SYRIE / ROJAVA – Ce premier avril, les Assyriens d’Irak et de Syrie célèbrent leur Nouvel An « Akitu » qui marque notamment le retour du printemps, un peu comme le Newroz kurde.
Akitu : Célébration de la liberté et de l’identité
Akitu est l’une des plus anciennes fêtes de l’histoire de l’humanité (selon le calendrier d’Akitu, nous sommes en l’an 6775), marquant le début de la nouvelle année selon le calendrier babylonien. Symbolisant le renouveau, la fertilité et la renaissance de la vie, elle continue d’être célébrée par les descendants des Sumériens, des Babyloniens, des Assyriens, des Syriaques et des Chaldéens.
Origines historiques d’Akitu
Célébré le 1er avril de chaque année, Akitu remonte à plus de 4 000 ans et plonge ses racines dans les anciennes civilisations de Mésopotamie, notamment sumériennes, babyloniennes et assyriennes. Ce festival est étroitement lié au renouveau de la nature, à la fertilité et au début d’un nouveau cycle annuel.
À Babylone et en Assyrie, Akitu était célébrée comme une fête printanière de renouveau, reflétant la philosophie des civilisations antiques selon laquelle le printemps représentait le début d’un nouveau cycle de vie. Les cérémonies commençaient dans les temples dédiés aux dieux, notamment celui de Marduk à Babylone, et comprenaient des rituels religieux, des danses festives et des processions publiques pour marquer l’avènement de la nouvelle année.
Au sein de la civilisation assyrienne, les célébrations duraient douze jours, rythmées par des cérémonies religieuses, des offrandes aux dieux et la reconstitution du mythe babylonien de la création. La fête symbolisait le triomphe de l’ordre sur le chaos et le renouvellement de l’alliance entre les dieux et l’humanité.
Que signifie Akitu pour le peuple syro-assyro-chaldéen ?
Pour les peuples syriaques-assyro-chaldéens, Akitu n’est pas seulement une fête traditionnelle, mais un élément essentiel de leur identité culturelle, religieuse et nationale. Elle symbolise la continuité et la résilience malgré les épreuves historiques que ces communautés ont endurées, notamment les invasions et les déplacements forcés. Aujourd’hui, la célébration d’Akitu témoigne de leur engagement à préserver leur patrimoine et à affirmer leur lien profond avec leur héritage historique.
Célébrations d’Akitu dans le nord et l’est de la Syrie
Les régions du nord et de l’est de la Syrie abritent une riche diversité culturelle et religieuse, la communauté syriaque-assyrienne-chaldéenne faisant partie intégrante de ce tissu social. Avec la création de l’Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie (AANES), ces communautés ont eu une occasion sans précédent de célébrer librement leur identité et leur patrimoine culturel.
Au cours des dernières décennies, les Syriaques-Assyro-Chaldéens de Syrie ont été confrontés à de sévères restrictions sur leurs expressions culturelles et religieuses sous le régime baasiste, qui imposait des limites strictes aux célébrations nationales. L’Akitu était célébrée soit de manière limitée, soit en secret. Cependant, aujourd’hui, avec l’instauration de l’Administration autonome – où les Syriaques-Assyro-Chaldéens ont joué un rôle essentiel aux côtés d’autres communautés de la région –, l’Akitu est célébrée ouvertement et avec une large participation.
Festivités dans le nord et l’est de la Syrie
Des villes comme Qamishli, Derik, Tirbespi, Hasaka et Tel Tamr sont le théâtre de grandes célébrations d’Akitu. Les cortèges publics rassemblent des participants vêtus de costumes traditionnels et portant des drapeaux représentant leur patrimoine ancestral. Les places publiques deviennent le centre des festivités, accueillant des spectacles folkloriques, des danses traditionnelles et des reconstitutions théâtrales de récits historiques assyriens et chaldéens.
Les chants traditionnels jouent un rôle important dans les célébrations, avec des groupes musicaux interprétant des mélodies transmises de génération en génération. Des cérémonies religieuses ont également lieu dans les églises, où prêtres et évêques prient pour la paix, l’amour et la coexistence entre toutes les communautés.
