Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes réuni le 13 juin pour examiner la situation de la société civile en Turquie, au Portugal, en Azerbaïdjan et en Namibie a dénoncé la criminalisation et arrestations des militants des droits des femmes (en particulier des femmes kurdes) des défenseurs des personnes LGBTI+ et des militantes de gauche et de personnes LGBTI+ en Turquie
Concernant la situation de la société civile en Turquie, Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes des Nations Unies (ONU) écrit que « le retrait du pays de la Convention d’Istanbul a été déploré à plusieurs reprises. Ont également été dénoncés l’oppression et la criminalisation des organisations de femmes et de personnes LGBTI+, ainsi que le « niveau sans précédent » d’arrestation et de détention arbitraires de femmes pour des activités terroristes présumées – en particulier des femmes kurdes, des femmes membres du Mouvement Gülen et des femmes de gauche. »
Voici le rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes concernant la Turquie
« L’institution du Médiateur de la République de Türkiye a décrit les activités du Médiateur relativement aux droits des femmes, évoquant notamment l’organisation en 2018 d’un atelier sur « l’amélioration de l’efficacité des mécanismes de prévention de la violence domestique contre les femmes et les enfants ». Le Médiateur a aussi organisé en 2017 un symposium international sur la migration et les réfugiés, qui a mis l’accent sur la situation des femmes réfugiées.
Le Médiateur visite les institutions où sont détenues les personnes privées de liberté, même s’il n’y a pas de plainte concernant ces institutions : lors de ces visites, les lieux où sont hébergés les femmes et les enfants sont également examinés méticuleusement.
L’institution du Médiateur a pris de nombreuses décisions dans le domaine des droits des femmes. Dans les cas de violence à l’égard des femmes, le Médiateur recommande aux autorités administratives de remplir leurs obligations en procédant à une évaluation des risques concernant la situation concrète dans laquelle la victime de violence domestique porte plainte, afin que les mesures nécessaires soient prises pour que la loi soit respectée.
Le Comité exécutif turc pour le Forum des ONG sur la Convention a estimé que le retrait du Gouvernement turc de la Convention d’Istanbul reflétait des décennies de régression en matière de droits de l’homme dans ce pays ainsi que le « mépris total » du Gouvernement pour le droit international des droits de l’homme. Toujours selon l’ONG, le pouvoir judiciaire turc n’est plus indépendant et les recommandations et observations du Comité sont ignorées par les milieux proches du Gouvernement, le Gouvernement lui-même et le pouvoir judiciaire. L’ONG a prié le Comité d’appeler la République de Türkiye à mettre fin à l’oppression et à la criminalisation des organisations de femmes et de personnes LGBTI+.
L’organisation ERA a recommandé, pour sa part, que le Comité exhorte l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les personnes ayant une orientation sexuelle différente contre les crimes de haine, et pour mettre immédiatement fin aux discours de haine des politiciens de haut niveau et aux actions arbitraires de la police contre ces personnes; de même que pour rendre les services de santé, de logement, d’aide sociale et de protection disponibles et accessibles à tous, y compris aux femmes LBTI+.
Une représentante de Havle Women’s Association et de Musawah a évoqué le problème des mariages précoces et forcés : si l’âge légal du mariage en République de Türkiye est de 18 ans, comme le prévoit le Code civil turc, le même Code prévoit aussi que les personnes âgées de 17 ans peuvent se marier avec la permission de leurs parents. Or, la condition du consentement parental est souvent négligée dans la pratique, ce qui fait que l’âge accepté de facto est de 17 ans. Parallèlement, l’ONG a constaté avec préoccupation que si la République de Türkiye affirme que la pratique du « mariage avec un violeur » ne supprime pas la responsabilité pénale, le 16 janvier 2020, le Parlement turc a débattu d’un projet de loi sur le « mariage avec un violeur ».
L’ONG a recommandé, d’autre part, que le Comité demande à l’État partie de permettre aux femmes de conserver leur nom de jeune fille après le mariage et de donner leur nom de famille à leurs enfants si elles le souhaitent.
L’IAHRAG a constaté que six ans après la tentative de coup d’État qu’a connue le pays, le niveau d’arrestation et de détention arbitraires de femmes pour des activités terroristes présumées – en particulier des femmes kurdes, des femmes membres du Mouvement Gülen et des femmes de gauche – a atteint un « niveau sans précédent ».
Enfin, la Commission internationale des juristes a dit avoir documenté, ces dernières années, des attaques délibérées contre l’état de droit et l’indépendance judiciaire, une situation qui compromet gravement le droit des femmes à l’accès à la justice et aux recours effectifs, surtout en matière d’environnement. En effet, dans le contexte du changement climatique et de la dégradation de l’environnement, de nombreuses femmes et filles sont confrontées à des risques particuliers pour leurs droits fondamentaux. L’érosion de l’état de droit ouvre la voie à la corruption, ce qui entraîne la dégradation de l’environnement, laquelle a des effets négatifs et sexospécifiques sur les droits fondamentaux des femmes.
Un expert du Comité a demandé ce qui était fait pour lutter contre les stéréotypes sexistes dans les manuels scolaires et s’est enquis des mesures prises pour aider les filles à rester à l’école pendant la pandémie de COVID-19. Une experte a rappelé que le dernier examen de la République de Türkiye était intervenu dans le sillage du coup d’État ; elle a demandé si le Médiateur était intervenu dans des cas d’arrestations arbitraires.
Une autre experte a fait observer que le retrait de la République de Türkiye de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) faisait actuellement l’objet d’un recours en constitutionnalité. D’autres questions ont porté sur l’existence d’une institution nationale de droits de l’homme indépendante en République de Türkiye. Une représentante de l’institution du Médiateur a alors indiqué que cette institution était conforme aux Principes de Paris, à cette nuance près qu’elle ne pouvait agir que sur plainte. »
Le rapport complet peut être consulté ici : Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes auditionne la société civile s’agissant de la République de Türkiye, du Portugal, de l’Azerbaïdjan et de la Namibie