TURQUIE – Hier, 11 supporters du club de football Sakaryaspor ont été arrêtés en lien avec les actions fascistes ciblant le club kurde Amedspor lors du match du 28 août au stade olympique d’Istanbul. En effet, certaines supporters de Sakaryaspor portaient des masques à l’effigie de Mahmut Yıldırım, surnommé « Yeşil (Vert) », un agent notoire des forces paramilitaires turques (JITEM*) connu pour son implication dans les exécutions extrajudiciaires de dissidents kurdes et de gauchistes dans les années 1990. Après les arrestations d’hier, un membre du parti AKP d’Erdogan a apporté son soutien aux suspects…
Le président provincial de l’AKP Sakarya, Yunus Tever, a fait une déclaration de soutien aux supporters arrêtés pour s’être rendus au match d’Amedspor avec des masques de « Yeşil ». Il a écrit sur son compte X (Twitter), « Le vert de Sakaryaspor est le vert de l’espoir, de la lutte, de la paix, de l’unité et de la solidarité. (…) ».
L’utilisation des masques à l’effigie du tueur à gage « Yeşil » a donné lieu à de nouveaux appels auprès de la Fédération turque de football (TFF) et des autorités judiciaires pour qu’elles luttent contre les discours de haine et les provocations dans le sport.
Le football turc malade de son racisme anti-kurde
Amedspor, qui représente la ville kurde de Diyarbakır (Amed), a régulièrement été la cible de sentiments nationalistes et anti-kurdes. L’acte provocateur consistant à porter des masques de « Yeşil » fait suite à des incidents antérieurs, comme en 2023, lorsque des supporters de Bursaspor ont affiché des affiches de Yıldırım lors d’un match contre Amedspor, suscitant l’indignation des communautés kurdes et des organisations de défense des droits humains.
L’affichage des masques de « Yeşil » intervient dans un contexte de tensions persistantes autour de la présence d’Amedspor dans le football turc. En novembre 2023, la famille d’Ayten Öztürk, une femme kurde enlevée et tuée sous la torture par Yıldırım en 1992, a porté plainte contre des supporters de Bursaspor pour avoir glorifié son meurtrier pendant un match. Hıdır Öztürk, le père d’Ayten, a exprimé sa détresse à la vue des affiches, déclarant que « le meurtrier est connu, mais que justice n’a pas encore été rendue ». L’avocat de la famille, Cihan Söylemez, a déclaré que ces actes ne sont pas du simple hooliganisme mais pulvérise la fraternité des peuples de Turquie.
Le JITEM est l’abréviation de Jandarma İstihbarat ve Terörle Mücadele (service de renseignements et antiterrorisme de la gendarmerie). JITEM a été actif dans le conflit kurde en Turquie. Après le scandale de Susurluk, les anciens premiers ministres Bülent Ecevit et Mesut Yılmaz ont confirmé l’existence de JİTEM.
Amedspor est depuis longtemps au centre de controverses en raison de son association avec l’identité kurde. Après avoir changé son nom en « Amed » (le nom kurde de Diyarbakır) en 2015, le club a été confronté à une escalade d’attaques nationalistes et racistes, conduisant parfois à des violences sur et en dehors du terrain. En mars 2023, un match entre Bursaspor et Amedspor a dégénéré lorsque des supporters de Bursaspor ont lancé des couteaux, des balles et d’autres objets sur le terrain tout en scandant des slogans anti-kurdes.
En août 2024, des supporters d’Amedspor ont été attaqués à Nevşehir, dans le centre de la Turquie, par un groupe de 20 individus qui s’opposaient à ce qu’ils portent le maillot d’Amedspor. Les agresseurs ont utilisé des bâtons, des pierres et des couteaux, faisant trois blessés. Après l’attaque, Amedspor a exigé que les responsables soient identifiés et punis, qualifiant l’agression de menace directe à la paix sociale et à la coexistence.
Les dirigeants kurdes et les défenseurs des droits humains exhortent les autorités turques à prendre des mesures significatives contre ceux qui incitent à la haine et à la violence lors des matchs de football.