SYRIE / ROJAVA – Dans l’article suivant, le journaliste Amed Dicle déconstruit la propagande turque autour de la nouvelle poussée turco-jihadiste dans les régions d’Alep, Hama… et le désir d’Erdogan de prendre le contrôle de la Syrie alors que sa priorité reste l’extermination des Kurdes du Rojava.
Voici le texte intégral d’Amed Dicle:
Quelques notes d’Alep, Til Rifat, Manbij, Hama…
La Turquie tente de présenter la situation à Tel Rifat [ou Tall Rifaat] comme une « victoire ». Mais c’est une distorsion loin de la réalité. Il n’existe aucun endroit où les groupes affiliés à la Turquie puissent prendre le contrôle du pays en affrontant les forces kurdes.
Pour comprendre la situation, il faut considérer la période de 6 ans. Lorsque la Turquie a envahi Afrin en 2018, elle a mis en œuvre la stratégie de dékurdification complète de la région. Après l’occupation, la population d’Afrin s’est installée à Shehba et a continué à résister dans des conditions de vie difficiles, sous siège et embargo. Le peuple a continué sa lutte pour la liberté de sa terre en y établissant les Forces de libération d’Afrin. C’est pour cette raison que l’État turc avait une hostilité particulière envers les Kurdes vivant dans la région.
Avec le siège d’Alep, la Turquie a transformé cette situation en opportunité et a tenté de soumettre la population au massacre. Cependant, l’Assemblée populaire a fait échouer ce plan en décidant d’évacuer la population. Cette décision d’évacuation a créé une base plus solide pour la résistance sur le plan militaire. En fait, depuis hier, des mouvements sérieux ont été réalisés en direction de ces groupes.
Il semble que le processus d’évacuation se soit déroulé dans le cadre d’un accord local et international. Pendant que les gens étaient évacués, certains groupes affiliés à la Turquie ont mené des attaques. Toutefois, d’autres groupes n’ont pas été impliqués dans ces attaques. En outre, la coalition internationale a contribué à assurer la sécurité en effectuant des vols de reconnaissance continus sur la ligne de passage. Au cours de ce processus, environ 200 000 personnes ont été protégées d’un grand massacre en étant placées dans différents camps.
Propagande et faits
La partie turque fait de la propagande noire comme si elle avait remporté une « victoire » par les combats. Cependant, hormis Tel Rifat, il n’existe aucun endroit où les forces kurdes se sont retirées. La Turquie tente de donner l’impression que les forces kurdes d’Alep et de Manbij vont se retirer. Ceci est incompatible avec les faits sur le terrain.
Alep
Les forces de défense kurdes et la population continuent de résister dans les quartiers de Cheikh Maqsud et d’Achrafiye à Alep. Ces quartiers sont organisés comme le Rojava dans tous les sens du terme depuis 2012 et disposent de leurs propres conseils et forces de défense. Cependant, bien que la région compte environ 200 000 habitants, les infrastructures ne sont pas à un niveau permettant de subvenir aux besoins d’un tel nombre de personnes. Il n’y a actuellement aucun conflit global dans la région. Cependant, après le départ de l’armée syrienne d’Alep, des groupes djihadistes ont assiégé deux quartiers, rendant la situation encore plus difficile. Un éventuel plan d’attaque de la Turquie pourrait rendre inévitable une guerre urbaine dans la région.
Les conflits entre groupes jihadistes sont un autre élément marquant. Selon l’accord conclu entre les groupes affiliés à la Turquie et le HTS (Heyet Tahrir al-Sham), le nord et l’est d’Alep restent sous le contrôle des groupes affiliés à la Turquie, tandis que les fronts sud et ouest sont confiés au HTS. HTS tente de s’étendre vers Idlib et Hama. Cependant, l’attitude prédatrice et agressive des groupes affiliés à la Turquie a dû perturber même HTS, car HTS a aliéné ces groupes sur certains points.
Manbij :
Türkiye se prépare à attaquer Manbij. Cependant, l’armée turque est consciente qu’elle aura des difficultés dans cette région sans l’aide du HTS. On affirme que s’il y a une attaque directe, une guerre difficile est inévitable. Les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont mené des opérations dans l’ouest de Jarablus et Manbij, perturbant les préparatifs des groupes affiliés à la Turquie.
Manbij est la première cible du projet visant à repousser les Kurdes à l’est de l’Euphrate. Les préparatifs insuffisants de la Turquie rendent difficile le lancement immédiat de l’opération. Il est possible d’évaluer la déclaration de Bahçeli « C’est au tour de Manbij », comme une tentative d’obtenir un rôle d’Erdoğan.
Hama et le Front Sud
Il est clair que si Hama tombe, Homs sera la prochaine. Homs est l’épicentre de l’armée syrienne. Si Homs tombe, la ligne Damas-Tarse sera également en danger. Pour cette raison, il est entendu que l’armée syrienne et ses alliés ne quitteront pas Hama facilement. Il est indiqué que dès le 4 décembre, les groupes HTS [islamistes radicaux de Hayat Tahrir Al-Cham – Organisation de libération du Levant, HTC ou HTS en anglais] ont été repoussés à Hama. Cela pourrait être le résultat des efforts de rétablissement de l’armée syrienne.
À quoi s’attendre ?
La progression de l’armée syrienne au sud d’Alep pourrait accroître la pression sur Manbij. Toutefois, dans les conditions actuelles, il ne semble pas possible pour l’armée syrienne de réaliser des progrès significatifs. Pendant ce temps, les FDS se préparent à une guerre majeure à Manbij et dans le bassin de l’Euphrate. Dans les prochains jours, Manbij et ses environs continueront de faire l’objet d’une intense attention des puissances régionales et internationales.