Extrait d’un message du leader kurde Abdullah Öcalan envoyé au 12e congrès du PKK (traduit vers le français par Maxime Azadi).
« Les Sumériens ont nommé les Kurdes, la République les a effacés »
Je vous présente un autre extrait du large rapport politique soumis par le Leader du peuple kurde Abdullah Öcalan, lors du 12e congrès du PKK auquel il a participé par voie technique. J’avais déjà partagé des parties sur le marxisme et les perspectives de lutte pour l’avenir.
Dans ce passage, il est question du fait que les Kurdes sont un peuple ancien, que leur territoire a été mentionné dès l’époque sumérienne, bien avant que le concept d’État n’existe ailleurs. Il souligne également que les Kurdes étaient un élément constitutif des Seldjoukides et des Ottomans, et que la fondation de la République turque s’est faite grâce à une alliance avec les Kurdes, alliance qui fut ensuite trahie.
Les premières mentions géographiques de la Kurdistan
« La géographie du Kurdistan a été mentionnée pour la première fois par les Sumériens comme “les Kurdes, les Hourrites, les Urartéens”. Il s’agit de la première définition spatiale de cette région. À une époque où le concept d’État n’existait nulle part ailleurs dans le monde, ce territoire a été défini pour la première fois par les Sumériens. Plus tard, le terme « Kurdia » apparaît dans l’historiographie grecque. Près de la moitié de l’Histoire d’Hérodote concerne la réalité du Kurdistan.
Les grecques admiraient les Mèdes
La société grecque admirait les Mèdes – au point de les imiter. Ils ont même dérivé leur conception de la démocratie de la sensibilité politique locale. À l’époque médiévale, avec la révolution arabo-islamique, le concept de Kurde s’est solidement ancré.
Le sultan seldjoukide n’était-il pas un Kurde?
Les Seldjoukides furent les premiers à faire du concept de Kurdistan une réalité politique. Le sultan Sanjar, plaçant son centre à Hamadan (Ecbatane), appelait le pays autour de cette ville « Kurdistan ». C’est la première fois que le Kurdistan est cité comme une unité administrative. Le souverain turc fonde ainsi le Kurdistan. Cela pose la question : le sultan seldjoukide n’était-il pas en fait un souverain kurde ? »
Le rôle des Kurdes dans les victoires seldjoukides
« La bataille de Manzikert (1071) a également été menée à partir de Hamadan. Alp Arslan a donc combattu en tant que commandant d’une principauté kurde. Sa famille et son vizir se trouvaient à Hamadan. Peut-on encore définir les Seldjoukides comme un pouvoir turc, ou s’agit-il plutôt d’un pouvoir kurde ? Cette question mérite une recherche approfondie.
Les émirats kurdes des Marwanides et des Shaddadides sont particulièrement remarquables. Les Marwanides ont kurdisé la région entre le Tigre et l’Euphrate, en lien avec l’expansion de l’islam. Alp Arslan a mené la bataille de Manzikert avec le soutien armé des Marwanides.
Les Kurdes étaient si décisifs que si, à cette époque, ils s’étaient alliés aux Byzantins, Alp Arslan n’aurait jamais gagné. C’était une guerre gagnée grâce à une alliance kurde à 100 %. À partir des années 1050-1060, les Shaddadides et les Seldjoukides ont formé une alliance claire dans le sud du Caucase. En 1064, ils ont conquis ensemble Ani et Kars aux Byzantins. Après la guerre, Ani fut confiée à Manoutchehr et Kars à Tuğrul. La mosquée de Manoutchehr à Ani en est un vestige. »
L’alliance kurdo-ottomane
« L’alliance entre Yavuz Sultan Selim (Sélim Ier) et Idris-i Bitlisi (historien, poète, calligraphe, traducteur, administrateur et chef militaire d’origine kurde) est d’une importance capitale. Les batailles de Ridaniya, Marj Dabiq et Tchaldiran – qui ont permis à l’Empire ottoman de devenir un empire du Moyen-Orient – sont les fruits de cette alliance kurdo-ottomane. Les Kurdes sont un des piliers fondateurs de l’empire.
Une anecdote symbolique : après la capture de son père, le futur sultan Mehmed Ier fut transporté en sécurité à Amasya par le pacha kurde Beyazıt d’Amasya. À cette époque, la branche Kutlushah des Shaddadides était la famille dirigeante de la région. Mehmed Ier fut le sultan qui fit sortir l’Empire de la période d’interrègne.
Molla Gürani et Akshamsaddin, qui ont contribué à la prise d’Istanbul, étaient également kurdes. »
La guerre d’indépendance et la trahison de la République
« Inutile de rappeler que Mustafa Kemal n’a pas lancé la guerre de libération depuis Izmir ou la Thrace, mais depuis des régions kurdes comme Erzurum et Silvan. Il est indéniable que cette guerre a été gagnée grâce à l’alliance kurdo-turque. Et pourtant, une fois la République fondée, les Kurdes – cofondateurs de celle-ci – ont été niés un an plus tard. Leur identité fut interdite.
Ainsi, un peuple dont l’existence est attestée depuis les Sumériens a été effacé avec la République. »
La réponse du PKK à la négation kurde
« Le PKK a mis fin à cette négation par une résistance déterminée. Il a révélé la réalité identitaire des Kurdes sur les plans historique et social, et l’a fait accepter par tous, amis comme ennemis. Pourtant, les conséquences de cette négation ne sont pas encore totalement dépassées. Vous fuyez encore votre propre réalité. Je perçois ce danger dans votre identité, votre personnalité. Je ne vois pas en vous une identité ou une personnalité équilibrée et saine.
La société kurde doit être anticapitaliste
Ce travail ne peut pas se limiter à la seule résistance. Pour construire quelque chose de nouveau, il faudra une culture révolutionnaire, des institutions démocratiques, des institutions nationales démocratiques, des centres de recherche, des académies linguistiques. Rien de cela n’est possible avec le capitalisme. La société kurde doit être anticapitaliste.
Les Kurdes doivent se libérer en se fondant sur la nation démocratique, l’éco-économie et la communalité. Ils doivent construire une vie durable et l’enraciner. Cela ne peut se faire que par une lutte de construction et d’auto-définition. »
* La lutte sera dirigée vers l’intérieur
La résistance contre les oppressions extérieures a déjà été menée avec succès. Une des raisons de la fin du cycle du PKK est cette victoire contre l’oppression extérieure. Désormais, la lutte sera dirigée vers l’intérieur. La période à venir sera celle de l’auto-construction. Cela exigera une société démocratique et une paix véritable. Nous sommes à un tournant. »