TURQUIE – Aujourd’hui, lors de leur 1050e veillée sur la place Galatasaray, les mères du Samedi ont demandé justice pour Halil Alpsoy et Kasım Alpsoy, deux hommes politiques kurdes portés disparus après avoir été arrêtés par la police turque en mai 1994.
Les Mères du samedi ont demandé des nouvelles des cousins Halil Alpsoy et Kasım Alpsoy portés disparus après avoir été arrêtés dans des villes différentes à 6 jours d’intervalle en mai 1994.
Halil Alpsoy, âgé de 37 ans, revenait d’une visite à des proches avec sa femme et son bébé de 40 jours dans la nuit du 12 mai 1994. Il a été arrêté par la police qui l’attendait devant sa maison à Kanarya, à Istanbul.
Lorsque sa femme s’est opposée et a crié, les policiers ont montré leurs cartes d’identité et ont dit : « Ne vous inquiétez pas. Nous l’emmenons au commissariat. Il sera de retour dans une demi-heure. » Halil Alpsoy, qui a été emmené dans une Renault blanche (Beyaz Toros), n’est jamais rentré chez lui.
Dix-huit jours plus tard, son corps, méconnaissable suite aux tortures subies, a été retrouvé dans une zone forestière de Kırıkkale, à 530 km d’Istanbul. Ses frères ont pu l’identifier grâce à une marque sur sa main datant de son enfance.
Une semaine après l’arrestation de Halil Alpsoy, la police a perquisitionné le domicile de son cousin Kasım Alpsoy à Adana. Armés d’armes à longue portée, les policiers, vêtus de gilets pare-balles, ont arrêté Kasım Alpsoy, 30 ans, aux premières heures du 18 mai 1994.
Alpsoy a été emmené au commandement de la gendarmerie du district de Seyhan et interrogé par une équipe comprenant des agents du renseignement. Le soir de son arrestation, ils ont libéré Kasım Alpsoy et confisqué sa carte d’identité et lui ont dit : « Venez demain, récupérez votre carte d’identité ! »
À son retour chez lui, il était dévasté par les tortures subies. Il a raconté à sa femme que l’équipe qui l’avait interrogé lors de sa précédente détention à Istanbul était venue à Adana et avait également participé à ses tortures.
Le lendemain, il s’est rendu au commandement de la gendarmerie du district de Seyhan avec un proche pour obtenir sa carte d’identité. Un proche de Kasim Alpsoy a attendu devant la gendarmerie toute la journée, mais Kasım Alpsoy n’est plus jamais réapparu.
Jusqu’à aujourd’hui, les autorités turques ont nié avoir arrêté Kasım Alpsoy et Halil Alpsoy. Les institutions étatiques compétentes n’ont pas rempli leur devoir de mener des enquêtes efficaces pour traduire en justice ceux qui les ont détenus, ceux qui les ont interrogés sous la torture et ceux qui les ont fait disparaître.
Depuis près de 30 ans, les mères du samedi demandent justice pour leurs disparu.e.s
Le samedi 27 mai 1995, les Mères du Samedi (en kurde: Dayikên Şemiyê, en turc: Cumartesi Anneleri) descendaient pour la première fois sur la place Galatasaray, à Istanbul, pour exiger la fin des disparitions forcées et demander qu’on leur rende leurs proches portés disparus.
Les « mères du samedi » reproche à l’État turc de ne pas avoir enquêté sérieusement pour établir la vérité sur ceux qui ont disparu après leur mise en détention par les autorités turques.
Selon l’Association des droits de l’Homme (IHD), entre 1992 et 1996, 792 disparitions forcés et meurtres (de journalistes, syndicalistes, médecins, enseignants, enfants ou simples paysans) par l’État ont été signalés dans les régions kurdes de Turquie.