« Ankara voulait profiter des contradictions entre les parties en conflit pour s’ériger en intermédiaire valable mais devant l’intensité de la polarisation la diplomatie turque n’est plus prise au sérieux par les forces en guerre. Après l’échec en Ukraine maintenant le problème Palestinien désavoue les initiatives astucieuses et rusées du régime d’Erdogan »? écrit le journaliste Ragip Duran alors que tout le Moyen-Orient est au bord de la IIIe guerre mondiale avec les attaques turques et iraniennes ciblant les Kurdes en Syrie et en Irak d’une part et le conflit israélo-palestinien de l’autres…
Voici la suite du texte de Duran:
« Le Président turc se nourrit de conflits. Que ce soit sur le plan national ou régional et international, s’il n’y a pas de conflit, Erdogan est très habile d’en inventer. Il croit qu’il peut toujours tirer des profits de tout conflit. Ce qui n’est pas le cas dans tous les exemples.
Sa politique extérieure est qualifiée de ‘’flexible’’ par ses partisans, mais les observateurs indépendants et les opposants déclarent qu’il s’agit purement et simplement d’une politique ‘’opportuniste, sans principe voire sans perspective’’.
Erdogan, qui avait déjà de bonnes relations avec et Moscou et Kiev, voulait poursuivre ses liens avec les deux capitales. Poutine était son ‘’frère’’ et il vendait des drones à Zelenski. Mais quand la contradiction entre la Russie et l’Ukraine était devenue antagoniste voire inconciliable, les deux capitales ont commencé à se méfier d’Ankara. On ne pouvait pas être simultanément pro-russe et pro-ukrainien.
Quant au conflit Israélo-Arabe le problème est encore plus compliqué car la très grande majorité de la population turque est du coté de la Palestine, certains pour des raisons religieuses et d’autres par sympathie politique. Cette même majorité déteste Israël, certains par antisémitisme d’autres pour des raisons politiques.
Erdogan a une mission très difficile à remplir: Il doit paraître anti-américain, anti-occidental et contre l’État d’Israël pour répondre aux attentes de son électorat. Mais il est par ailleurs obligé de poursuivre de bonnes relations avec Washington et Bruxelles car la Turquie est membre de l’OTAN et de plus candidat pour devenir membre à part entière de l’Union Européenne. Les contraintes économiques et financières obligent la Turquie a maintenir des relations au moins normales avec le monde occidental.
Le Président turc avait promis, tout de suite après sa victoire électorale du 14 mai 2023, d’améliorer les relations politico-diplomatiques avec l’Europe. Les relations diplomatiques avec Tel-Aviv devraient être renouvelées. Mais ces promesses n’ont pas été du tout réalisées. Car le régime du Monarque insiste toujours à violer les règles fondamentales de la démocratie et des Droits de l’Homme en Turquie. Par ailleurs il continue à soutenir Hamas et critique sévèrement, de plus avec un ton antisémite, l’Israël. Ce dernier a récemment retiré d’Ankara l’ensemble de ses diplomates et tous les citoyens d’Israël en Turquie sont appelés à rentrer immédiatement au pays.
Les turcs, en particulier les musulmans, les islamistes et les gens de la gauche continuent à manifester en masse leur colère devant les bâtiments diplomatiques d’Israël et des États Unis. Celui qui avait proposé dès le premier jour du conflit ses services d’intermédiaire entre Tel Aviv et Hamas n’est plus considéré comme un correspondant neutre et valable par Israël. Les Palestiniens ne comptent plus sur Erdogan qui n’avait pas cessé d’encourager le développement des relations économiques entre la Turquie et Israël.
M.Ibrahim Kalın, ancien porte parole du Président Erdogan, aujourd’hui chef des services de renseignement (MİT) avait inventé en 2013 la formule de ‘’Solitude Précieuse’’ pour qualifier la diplomatie d’Ankara, quand cette dernière était isolée à la fois du monde occidental et du Moyen-Orient. Les opérations diplomatico-politiques voire militaires du régime d’Erdogan n’ont pas pu briser cette isolation malgré toutes les initiatives abracadabresques en Irak et Syrie, dans les Caucase, dans la mer Égée et en Libye.
Faut-il aussi remarquer que l’engagement aveugle du coté d’Israël des principales forces du monde occidental, à commencer par celui de Washington, de Londres, de Berlin… renforce indirectement le Monarque turc.
‘’La Turquie, un pays musulman, ancien super puissance du Moyen Orient, désire en même temps faire partie du monde occidental, mais elle n’est pas arrivé à maintenir ni sa position dans le monde islamique ni à s’intégrer dans le cercle des pays civilisés’’ constate un professeur de droit en exil en Belgique. ‘’La solitude précieuse de la diplomatie d’Ankara n’a désormais rien de précieux’’ conclut-il. »