ISTANBUL – Les mères du Samedi qui se rassemblent chaque semaine sur la place Galatasaray, à Istanbul, pour s’enquérir du sort de leurs proches disparus et assassinés en détention et pour exiger que les auteurs soient poursuivis, ont demandé ce qui est arrivé à Talat Türkoğlu, un socialiste d’Istanbul porté disparu en avril 1996 et dont un ancien agent du JITEM a avoué le meurtre sous la torture de Turkoglu par des policiers.
Talat Türkoğlu, avait été arrêté et jugé à plusieurs reprises dans le passé pour des délits politiques. Les policiers civils le surveillaient. Le 29 mars 1996, Talat Türkoğlu a voyagé en bus d’Istanbul à Edirne, une ville proche de la frontière avec la Grèce, pour rendre visite à des proches. Pendant son trajet vers Edirne, le bus a été arrêté par une voiture et une personne de cette voiture est montée dans le bus. Avant son arrivée à Edirne, la même voiture a de nouveau arrêté le bus et la personne qui était montée dans le bus plus tôt est revenue à la voiture. Cette voiture a suivi Talat Türkoğlu jusqu’à son arrivée chez ses proches à Edirne.
Le 1er avril 1996, Talat Türkoğlu quitta Edirne pour Istanbul. Il n’est pas arrivé chez lui et a disparu depuis. En entrant chez elle, le cinquième jour après la disparition de son mari, son épouse remarqua que la porte d’entrée était ouverte et que sa télévision était allumée. Selon elle, les personnes qui sont entrées chez elle l’avaient fait avec la clé de son mari.
Zeynep Yıldız, membre de la commission contre les disparitions en détention de l’Association des Droits de l’Homme (IHD), a lu un communiqué de presse lors de la 992e veillée des Mère du Samedi.
Elle a déclaré: « Talat Türkoğlu, 45 ans, connu pour son identité socialiste, a été vivant à Avcılar, Istanbul. Il s’est rendu à Edirne pour rendre visite à sa mère le 29 mars 1996. Il a raconté à ses frères qu’il avait été suivi par des policiers en civil depuis Istanbul jusqu’à la porte de sa maison à Edirne. Ils ont également été témoins de cette situation alors qu’il séjournait chez sa famille. Il a décidé de rentrer chez lui à Istanbul le 1er avril 1996 et on n’a plus jamais eu de nouvelles de lui. Toutes les tentatives de la famille Türkoğlu, de l’Association des Droits de l’Homme et d’Amnesty International ont échoué. Les autorités officielles ont déclaré que Talat Türkoğlu n’avait pas été arrêté et que l’on ne savait pas où il se trouvait. En 1997, les aveux de Kasım Açık, membre du JİTEM, ont été repris dans la presse. Kasım Açık, qui a donné des informations détaillées sur la description, la montre, les vêtements, les chaussures et le portefeuille de Talat, a déclaré qu’il avait été interrogé par une équipe de policiers, de soldats (…) à Çadurkent, près d’Edirne, et que son corps, qui avait été torturé, a été jeté dans la rivière Meriç. (…)
En résumé, bien que tous les recours aient été tentés en droit interne concernant la disparition de Talat Türkoğlu en détention, le dossier a été clos par prescription. À l’occasion du 28e anniversaire de sa disparition en détention, nous exigeons que toutes les décisions de prescription prises dans le dossier Talat Türkoğlu, contraires au droit international, soient levées et que le dossier soit rouvert et qu’une enquête et des poursuites efficaces soient menées. Peu importe le nombre d’années qui passent, nous ne cesserons pas d’exiger justice pour Talat Türkoğlu et toutes nos disparus, et de rappeler que l’État doit agir selon les normes du droit universel. »
Depuis près de 29 ans, les mères du samedi s’arment d’œillets contre la police turque
Mères du Samedi est un groupe de militants qui cherchent à connaître le sort de leurs proches disparus en garde à vue dans les années 1980 et 1990 et exigent des comptes pour ces disparitions.
En mai 1995, les Mères du Samedi (en kurde: Dayikên Şemiyê, en turc: Cumartesi Anneleri) descendaient pour la première fois sur la place Galatasaray, à Istanbul, pour exiger la fin des disparitions forcées et demander qu’on leur rende leurs proches portés disparus.
Les « mères du samedi » reproche l’État turc de ne pas avoir enquêté sérieusement pour établir la vérité sur ceux qui ont disparu après leur mise en détention par les autorités turques.
Selon l’Association des droits de l’Homme (IHD), entre 1992 et 1996, 792 disparitions forcés et meurtres (de journalistes, syndicalistes, médecins, enseignants, enfants ou simples paysans) par l’État ont été signalés dans les régions kurdes de Turquie.