Un autre aspect clé de la célébration est la préparation de plats assyriens traditionnels, reflet de traditions culinaires remontant à l’Antiquité. Les familles se réunissent autour de tables festives pour célébrer l’arrivée de la nouvelle année.
Le rôle de l’AANES dans la promotion des libertés religieuses et culturelles
L’administration autonome a joué un rôle crucial dans la promotion de la pluralité culturelle et religieuse, en reconnaissant officiellement le droit de toutes les communautés à pratiquer leurs rituels religieux et à célébrer leurs fêtes nationales. Cet environnement inclusif a permis au peuple syriaque-assyro-chaldéen de revitaliser Akitu à une échelle jamais vue depuis des décennies.
Malgré les défis politiques et économiques de la région, l’Administration autonome assure la sécurité et le soutien de ces célébrations, réaffirmant son engagement à préserver la diversité culturelle et religieuse.
La reconnaissance d’Akitu comme faisant partie du patrimoine culturel de la région renforce la cohésion sociale, car des personnes d’origines ethniques diverses participent aux festivités, reflétant les valeurs d’unité et de coexistence.
Tentatives d’effacement de l’identité et de marginalisation des communautés autochtones
Si le peuple syriaque-assyro-chaldéen jouit de la liberté d’exprimer sa culture et son identité dans les régions contrôlées par l’Administration autonome, des inquiétudes subsistent quant aux politiques d’exclusion appliquées par le gouvernement de Damas. La récente déclaration constitutionnelle du gouvernement central ne reconnaît ni l’existence des diverses communautés du nord et de l’est de la Syrie, notamment le peuple syriaque-assyro-chaldéen, ni leurs identités nationales et culturelles.
Cette exclusion délibérée reflète une politique continue visant à effacer la riche pluralité de la Syrie. Le gouvernement central continue de considérer ces communautés uniquement comme des minorités religieuses, et non comme des peuples autochtones dotés de droits culturels et politiques distincts. Les dirigeants de diverses régions du nord et de l’est de la Syrie ont exprimé leur mécontentement face à cette politique, soulignant que toute future constitution qui ne reconnaîtrait pas toutes les communautés syriennes ne serait ni légitime ni juste.
Le message d’Akitu à la société et au monde
Akitu véhicule de puissants messages de paix, de liberté et d’identité. C’est l’occasion pour le peuple syriaque-assyro-chaldéen d’exprimer son héritage culturel à un moment où la région s’efforce de consolider les principes de coexistence et de respect mutuel.

Samuel Marouki, membre du Parti de l’Union syriaque, souligne qu’Akitu est l’une des plus anciennes fêtes religieuses de l’histoire, profondément ancrée dans le patrimoine mésopotamien. Il souligne que célébrer Akitu témoigne d’un attachement aux traditions historiques et religieuses.
Les célébrations d’Akitu dans le nord et l’est de la Syrie envoient un message au monde selon lequel cette région est capable d’embrasser sa diversité culturelle et religieuse, offrant un modèle positif au milieu des conflits qui affligent le Moyen-Orient.
La nécessité d’une constitution qui reflète la diversité de la Syrie
Akitu n’est pas seulement une commémoration du Nouvel An assyro-babylonien ; c’est un symbole de résilience, de renouveau et de liberté culturelle. Dans le nord et l’est de la Syrie, le peuple syriaque-assyro-chaldéen le célèbre comme partie intégrante de son identité, grâce au climat pluraliste favorisé par l’administration autonome, au sein de laquelle il a joué un rôle fondateur aux côtés d’autres communautés. Cependant, les politiques d’exclusion du gouvernement de Damas menacent cette identité, soulignant la nécessité d’une constitution qui reflète véritablement la diversité du tissu syrien et garantisse les droits de toutes ses composantes sans discrimination.
Célébrations d’Akitu en 2025
Cette année, le 1er avril 2025, la fête d’Akitu marquera l’année assyro-babylonienne 6775. Trois célébrations majeures auront lieu dans les régions du nord et de l’est de la Syrie contrôlées par l’Administration autonome :
Dans le village de Gri Shiran près de Tirbespi
Dans le village de Tel Wardiyat près de Tel Tamr
Dans le village de Hukmiyah à Derik, dans le canton de Jazira.
ANHA