du féminisme, et de partager des expériences et des perspectives diverses. »
Meral ÇİÇEK : Le massacre des femmes est la guerre la longue de l’histoire
Meral Çiçek, membre du Mouvement des femmes kurdes en Europe (TJK-E), qui a prononcé le discours d’ouverture, a commémoré Nagihan Akarsel, assassinée dans la ville de Sulaymaniyah, au Kurdistan du Sud, le 4 octobre 2022, en déclarant : « Notre amie Nagihan a donné sa vie pour construire une vie honorable, égalitaire et libre. Je me souviens d’elle avec amour et respect. »
Meral Çiçek a décrit le féminicide comme « la plus longue guerre de l’histoire » et a déclaré :
Le meurtre de femmes est aujourd’hui l’une des plus grandes crises sociales du monde. Depuis des millénaires, des femmes sont assassinées par la violence masculine. Souvent, les auteurs restent cachés et impunis. Parler du féminicide, c’est aussi aborder la question de la justice. Il n’y a pas de justice sans vérité. Notre combat est un combat pour la justice et la vérité contre le féminicide. Pour les Sakin, Nagihan, Evin. À Paris et partout dans le monde.
Meral Çiçek a également rendu hommage à Berta Cáceres, Marielle Franco, Dulcie September et à de nombreuses autres militantes, déclarant : « Le meurtre de femmes est intemporel. Notre combat est de prévenir le meurtre de femmes et d’ouvrir de nouvelles voies. Ce n’est pas facile, mais nous devons nous protéger les unes les autres, faire preuve de solidarité et avancer ensemble. La réunion d’aujourd’hui est un grand pas en avant. »
Elif KAYA : Le massacre des femmes est une guerre mondiale
S’exprimant au nom de l’Académie Jineoloji, Elif Kaya a déclaré que le féminicide se poursuit à un rythme alarmant dans le monde entier. « Selon le rapport 2023 de l’ONU, plus de 51 000 femmes ont été assassinées en un an. La plupart par leur partenaire, leur mari ou un membre de leur famille proche. Une femme est tuée toutes les 10 minutes dans le monde. Ces chiffres illustrent la gravité de la situation. Malgré cela, le féminicide, notamment ses aspects politiques, n’est pas suffisamment abordé. »
Elif Kaya a souligné que la solution réside dans la lutte collective : « Mettre fin au massacre des femmes exige beaucoup d’efforts et de résistance. Seuls un travail d’organisation, un travail idéologique et politique intensif et des plateformes de solidarité peuvent y mettre un terme. »
Dilar DİRİK et la nécessité d’une lutte commune qui transfère les frontières

S’exprimant au nom du Réseau des femmes tissant l’avenir, Dilar Dirik a déclaré que les mesures de protection individuelle ne suffisaient pas à enrayer le féminicide. « En cette période où les femmes sont confrontées à des régimes aux conditions d’une Troisième Guerre mondiale, une perspective anti-impérialiste et antimilitariste est nécessaire. Cela exige non seulement une attitude de défi, mais aussi une vision d’une vie libre. »
Message de Nesrin AKGÜL
Ezgi Çelik a lu le message de Nesrin Akgül, membre de l’Académie de jinéologie, empêchée d’assister à la réunion. Ce message disait : « Nous continuons tous à vivre le choc de voir comment un régime dominé par les hommes peut commettre des féminicides avec une malveillance aussi systématique et ordinaire, sous couvert d »amour’ et d »honneur’. Face au meurtrier délibéré, nous apprenons que ce choc est en réalité la perpétuelle confrontation à un système de violence brutal, imprégné d’une continuité historique jusqu’à nos jours. Si nous ne comprenons pas la réalité du féminicide sans la dissocier de son contexte historique et avec la mentalité du meurtre délibéré, désormais ancrée dans l’inconscient social des hommes et devenue leur personne, nous ne pourrons pas affronter la vérité qui sous-tend la réalité du féminicide. N’oublions pas que l’approche de la vérité est la plus grande force, et aucune force ne peut renforcer une personne autant que le fait de s’engager sur le chemin de la vérité. »
Lors de l’atelier, des activités culturelles ont été réalisées par les membres du « Koma Lêkolînên Hunerî ya Jineoloji » (Groupe de recherche artistique en jinéologie), du Projeya Neqiş a Jineoloji Provence (Projet de broderie en jinéologie en Provence) et de l’artiste kurde Aslı Filiz.

La rencontre, qui s’est poursuivie par des panels, des discussions, des événements culturels et des partages d’expériences, s’est terminée par les slogans « Bijî Serok Apo » et « Jin Jiyan Azadî ». (ANF)