L’Irak, sans l’approbation du Parlement, a officiellement désigné la guérilla kurde comme « organisation interdite ». Cette décision témoigne d’une position cruciale de la part de l’Irak, reconnaissant le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) comme une menace pour la sécurité de l’Irak et de la Turquie. Cependant, cela reste en deçà de l’insistance de la Turquie à catégoriser le groupe comme une « organisation terroriste ».
Le Conseil de sécurité nationale irakien a annoncé jeudi, sans l’approbation du Parlement, que PKK serait interdit d’opérer dans le pays, à la suite d’une réunion de sécurité de haut niveau avec une délégation turque à Bagdad. Même si les deux parties se sont unies pour reconnaître le PKK comme une menace à la sécurité de l’Irak et de la Turquie, cette décision ne répond pas à la demande de la Turquie que le groupe soit désigné comme « organisation terroriste ».
La réunion de haut niveau entre Ankara et Bagdad intervient alors que la Turquie se prépare à une nouvelle campagne militaire dans la région du Kurdistan irakien (KRI). Les autorités turques ont mené des négociations approfondies avec l’Irak et la région du Kurdistan irakien afin d’obtenir un soutien local pour le succès de leurs opérations.
La réunion, qui a eu lieu le 14 mars, a réuni des responsables clés d’Irak et de Turquie, notamment le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan et le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères irakien Fouad Hussein.
Dans une déclaration commune publiée par les ministères des Affaires étrangères d’Ankara et de Bagdad, les deux partis ont souligné le statut du PKK en tant que menace à la sécurité des deux pays. Ils ont souligné que la présence du PKK sur le sol irakien est contraire à la constitution irakienne.
La Turquie exhorte depuis longtemps le gouvernement irakien à déclarer le PKK organisation terroriste et à soutenir ses opérations transfrontalières. Le gouvernement irakien, de son côté, s’est opposé aux opérations aériennes et terrestres de la Turquie à l’intérieur des frontières irakiennes, les qualifiant de « violation de l’intégrité territoriale de l’Irak » et refusant de reconnaître le PKK comme organisation terroriste.
L’interdiction par l’Irak des activités du PKK à l’intérieur de ses frontières est la première décision irakienne sur la question à être ratifiée par la Turquie, mais elle ne répond toujours pas à toutes les exigences de la Turquie.
Qassim al-Araji, conseiller pour les affaires de sécurité nationale auprès du Premier ministre irakien Mohammed Shia al-Sudani, a exprimé l’intention de l’Irak de traiter le PKK de la même manière qu’il a traité avec les groupes dissidents kurdes iraniens situés dans le nord de l’Irak, a rapporté l’Associated Press.
L’Irak avait évacué les bases des groupes d’opposition irano-kurdes du KRI en septembre 2023 à la suite d’un accord bilatéral entre l’Iran et l’Irak. Les groupes sont désormais considérés comme des réfugiés.
Murat Karayılan, membre du comité exécutif du PKK, a déclaré dans un communiqué sur les réunions de sécurité et les pourparlers diplomatiques entre la Turquie et l’Irak que la Turquie faisait pression sur l’Irak depuis longtemps sur la nouvelle route commerciale et le conflit de l’eau. Karayılan a averti qu’il n’était « pas dans l’intérêt de l’Irak » de soutenir la nouvelle opération militaire préparée par les forces turques, affirmant que le gouvernement irakien « légitimerait l’occupation de l’État turc ».
La Turquie tente d’influencer l’Irak, qui s’oppose aux actions turques contre le PKK, en soutenant un projet de route commerciale. Bagdad s’intéresse au projet de route de développement, ou Nouvelle Route de la Soie, pour relancer son économie pétrolière, qui a souffert des dynamiques régionales. Les observateurs suggèrent que la Turquie tente de forcer le gouvernement irakien à soutenir les opérations, arguant que le PKK constitue une menace pour le projet, compromettant son achèvement prévu pour 2029.
Les récentes remarques du ministre turc de la Défense, Yaşar Güler, lors d’une visite à la frontière irako-turque, suggérant une attente de coopération de la part du gouvernement irakien et faisant allusion à d’éventuelles sanctions contre l’Irak en cas de non-respect, indiquent la pression évoquée par Karayılan.
Le conflit de l’eau est également un sujet controversé pour l’Irak depuis un certain temps. L’Irak dépend fortement des fleuves Tigre et Euphrate pour son approvisionnement en eau, qui proviennent tous deux de Turquie. La construction de barrages en Turquie a considérablement réduit le débit de ces rivières, entraînant des pénuries d’eau en Irak.
Parallèlement, les forces frontalières irakiennes ont accru leur présence dans les zones de la région du Kurdistan susceptibles d’être affectées par l’offensive turque prévue, notamment dans la province de Duhok.
La Turquie mène régulièrement des offensives terrestres dans la région du Kurdistan irakien et a établi plusieurs bases militaires sur le sol irakien pour soutenir ses opérations transfrontalières controversées. Les activités militaires de la Turquie ont entraîné une augmentation du nombre de victimes civiles.
Les offensives terrestres sont fréquentes, la Turquie établissant des bases militaires en Irak pour soutenir ces opérations. Les campagnes militaires ciblent les forces de guérilla kurdes dans des zones spécifiques telles que Zap, Metina et Avashin. Les frappes aériennes sont également fréquentes, avec 6 000 signalées entre 2018 et juin 2023. Les statistiques les plus récentes font état de 428 frappes dans des zones civiles sur une période de deux mois. Depuis 2015, les frappes turques ont tué 154 civils et en ont blessé 220, principalement à Sulaymaniyah, Duhok, Erbil, Ninive et Sinjar. Il existe un ressentiment généralisé à l’égard de la Turquie parmi les habitants de la région.