A un an des élections générales et présidentielles turques, il semblerait que la bureaucratie turque envisage la défaite électorale du président Erdogan et se prépare à tourner la page d’AKP. C’est ce que le journaliste Ragip Duran explique dans « Chronique Turquie » à lire ci-dessous.
(Dans le texte de Duran, on ne voit pas de trace du parti HDP « pro-kurde » , boudé par l’opposition kémaliste. Pourtant, les Kurdes ont montré qu’ils étaient faiseurs de roi lors des élections municipales de mars 2019. Ils avaient fait basculer les municipalités des grandes villes turques vers l’opposition. On espère que l’opposition turque prendra en compte le vote kurde si elle veut se débarrasser d’Erdogan. Autrement, elle risque une nouvelle défaite, malgré l’impopularité croissante d’Erdogan.)
La bureaucratie turque se prépare à l’ère post-Erdogan
Le Président Erdogan essaie de profiter de l’agression russe contre l’Ukraine. Il se pose en intermédiaire mais n’a pas pu jusqu’à maintenant obtenir un minimum de succès. Il désire garder l’équilibre entre Moscou et Kiev, tout en privilégiant les intérêts russes, mais les ambassadeurs russe et ukrainien en poste à Ankara ont fait des déclarations pas tellement élogieuses au sujet de cette position confuse de la diplomatie turque.
Par ailleurs le pouvoir prépare lentement les élections anticipées, selon la majorité des observateurs. Les prochaines élections présidentielles et générales devront se tenir théoriquement au plus tard en juin 2023. Mais la loi électorale a été changé au profit du parti au pouvoir et le Haut Conseil des Élections, autorité suprême responsable de l’organisation des élections poursuit ses travaux. Le Président Erdogan ne cesse de faire des promesses aux électeurs tout en cachant la vrai nature de la crise économique et financière, qui serait selon lui l’œuvre « d’un petit groupe de gens de mauvaise volonté ».
Les médias, même ceux qui sont proches du Palais relatent de plus en plus les difficultés économiques et financières pas seulement de celles de l’homme de la rue mais aussi de celles des petites et moyennes entreprises voire de celle des grands industriels.
La valeur de la livre turque poursuit sa chute et les hommes d’affaires se plaignent de la carence des matières premières ainsi de la hausse générale des prix.
Par ailleurs deux faits, relativement nouveaux: Le chef de l’opposition M.Kemal Kilicdaroglu, a récemment déclaré qu’il recevait tous les jours et en nombre croissant des dossiers de corruption envoyés par la bureaucratie. Les fonctionnaires désirent prendre une précaution pour l’avenir quand ils révèlent les irrégularités du pouvoir.
Second fait nouveau: Le judiciaire devient de plus en plus anti-Erdogan ces dernières semaines. La Cour de Cassation et surtout le Conseil Constitutionnel mais également des tribunaux de première instance ont donné des verdicts contre les intérêts du pouvoir: M.Kilicdaroglu a gagné un procès contre M.Erdogan qui l’avait accusé d’insulte au Président de la République. La Cour de Cassation a jugé illégale la main mise par l’administration sur le passeport de Mme Dilek Dundar, épouse du journaliste en exil Can Dundar. Mme Sedef Kabas, accusée d’insulte au Président de la République, arrêtée, inculpée et incarcérée a du être libérée 3 mois après son arrestation. Le tribunal de première instance l’avait condamnée à 28 mois de prison.
Peut être pas encore l’ensemble des procureurs et des juges, mais une grande partie de la bureaucratie judiciaire estime que le pouvoir actuel ne risque pas durer trop longtemps et ils ne veulent pas être l’objectif du nouveau gouvernement.
« Deux corps annoncent en générale l’avenir des pouvoirs: Les médias et le judiciaire » déclare un professeur de droit en exil. « Les médias du pouvoir sont de plus en plus faibles, leurs ventes et leurs audiences chutent énormément et il y a très peu de gens qui les croient. Les récents verdicts des tribunaux montrent également que le judiciaire est obligé de préparer son propre avenir. Erdogan n’arrive plus, comme dans le passé, à imposer ses décisions sur les procureurs et juges » conclu-t-il.
Malgré tout cela, les observateurs d’Ankara et ceux de l’étranger rappelent qu’Erdogan est une bête politique qui a remporté, à l’exception d’une seule (Juin 2015), toutes les élections depuis 2002.
Texte publié ce 16 avril, par Dogan Ozguden